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Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort



Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort
Contexte
Le patient avec un CECS (le syndrome chronique du compartiment à l'effort ou syndrome des loges), se plaint généralement d’une douleur limitant l'exercice, localisée sur le compartiment antérieur, qui est soulagée par le repos.
Il est courant que les patients décrivent une sensation de fièvre, d'oppression ou l’augmentation de la circonférence de la face antéro-latérale de la jambe.
 La douleur et les symptômes associés au CECS ne disparaissent que plusieurs minutes après la cessation de l'activité, de sorte que la douleur à la jambe provoquée par l'exercice (EILP) présente généralement un diagnostic difficile pour le praticien, car l'examen ultérieur du patient est généralement normal.
Le CECS, qui est généralement bilatéral, a été défini comme une affection douloureuse, dans laquelle l’exercice induit une pression élevée dans un espace myofascial fermé, entraînant une diminution de la perfusion tissulaire et de l’ischémie. Bien que la physiopathologie n'ait pas été confirmée.
Des preuves récentes, provenant de ce même groupe d'étude, ont montré que dans le CECS, la pression intramusculaire du compartiment au repos (IMCP) était supérieure à celle du groupe témoins.
Cette divergence a été amplifiée lors d’exercices provoquant les symptômes, suggérant qu’un composant structurel entraîne une diminution de la compliance du compartiment, probablement due à une augmentation de la rigidité du fascia.
Des troubles subjectifs neurologiques et de la marche accompagnent souvent la douleur dans le CECS ainsi qu’une paresthésie et un engourdissement et, si l'exercice persiste au-delà du début de la douleur, une modification du schéma de marche est fréquemment rapportée.
Ceci se traduit habituellement par un « pied tombant », due à une perte de contrôle du pied lors de l’attaque talon. (Le contact initial du pied, IFC)
Ceci est souvent décrit comme un « claquement de pied » résultant principalement de la perte de fonction du tibial antérieur, du long extenseur de l’hallux et du nerf péronier profond lorsqu’il passe dans le compartiment antérieur.
 
Le traitement est généralement chirurgical, bien que des options thérapeutiques conservatrices impliquant une modification de la marche aient été proposées avec un certain succès. Celles-ci sont basées sur une « mise en décharge » théorique de la musculature du compartiment antérieur, en encourageant une transition de la course, de l’arrière pied à l’avant pied.
 
Des études prospectives évaluant les enregistrements de la pression plantaire pieds nus (BFPP), chez des patients souffrant de blessures de surutilisation aux membres inférieurs ont mis en évidence des différences dans les caractéristiques de charge associées aux blessures.
Les variables BFPP liées spécifiquement au CECS n'ont toutefois pas encore été identifiées.
Lorsque la pression plantaire a été mesurée chaussé, il a été rapporté qu’elle était moins sensible, pour identifier les facteurs de risque de blessure, que lorsque la mesure était faite pieds nus.
 
Le but était d’étudier les différences de caractéristiques de BFPP entre les cas de CECS prouvés par l’IMCP et les témoins asymptomatiques, avant l’apparition des symptômes douloureux.
Nous avons émis l’hypothèse d’une augmentation du taux de flexion plantaire, entre les cas de CECS et les témoins asymptomatiques.
Les variables retenues concernent la mesure du « claquement de pied » ainsi que les paramètres biomécaniques et anthropométriques couramment évalués en milieu clinique.
 
Méthodes
Participants       
40 volontaires militaires, 20 présentant des symptômes de CECS et 20 témoins asymptomatiques ont été étudiés. Le diagnostic de CECS a été établi à partir de symptômes typiques, avec un examen clinique et une IRM excluant les autres pathologies avant la survenue d'un IMCP. Le groupe de cas présentaient un IMCP plus élevé que celui des témoins (114 ± 32 mmHg contre 68,7 ± 22 mmHg) et ont signalé une douleur dans le compartiment antérieur moins de 10 minutes après le début de la marche.
 
