La fonction et l'activité électromyographique (EMG) du dentelé antérieur (DA) ont été mises en avant dans le positionnement et le mouvement normaux de la scapulo-thoracique. Une faiblesse du DA est associée à des anomalies de positionnement scapulaire, de mobilité scapulo-thoracique et d'activité musculaire.
Une diminution du recrutement moteur du DA entraîne une mobilité scapulaire altérée lors de l'élévation de l'épaule dans les plans frontal et scapulaire, ce qui peut causer des conflits et provoquer des douleurs chez des personnes pratiquant des activités avec des mouvements au-dessus de la tête, comme le baseball et le tennis.
C'est pourquoi il est important de réaliser un travail du DA dans les programmes de réhabilitation, afin de maintenir un rythme scapulo-thoracique et des mouvements de l'épaule optimaux.
De nombreuses études se sont penchées sur la réalisation de pompes pour renforcer le DA, car celles-ci ont été décrites comme capables de reproduire une situation biomécanique fonctionnelle et représenteraient un meilleure stimulus proprioceptif. Certaines études ont suggéré l'utilisation d'un support instable lors de ces exercices [1,2], ce qui entraînerait un recrutement plus important du système neuro-musculaire et une meilleure activation musculaire. De plus, la partie basse du DA montre une plus grande activité EMG pendant les pompes réalisées sur surface instable que stable. Cependant, d'autres études ont rapporté que l'addition d'une surface instable sous la main n'augmenterait pas l'activité EMG du DA [3,4].
Aucune étude avant celle présentée ici n'avait chercher à déterminer l'effet des pompes sur une surface instable oscillante.
Les pompes entraînent une plus grande activité du DA si elles sont réalisées normalement que si elles sont faites à genoux. Cependant, une étude [5] a rapporté que les pompes en phase précoce de rééducation ne sont pas appropriées pour les patients présentant des douleurs importantes car elles nécessitent une charge supérieure à 35% du poids du corps sur chaque épaule.
Cette étude [6] a cherché à comparer l'activité EMG du DA lors des pompes en position à genoux réalisées sur surface statique stable, statique instable et oscillante instable, chez des sujets sains. L'hypothèse était que l'activité EMG du DA serait plus importante sur surface oscillante instable.
MÉTHODES
Sujets
Neuf sujets minimum étaient nécessaires pour avoir une puissance adéquate.
Au total, 15 sujets sains (âge 23,27 ± 1,28 ans) ont été recrutés. Tous étaient droitiers. Au préalable, les investigateurs ont vérifié que les sujets étaient capables de réaliser les pompes à genoux sur surface oscillante instable pendant 10 secondes sans bascule ni décollement de la scapula, sinon ils étaient exclus. Ils étaient également exclus s'ils rapportaient des douleurs ou une sensation d'inconfort au niveau de la région cervicale, de l'épaule, du coude, du poignet ou des mains dans les 6 mois précédents, ou encore une tendinopathie, une capsulite rétractile, une instabilité ou un conflit à l'épaule, ce qui pouvait affecter les mouvements du membre supérieur.
Instrument et recueil des données
L'activation du DA a été mesurée par EMG de surface, par deux électrodes, du côté du bras dominant. La contraction maximale volontaire (CMV) du DA a été relevée pour chaque sujet avec l'épaule à 130° et le coude fléchi à 90°. Une résistance maximale à la protraction a été exercée au niveau du coude. Chaque CMV a été mesurée pendant 5 secondes, et la valeur moyenne pendant les 3 secondes centrales a été moyennée. Toutes les données sont exprimées en pourcentage de la CMV.
L'exercice sur la surface instable oscillante a été décomposé en deux phases : une phase ascendante pendant laquelle la plateforme est ascensionnée du côté du bras dominant, et une phase descendante où la plateforme est abaissée du côté dominant.
Procédure
Chaque exercice a été réalisé 3 fois, avec 3 minutes de repos entre chaque. Avant les exercices, l'ordre de passage sur les différentes surfaces a été randomisé.
Les 3 types d'exercices (surfaces stable, instable et oscillante) ont été démarrés avec la même position de départ : les épaules à l'aplomb des mains, genoux à 90° sur le sol. Pour la série avec surface oscillante, les mains étaient placées sur le plateau oscillant tandis que les genoux étaient positionnés sur un step pour qu'ils soient au même niveau.
Le sujet devait alors réaliser une protraction de la scapula en gardant les coudes tendus (sinon les données étaient rejetées).
Les exercices sur surface stable ont été réalisés les mains au sol et ceux sur surface instable statique sur des coussins gonflés d'air. Les sujets réalisaient une protraction maximale de la scapula et la maintenaient pendant 5 secondes.
Analyse statistique
Après avoir vérifié la normalité des variables, des tests paramétriques ont été appliqués.
