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Les effets de l'entraînement en résistance sur les adaptations de l'hypertrophie et de la force musculaire par rapport à l’horaire de la journée : revue systématique et méta-analyse



INTRODUCTION :

La performance de l'exercice physique varie selon l’heure de la journée (Drustetal, 2005). Par exemple, des recherches ont montré une amélioration du temps chronométré lorsque la session est effectuée à 17h30, contre 07h30 (Atkinson et al. 2005). L’acrophase (pic maximal circadien) musculaire, semble se produire le soir, aux environs de 18h00.
Guette et al. (2005) ont évalué la force à l'aide d'un test de contraction maximale volontaire (=CMV) du muscle quadriceps à 06h00, 10h00, 14h00, 18h00 et 22h00. Les résultats ont montré que la force atteignait son maximum à 18h00. Les valeurs de résistance les plus faibles étaient obtenues lors des séances du matin (06h00 et 10h00). Martin et al. (1999) ont comparé les valeurs de force à 07h00 et à 18h00, et ont indiqué que la force de la CMV était plus élevée (+ 9%) le soir par rapport au matin. Sur la base des résultats de ces  études, il semble que la spécificité temporelle est une variable importante pour la musculation. Cependant, les recommandations fournies par l’American College of Sports Medicine (2009), ne proposent pas de lignes directrices concernant ce sujet.
On peut émettre l'hypothèse qu’au long-terme, l’entraînement à une heure précise de la journée peut avoir un effet profond sur les adaptations caractéristiques telles que l'hypertrophie et la force musculaire. À l'appui de cette hypothèse, Sedliak et al. (2009) ont comparé les effets de 10 semaines d'entraînement le matin (07h00-09h00) par rapport au soir (17h00-19h00). Seul le groupe du soir a connu une augmentation significative de la force (CMV). Cependant, il ne semble pas y avoir de consensus sur ce sujet étant donné que Souissi et al. (2002) ont rapporté des augmentations similaires de la force musculaire à la fois le matin et le soir. Concernant l’hypertrophie, des résultats contradictoires sur la spécificité temporelle de l'entraînement contre résistance sont aussi rapportés. Par exemple, l’étude de Sedliak et al. en 2009, ont observé des résultats similaires pour l'hypertrophie musculaire du quadriceps, quelle que soit l'heure de la journée à laquelle la session est effectuée. Paradoxalement, