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Perception de la récupération et performance



Perception de la récupération et performance
Tout le monde le sait, la récupération est intimement liée à la performance. Bishop et al [1] ont dénommé la récupération comme la « période cruciale entre les sessions d’entrainements ou les compétitions ayant le potentiel d'améliorer la performance future ». Ils mettent en évidence, à juste titre, le fait que les athlètes passent plus de temps à récupérer qu’à s’entrainer. Ainsi, le temps de récupération est un élément déterminant dans le processus d'adaptation et il est nécessaire pour les sportifs d’adopter des stratégies efficaces pour éviter les éventuels effets physiologiques et psychologiques délétères du surentrainement [2].
 
L'utilisation de l'immersion en eau froide (Cold Water Immersion) est une stratégie de récupération commune rencontrée très souvent lors des compétitions sportives voir même des entrainements pour les équipes les plus impliquées dans la récupération. Cependant, les justifications physiologiques légitimant son utilisation restent incertaines. Utilisée par certains pour atténuer l’inflammation des micro-lésions musculaires suite à un exercice physique intense (DOMS) [3, 4] et pour son effet analgésique, l’hydrothérapie en eau froide connait cependant dans la littérature des résultats équivoques qui peuvent s'expliquer en partie par des écarts dans les protocoles immersion, par des évaluations de performances trop rapprochées de l’immersion, par des participants ayant des niveaux d’expertise différents et des mesures qui ne peuvent être liées directement à la performance sportive.

C’est pourquoi plusieurs études ont également montré une absence de  bénéfices [5, 6] voire même des effets négatifs de l’immersion en eau froide sur la réalisation d’une performance [7].


Beaucoup de questions se posent alors souvent quant à la mise en place de ce type de récupération et surtout quant aux modalités de son application : température de l’eau, temps d’immersion, moment de sa mise en place…
 
Une nouvelle étude parue en janvier dernier dans le BJSM [8] visait à évaluer la relation entre la variation de la température corporelle suite à une immersion en eau froide et la perception individuelle de la récupération. 
 
Douze joueurs de rugby (masculins) ont participé à une expérience sur 3 semaines pendant laquelle un intense exercice physique de 60 min était immédiatement suivi par 15 min, soit d’immersion en eau froide (14 °c), soit en eau chaude (30°c) ou soit par un repos passif constituant le groupe contrôle. La température corporelle après l'exercice et des appréciations subjectives sur la récupération (questionnaire) ont été enregistrées et ensuite reliées à une performance sur un 5×40m sprint réalisé 24h plus tard.
 
Les résultats ont montré que l’immersion en eau froide (CWI) induit d'importantes réductions de la température centrale du corps et participe à l'amélioration d’une performance ultérieure comparée à l’immersion en eau chaude ou au repos passif. Tant le degré de diminution de la température à 60 min post-immersion (p = 0,0121) que l'évaluation subjective de l'intervention de récupération (p = 0,0441) étaient liés à la performance de sprint réalisée 24h plus tard. Une très forte corrélation linéaire a été observée lorsque ces deux facteurs ont été intégrés (p = 0,0031).
 
Cette étude vient corroborer les résultats parus en décembre 2012 [9] sur 3 protocoles de récupération (cold water immersion, contrast water therapy ou passive rest) appliqués dans une équipe de footballeurs australiens et qui avait fait l’objet d’un speed meeting antérieur (« Récupération et immersion en eau froide pendant 14 minutes : une étude »). Cette étude bien que ne montrant aucune différence à très court terme (post-immersion) entre les 3 protocoles sur la performance (sprint), la douleur ou la perception de la fatigue, mettait en avant une nette dominance de l’immersion en eau froide sur ces derniers paramètres entre 24-48h post-immersion.
 
Conclusion : bien que les résultats des études sur les protocoles de récupération en immersion divergent, il semblerait toutefois que l’immersion en eau froide démontre de meilleurs résultats quand la réalisation d’une nouvelle performance se situe à distance de l’immersion (24-48h). De même, de nombreuses expériences démontrent que la combinaison d'indices physiologiques et psychologiques fournit une indication significative d’amélioration de la performance future. Cela suggère donc un rôle important de la perception individuelle de la récupération chez le sportif. En effet, outre les effets physiologiques de l’immersion, le sportif s’est senti impliqué dans un processus de récupération et par la-même « s’auto-influence » du bien fondé de cette méthode sur sa capacité à bien récupérer !
 
Alors pour les kinésithérapeutes encore septiques, si la mise en place de bains d’eau froide ne coûte pas trop cher en temps et en argent, pourquoi s’en priver ?
 
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
                 
[1] Bishop PA, Jones E, Woods AK. Recovery from training: a brief review: brief review. J Strength Cond Res 2008; 22:1015–24.
[2] Kellman M. Preventing overtraining in athletes in high-intensity sports and stress/recovery monitoring. Scand J Med Sci Sports 2010; 20:95–102.
[3] Vaile J, Halson S, Gill ND, et al. Effect of hydrotherapy on the signs and symptoms of delayed onset muscle soreness. Eur J Appl Physiol 2008; 102:447–55
[4] Pournot H, Bieuzen F, Duffield R, et al. Short term effects of various water immersions on recovery from exhaustive intermittent exercise. Eur J Appl Physiol 2011; 111:1287–95.
[5] Stanley J, Buchheit M, Peake JM. The effect of post-exercise hydrotherapy on subsequent exercise performance and heart rate variability. Eur J Appl Physiol 2012; 112:951–61.
[6] Akeman JR, Macrae R, Eston R. A single 10-min bout of cold-water immersion therapy after strenuous plyometric exercise has no beneficial effect on recovery from the symptoms of exercise-induced muscle damage. Ergonomics 2009; 52:456–60.
[7] Higgins TR, Heazlewood IT, Climstein M. A random control trial of contrast baths and ice baths for recovery during competition in U/20 rugby union. J Strength Cond Res 2010; 25:1046–51.
[8] C. J Cook, C.Martyn Beaven. Individual perception of recovery is related to subsequent sprint performance. Br J Sports Med, 2013 jan 4.
[9] Elias GP, Varley MC, Wyckelsma VL, McKenna MJ, Minahan CL, et Aughey RJ. Effects of water immersion on post-training recovery in Australian footballers. Int J Sports Physiol Perform, 2012, dec.