Critère d'intégration
Les critères d'inclusion étaient les suivants : homme ; 18-40 ans ; IMC<35 ; et aucun écart de longueur des membres inférieurs> 2 cm.
Les sujets avaient besoin, des symptômes (lors de l’EILP) cohérents avec un diagnostic de CECS, affectant par définition leur capacité à accomplir pleinement leurs tâches ; une IRM négative du ou des membres affectés et de la colonne lombaire ; aucun diagnostic autre que CECS.
Des témoins en bonne santé ont été inclus quand ils n’avaient, aucune douleur au membre inférieur au cours des 12 mois précédent ; aucune douleur actuelle sur aucun site, y compris pendant les activités physiques ; pas de dépendance aux orthèses ; et, pouvait courir sans douleur pendant 20 minutes.
 
Équipement
Le BFPP a été évalué sur une plaque de pression de 2 m 
 
Les participants ont ensuite été invités à marcher à leur rythme naturel. L'ordre de placement des pieds a été auto-sélectionné. Dix essais réussis ont été obtenus par participant. Un essai est considéré comme réussi s'il est achevé sans ajustement visible de l'approche ou de la traversée du plateau de pression et si les frappes de pied se produisent dans la zone requise. La vitesse a été évaluée post-hoc à l'aide de l'analyse des données de caméra vidéo.
 
Protocole d’évaluation
La relation statistique de la vitesse avec chaque variable a été évaluée pour déterminer la nécessité d'inclure la vitesse comme co-variable dans l'analyse.
Ceci est conforme aux conditions des études, contrairement au CECS dans lequel la vitesse est considérée comme un composant fondamental de la pathologie, et à la recommandation de Rodgers que l'effet de la vitesse soit pris en compte dans toutes les données biomécaniques.
 
Mesures de pression plantaire pieds nus
Le logiciel Footscan® a défini dix zones anatomiques (Figure 1).
Les données ont été analysées pour :
-Stance Time (ST)
-Angle de progression du pied (FPA)
-Centre de force (COF)
-Taux de flexion plantaire après l’attaque talon (IFFC). Temps de contact initial du pied (IFC) et contact complet de l’avant pied.
-La répartition de la pression sous le talon médiale (HM) ou latérale (HL)
-Le rapport entre la charge métatarsienne interne et externe (FORE)
 

Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort
Analyses statistiques
Les coefficients de corrélation de chaque variable avec la vitesse et la longueur des jambes ont été calculés, suivis de l'ANCOVA ou du t-test.
Des courbes de caractéristiques de fonctionnement du récepteur (ROC) ont été construites pour le temps IFFC.
 
Résultats
Les cas avaient des temps ST et IFFC plus courts que ceux des contrôles.
La FPA était inversement liée à la vitesse de marche (WS) chez les témoins uniquement.
L'aire sous la courbe ROC pour le taux IFFC variait de 0,746 (IC à 95% : 0,636-0,87) à 0,773 (IC à 95% : 0,671-0,875), ce qui représente une « validité prédictive équitable ».
Les valeurs limites optimales et les indices de précision du diagnostic pour chaque condition sont décrits dans le tableau 3.

Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort
Discussion
Ces résultats suggèrent qu’il existe des différences entre le groupe CECS et le groupe contrôles quant à l’adaptation de FPA durant l'augmentation de WS (Figure 2). Les cas CESC semble moins capables d’adapter l’angle de progression du pied à la vitesse de marche.

Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort
Des études antérieures ont suggéré qu’a l’état normal, le FPA diminue à mesure que la WS augmente.
Shanthikumar et al, ont rapporté un FPA moyen de 13,3 ° avec une WS (vitesse de marche) de 1,33m/s.
Ceci est cohérent avec la réduction du FPA indiquée dans le tableau 2, la WS globale moyenne dans cette étude étant de 1,7m/s.
Le groupe contrôle a réduit le FPA avec la WS mais le groupe CECS a montré une adaptation minimale.
On ne sait pas ce qui est responsable de cet effet, bien qu'une activité anormale du tibial antérieur (TA) ait déjà été impliquée dans le FPA.
Cette idée correspond à l'orientation oblique inféro-médiale du TA sur l'axe de la jambe, ainsi qu'au rôle du TA dans la transition marche-course.
Si le TA fonctionne avec un désavantage mécanique dans le CECS, cela pourrait expliquer cette capacité réduite à s’adapter à l’augmentation de la WS.
Cela pourrait aussi être le résultat de différences cinématiques, plus en amont de la chaîne cinétique, qui ne peuvent pas être identifiées seulement avec le BFPP.
L’effet de la fatigue et de la douleur devrait également faire l’objet d’une étude plus approfondie, le CECS n’étant généralement discuté qu’en présence de douleur.
On pourrait s’attendre à ce que les deux conditions amplifient l’effet sur le BFPP.
 
