Le dossier sur la lombalgie est loin d’être clos. Mis au banc des accusées, de nombreuses causes peuvent être responsables de ce « mal » moderne. Des étiologies discale, facettaire, myofasciale, posturale, inflammatoire… et tout aussi bien psychiques, la diminution de la douleur lombaire et sa pérennisation dans le temps est un véritable défi en cabinet libéral. Il paraît ainsi que dans une vie, 80% des individus auront au moins 1 fois mal au bas du dos et que la lombalgie constitue la première cause d’arrêt de travail.
Pour rajouter un peu de piment à ce méli-mélo d’étiologies, une étude danoise [1] révèle que dans 40 % des cas, la lombalgie serait provoquée par une bactérie, et qu'un traitement antibiotique serait à même de soulager la douleur.
Selon l'équipe de scientifiques danois dirigés par le Dr H. B. Albert (Spine Center of Southern Denmark), les antibiotiques peuvent être considérés comme une option de traitement pour les patients souffrant de douleurs lombaires chroniques [1, 2]. Publiés dans la revue spécialisée European Spine Journal en avril dernier, les résultats d’une étude randomisée en double aveugle ont montré que 80 % des 162 participants qui souffraient de douleurs depuis plus de 6 mois après une hernie discale ont relevé une diminution de la douleur après une prise d'antibiotiques 3x/jour pendant 100 jours (amoxicilline-acide clavulanique 500 mg/125 mg; Bioclavid). Aucune atténuation de la douleur n’a été retrouvé chez les patients ayant reçu des placebos.
Les patients ont été évalués au départ, à la fin du traitement (100j) et à 1 an (365j).
Résultats : les patients traités par antibiotiques se portaient mieux 1 an après: ils avaient moins de douleurs lombaires (score d’incapacité Rolland Morris Disability Questionnaire, et VAS), moins de douleurs aux jambes et moins de jours d'arrêt de travail en comparaison des participants sous placebo.
Explication : l’ensemble des participants avait des discopathies dégénératives avec diffusion inflammatoire dans le corps vertébral (stades Modic 1). Ces œdèmes sont présents dans 6% de la population générale et chez environ 40% de ceux ayant des douleurs lombaires [3]. Ces changements structurels sont fortement associés à la lombalgie et on suggère qu’il y aurait en plus d’une cause mécanique, une cause infectieuse qui provoquerait ces modifications. Plusieurs études sur les tissus nucléaires d’hernies discales ont démontré la présence de micro-organismes anaérobies, peu virulentes (principalement la bactérie anaérobie Propionibacterium acnes). Au moment d'une hernie discale, ces bactéries anaérobies peuvent entrer dans le disque et donner lieu à une infection insidieuse.
Le Dr H. B. Albert rapporte dans cet article que la douleur est causée par cette bactérie anaérobie « Propionibacterium acnes » présente à l'intérieur du disque intervertébral touché. Ces bactéries, qui vivent normalement dans les follicules pileux ou dans les gencives, peuvent entrer dans la circulation sanguine après un brossage de dents et ainsi atteindre le disque endommagé.
Posant tout de suite des limites aux conclusions de son étude, le Dr Albert souligne à juste titre que le traitement par antibiotiques ne convient cependant pas à toutes les personnes souffrant de douleurs lombaires. Par conséquent, cette thérapie ne doit notamment pas être administrée aux patients pour lesquels l'origine infectieuse n'a pas été prouvée ou qui sont allergiques aux antibiotiques.
Conclusion : l’équipe ne dit pas que la prise d’antibiotiques est la solution miracle pour traiter les douleurs de dos mais il s’agit bien là d’une nouvelle piste pour certains types de lombalgie identifiés.
Néanmoins, comme tout traitement antibiotique et surtout médicamenteux, le revers de la médaille est l’apparition de certains effets secondaires et dépendances. Comme de nombreux patients lombalgiques ont déjà une consommation d'antalgiques ou d’anti-inflammatoires parfois élevée, il ne faudrait pas tomber dans le même piège avec les antibiotiques. Une prise systématique d’antibiotiques risque de ne pas apporter les résultats escomptés et de discréditer alors ce type de traitement qui est réservé aux patients ayant déjà eu une hernie discale.
On peut remarquer qu’il aurait été intéressant de comparer ce résultat avec un panel de personnes ayant reçu d’autres types de traitement pour des douleurs lombaires, voir des traitements combinés (kinésithérapie classique, thérapie manuelle, ostéopathie, école du dos, Ki-dos, Mc Kenzie...)
Ces nouveaux résultats démontrent non seulement que les patients dont le matériel discal est infecté par des bactéries anaérobies développent de nouvelles discopathies dégénératives avec diffusion inflammatoire dans le corps vertébral des vertèbres adjacentes, mais aussi que les patients avec une hernie discale de ce type on connut une évolution clinique qui s'est nettement améliorée avec un protocole antibiotique.
Alors en effet, « les antibiotiques, c’est pas automatique », mais n’y aurait-il pas là une petite exception ?
Toutefois, 100 jours d'ATB, c'est long...