RÉSULTATS
L'analyse de variance du pic et de la moyenne des valeurs obtenues montre une différence statistiquement significative entre les trois conditions (p < 0,01), de même que le test de Boneferroni.
Le pic d'activité du DA était significativement plus important lors des exercices sur surface instable oscillante comparé aux deux autres surfaces (stable vs. oscillante instable : différence moyenne -38.42, intervalle de confiance à 95% [IC] -12.71 à -64.14 ; p = 0.004 ; statique instable vs. oscillante instable : différence moyenne -42.04; IC 95% -15.07 à -69.01; p = 0.002).
Les amplitudes moyennes d'activité du DA étaient également significativement meilleures sur surface oscillante instable (stable vs. oscillante instable : différence moyenne -37.07, IC 95% -13.73 à -60.42 ; p = 0.002 ; statique instable vs. oscillante instable : différence moyenne -40.10; IC 95% -16.21 à -64.00; p = 0.001).
Il n'y avait pas de différence significative de pic et de moyenne de valeurs d'activité du DA entre les surfaces stable et statique instable (pic : différence moyenne 3.62, IC 95% -3.25 à 10.48; p = 0.521 ; moyenne : différence moyenne 3.03, IC 95% -0.45 à 6.51, p = 0.099).
DISCUSSION
Les résultats montrent que les exercices ici présentés permettraient un meilleur recrutement du DA s'ils sont réalisés sur surface oscillante instable. Les auteurs suggèrent l'utilisation de ce type de surface afin de recruter davantage le DA et de le faire travailler en progression.
Il y aurait trois raisons possibles pour expliquer cette augmentation de recrutement.
Premièrement, ce serait du à l'instabilité de la surface en elle-même. Certaines études avaient déjà montré qu'une surface instable demandait une activité musculaire au niveau de l'épaule plus importante afin de maintenir la stabilité posturale [2,7].
Ensuite, une surface instable peut engendrer une force axiale verticale pendant la phase ascendante, force qui se transmet à la scapula par l'intermédiaire des mains. Le sujet maintient ainsi la protraction sans réaliser de rétraction scapulaire. Il y a alors une résistance exercée plus importante que sur surface stable.
Enfin, une autre étude [8] avait aussi rapporté que les mouvements multidirectionnels étaient plus avantageux en termes de renforcement musculaire et de recrutement des unités motrices comparés à des exercices unidirectionnels. Le mouvement de la scapula dans les trois dimensions est primordial pour réaliser les activités quotidiennes engageant le membre supérieur. Ici, il est possible que les exercices sur surface oscillante instable aient induit des mouvements de la scapula dans les trois plans de l'espace.
Les auteurs précisent que leur étude ne montre aucune différence significative de recrutement du DA entre les conditions stables et statiques instables, contrairement aux résultats d'autres études précédentes, mais que les différences de protocole expérimental ne permettent pas la comparaison de ces données.
Les limites de cette étude reposent en partie dans le fait que les mesures EMG pourraient inclure l'activité du grand dorsal de par la position des électrodes, ce qui est un problème récurrent lors de l'utilisation de l'EMG de surface [9]. De plus, les résultats ne peuvent être généralisés à l'ensemble de la population car l'étude a seulement été réalisée sur des sujets sains masculins d'une vingtaine d'année. Enfin, aucune mesure de l'activité EMG des autres muscles recrutés dans la stabilisation de la scapula n'a été relevée.
De futures études pourront s'intéresser à d'autres populations ou à d'autres muscles lors de ces exercices.
CONCLUSION
Cette étude montre donc qu'une surface oscillante dans les trois dimensions de l'espace est plus efficace pour activer le DA pendant des exercices de pompes à genoux.
Bibliographie
[1] Lehman, G. J., MacMillan, B., MacIntyre, I., Chivers, M., & Fluter, M. (2006). Shoulder
muscle EMG activity during push up variations on and off a swiss ball. Dynamic Medicine, 5, 7.
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[3] Lehman, G. J., Gilas, D., & Patel, U. (2008). An unstable support surface does not increase scapulothoracic stabilizing muscle activity during push up and push up plus exercises. Manual Therapy, 13, 500e506.
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[7] Yoo, W. G., & Hwang, Y. I. (2010). Activation and ratio of the upper trapezius and serratus anterior muscles during dynamic and isometric exercises on various support surfaces. Journal of Physical Therapy Science, 22, 267e271.
[8] Richards, J. A., & Dawson, T. A. (2009). Optimizing exercise outcomes: the efficacy of resistance training using conventional vs. novel movement arcs. The Journal of Strength & Conditioning Research, 23, 2015e2024.
[9] Solomonow, M., Baratta, R., & Bernardi, M. (1994). Surface and wire EMG crosstalk in neighboring muscles. Journal of Electromyography and Kinesiology, 4, 131e142.