Cette étude est la première à rapporter que, malgré l’absence de symptômes douloureux au moment des tests, les patients présentant un CECS manifestent une augmentation significative du taux de flexion plantaire après IFC (Tableau 1).
Ceci suggère une diminution de la capacité de la musculature du compartiment antérieure à contrôler l’abaissement du pied pendant la flexion plantaire dans le CECS.

Mesure de la pression plantaire pieds nus dans le syndrome chronique du compartiment à l'effort
De nouvelles informations sur le mécanisme entraînant le déplacement de l'articulation de la cheville après le IFC ont récemment été rapportées. Chleboun et al ont conclu qu'il n'y avait pratiquement pas d'allongement excentrique du muscle TA après IFC, de sorte que la chute du pied se produise par étirement du tendon pendant que le muscle se contracte de manière isométrique.
Ceci suggère que la raideur du tendon TA est un élément vital dans le fonctionnement efficace du compartiment antérieur.
Par conséquent, si l'IFFC est réduit dans les cas de CECS, il est plausible que cela soit dû à l'étirement du tendon du TA, bien que ces études ne permettent pas d'exclure une faiblesse musculaire.
Maganaris et al ont montré qu'une partie de l'allongement de ce tendon peut être adaptée par la flexion dans le rétinaculum antérieur de la cheville, sous lequel le tendon du TA passe comme une poulie.
 
Le bras de levier du TA est raccourcit au repos par rapport à la contraction isométrique maximale par déplacement antérieur du tendon de 0,8 à 1,2 cm à la suite de cet étirement du rétinaculum.
Les chaussures limitant ce déplacement pourraient donc effectivement augmenter la distance que le tendon TA doit parcourir pour ralentir la flexion plantaire IFC.
Les futures études, y compris sur la pression plantaire et la cinématique, devraient donc considérer le rôle de la chaussure (militaire) dans la compression possible du rétinaculum extenseur de la cheville et l’étirement du TA.
 
Limites
Ces données ne peuvent pas attribuer le déficit de control de la flexion plantaire à une faiblesse relative du TA par rapport à un allongement ou à un changement de la composition élastique du tendon du TA, empêchant la contraction du TA au pied.
Cette étude ne permet pas non plus de confirmer si cette augmentation du taux de flexion plantaire est la cause ou le résultat du CECS.
 
Conclusion
Les patients atteints de CECS ont une vitesse accrue de la flexion plantaire de la cheville après la frappe du talon qui précède l’apparition de symptômes douloureux pouvant résulter d’un désavantage mécanique du tibial antérieur. Ces résultats fournissent des informations supplémentaires sur la physiopathologie du CECS et soutiennent la poursuite des recherches sur ce diagnostic non invasif. La valeur prédictive du temps IFFC dans le diagnostic de CECS est comparable à celle d'un IMCP post-exercice, mais est inférieure à celle d'un IMCP dynamique mesurée lors de symptômes douloureux.
Des études complémentaires utilisant un EMG et la cinématique lors de la présence de symptômes douloureux sont recommandées pour répondre à ces questions et confirmer l’utilité diagnostique de la mesure du PP dans le CECS.
 
Article original
Roscoe D, Roberts AJ, Hulse D, Shaheen A, Hughes MP, Bennett A. Barefoot plantar pressure measurement in Chronic Exertional Compartment Syndrome. Gait Posture 2018 Jun;63:10-16.
 
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