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Physiopathologie et tendinopathie : rien n’est encore figé



 
Il existe à l’heure actuelle de nombreux articles concernant le mécanisme patho-physiologique à l’origine du développement des tendinopathies [1, 2] mais peu de discussion à ce jour sur le rôle potentiel du fascia dans cette pathologie. Dans d’autres pathologies musculo-tendineuses, comme par exemple la fasciite plantaire [3], il existe des preuves qu’une inflammation du fascia peut survenir. Une analyse histologique démontre un infiltrat inflammatoire réactif accompagné d’une production de protéoglycanes, un épaississement collagénique et un œdème.

Cook et Purdam [1] proposent un modèle de tendinopathie reposant sur des changements réactifs menant à des lésions tendineuses et à terme à la dégénérescence du tendon et cela bien qu’il n’ait aucune composante inflammatoire. Ce qui pourrait bien manquer cependant est le stade « premier » du déclenchement du processus pathologique tendineux et en ignorant le rôle potentiel du fascia et de l’interface fascia-tendon, on ne prend en compte à l’heure actuelle un aspect peut être important dans le développement de cette pathologie.

Hormis la description spécifique des expansions fasciales péripatellaires et au niveau de la face latérale et médiale du genou [4-6], l’anatomie globale des fascias du membre inférieur est mal documentée. Aucun des articles sur la tendinopathie ne fait écho à cette structure anatomique importante mais tous les papiers récents sur la thérapeutique actuelle de cette dernière, font référence à l’existence d’un « paratendon » soit environnant, soit recouvrant le tendon achilléen qui est souvent utilisé pour guider les injections thérapeutiques (injections salines, polidoconol, acide hyaluronique) [7-10]. Lors d’une dissection anatomique complète des fascias du membre inférieur de 22 cadavres embaumés et 10 cadavres frais à l’Université de Melbourne, les auteurs de cet article ont revisité l’anatomie du fascia autour du tendon d’Achille [11]. Il n’y avait aucune preuve d’une discrète structure indépendante du fascia de la loge postérieure de la jambe. Ce que l’on appelle paratendon est en fait le fascia postérieur du membre inférieur. Ceci fut confirmé histologiquement car il était constitué de mêmes faisceaux de collagènes que le fascia recouvrant le compartiment antéro-latéral de la jambe et de même densité et épaisseur. Pour aller plus loin, les auteurs de la dissection ont injecté sous guidage échographique du silicone dans l’espace supposé du paratendon puis disséqué la région. Ils ont confirmé que c’était bien sous-aponévrotique (Fig. 1). 

Les différents articles scientifiques actuels sur la néo-vascularisation péri-tendineuse, la néo-innervation et les nouvelles thérapeutiques associées pourraient être finalement interprétés et justifiés avec plus de précision s’il existait un stade inflammatoire initial au processus dégénératif tendineux. Si le fascia postérieur du triceps sural jusqu’ici connu comme le  « paratendon » du tendon achilléen est la source de cette inflammation initiale, ce pourrait être alors l’origine de la douleur rencontrée dans les premiers temps de la pathologie (phase pré-réactive) et expliquer l’apparition de cette néo-vascularisation péri-tendineuse. Les adhérences que l’on peut constater dans la fasciite plantaire et qui provoque le développement d’un fascia épaissi et l’apparition de fibrose sont représentatives du rôle potentiel de l’inflammation fasciale à créer des adhérences.

Un tendon achilléen sous-jacent « grippé » par des adhérences causées par un état inflammatoire du fascia postérieur peut être entrainé dans une dynamique physiologique anormale et subir des contraintes mécaniques délétères menant à une tendinopathie.

Ainsi, en ayant une description anatomique plus précise de la localisation lésionnelle, on peut avec plus d’efficacité comprendre ou réfléchir sur le but des thérapeutiques actuelles ou futures. Tout n’est pas faux mais tout n’est pas vrai pour autant. La difficulté à obtenir des moyens efficaces sur le traitement de la tendinopathie le prouve bien aujourd’hui. En réfléchissant sérieusement sur la part d’inflammatoire initiale et la part de dégénératif, on devrait pouvoir à terme permettre la mise en place d’un ordonnancement des techniques médicales ou kinésithérapiques (injections médicamenteuses, excentrique…). Plus que le « comment faire », il s’agit aujourd’hui, et cela par le biais d’une imagerie plus performante, de déterminer le « quand faire ».



Article écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Cook J, Purdam CR. Is tendon pathology a continuum? A pathology model to explain the clinical presentation of load-induced tendinopathy. Br J Sports Med 2009;43:409–16.
 
[2] Rees JD, Wilson AM, Wolman RL. Current concepts in the management of tendon disorders. Rheumatology (Oxford) 2006;45:508–21.
 
[3] LeMelle DP, Kisilewicz P, Janis LR. Chronic plantar fascial inflammation and fibrosis. Clin Podiatr Med Surg 1990;7:385–9.
 
[4] Cook J, Purdam CR. Is tendon pathology a continuum? A pathology model to explain the clinical presentation of load-induced tendinopathy. Br J Sports Med 2009;43:409–16.
 
[5] Sanchez AR II, Sugalski MT, LaPrade RF. Anatomy and biomechanics of the lateral side of the knee. Sports Med Arthrosc 2006;14:2–11.
 
[6] Mochizuki T, Akita K, Muneta T, et al. Pes anserinus: layered supportive structure on the medial side of the knee. Clin Anat 2004;17:50–4.
 
[7] Leung JL, Griffith JF. Sonography of chronic Achilles tendinopathy: a case–control study. J Clin Ultrasound 2008;36:27–32.
 
[8] Chan O, O’Dowd D, Padhiar N, et al. High volume image guided injections in chronic Achilles tendinopathy. Disabil Rehabil 2008:1–12.
 
[9] Crisp T, Khan F, Padhiar N, et al. High volumeultrasound guided injections at the interface between the patellar tendon and Hoffa’s body are effective in chronic patellar tendinopathy: a pilot study. Disabil Rehabil 2008:1–10.
 
[10] Alfredson H, Lorentzon R. Sclerosing polidocanol injections of small vessels to treat the chronic painful tendon. Cardiovasc Hematol Agents Med Chem
2007;5:97–100.
[11] Franklyn-Miller A, Falvey E, McCrory P. Fasciitis first before tendinopathy: does the anatomy hold the key? Br J Sports Med November 2009 Vol 43 No 12