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] H.B. Albert et al. Does nuclear tissue infected with bacteria following disc herniations lead to Modic changes in the adjacent vertebrae? April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 690-696
[2] H.B. Albert et al. Antibiotic treatment in patients with chronic low back pain and vertebral bone edema (Modic type 1 changes): a double-blind randomized clinical controlled trial of efficacy. European Spine Journal April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 697-707
[3] M Aebi. Is low back pain after disc herniation with Modic Type 1 changes a low-grade infection? European Spine Journal. April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 689
Pour rajouter un peu de piment à ce méli-mélo d’étiologies, une étude danoise [1] révèle que dans 40 % des cas, la lombalgie serait provoquée par une bactérie, et qu'un traitement antibiotique serait à même de soulager la douleur.
Selon l'équipe de scientifiques danois dirigés par le Dr H. B. Albert (Spine Center of Southern Denmark), les antibiotiques peuvent être considérés comme une option de traitement pour les patients souffrant de douleurs lombaires chroniques [1, 2]. Publiés dans la revue spécialisée European Spine Journal en avril dernier, les résultats d’une étude randomisée en double aveugle ont montré que 80 % des 162 participants qui souffraient de douleurs depuis plus de 6 mois après une hernie discale ont relevé une diminution de la douleur après une prise d'antibiotiques 3x/jour pendant 100 jours (amoxicilline-acide clavulanique 500 mg/125 mg; Bioclavid). Aucune atténuation de la douleur n’a été retrouvé chez les patients ayant reçu des placebos.
Les patients ont été évalués au départ, à la fin du traitement (100j) et à 1 an (365j).
Résultats : les patients traités par antibiotiques se portaient mieux 1 an après: ils avaient moins de douleurs lombaires (score d’incapacité Rolland Morris Disability Questionnaire, et VAS), moins de douleurs aux jambes et moins de jours d'arrêt de travail en comparaison des participants sous placebo.
Explication : l’ensemble des participants avait des discopathies dégénératives avec diffusion inflammatoire dans le corps vertébral (stades Modic 1). Ces œdèmes sont présents dans 6% de la population générale et chez environ 40% de ceux ayant des douleurs lombaires [3]. Ces changements structurels sont fortement associés à la lombalgie et on suggère qu’il y aurait en plus d’une cause mécanique, une cause infectieuse qui provoquerait ces modifications. Plusieurs études sur les tissus nucléaires d’hernies discales ont démontré la présence de micro-organismes anaérobies, peu virulentes (principalement la bactérie anaérobie Propionibacterium acnes). Au moment d'une hernie discale, ces bactéries anaérobies peuvent entrer dans le disque et donner lieu à une infection insidieuse.
Le Dr H. B. Albert rapporte dans cet article que la douleur est causée par cette bactérie anaérobie « Propionibacterium acnes » présente à l'intérieur du disque intervertébral touché. Ces bactéries, qui vivent normalement dans les follicules pileux ou dans les gencives, peuvent entrer dans la circulation sanguine après un brossage de dents et ainsi atteindre le disque endommagé.
Posant tout de suite des limites aux conclusions de son étude, le Dr Albert souligne à juste titre que le traitement par antibiotiques ne convient cependant pas à toutes les personnes souffrant de douleurs lombaires. Par conséquent, cette thérapie ne doit notamment pas être administrée aux patients pour lesquels l'origine infectieuse n'a pas été prouvée ou qui sont allergiques aux antibiotiques.
Conclusion : l’équipe ne dit pas que la prise d’antibiotiques est la solution miracle pour traiter les douleurs de dos mais il s’agit bien là d’une nouvelle piste pour certains types de lombalgie identifiés.
Néanmoins, comme tout traitement antibiotique et surtout médicamenteux, le revers de la médaille est l’apparition de certains effets secondaires et dépendances. Comme de nombreux patients lombalgiques ont déjà une consommation d'antalgiques ou d’anti-inflammatoires parfois élevée, il ne faudrait pas tomber dans le même piège avec les antibiotiques. Une prise systématique d’antibiotiques risque de ne pas apporter les résultats escomptés et de discréditer alors ce type de traitement qui est réservé aux patients ayant déjà eu une hernie discale.
On peut remarquer qu’il aurait été intéressant de comparer ce résultat avec un panel de personnes ayant reçu d’autres types de traitement pour des douleurs lombaires, voir des traitements combinés (kinésithérapie classique, thérapie manuelle, ostéopathie, école du dos, Ki-dos, Mc Kenzie...)
Ces nouveaux résultats démontrent non seulement que les patients dont le matériel discal est infecté par des bactéries anaérobies développent de nouvelles discopathies dégénératives avec diffusion inflammatoire dans le corps vertébral des vertèbres adjacentes, mais aussi que les patients avec une hernie discale de ce type on connut une évolution clinique qui s'est nettement améliorée avec un protocole antibiotique.
Alors en effet, « les antibiotiques, c’est pas automatique », mais n’y aurait-il pas là une petite exception ?
Toutefois, 100 jours d'ATB, c'est long...
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] H.B. Albert et al. Does nuclear tissue infected with bacteria following disc herniations lead to Modic changes in the adjacent vertebrae? April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 690-696
[2] H.B. Albert et al. Antibiotic treatment in patients with chronic low back pain and vertebral bone edema (Modic type 1 changes): a double-blind randomized clinical controlled trial of efficacy. European Spine Journal April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 697-707
[3] M Aebi. Is low back pain after disc herniation with Modic Type 1 changes a low-grade infection? European Spine Journal. April 2013, Volume 22, Issue 4, pp 689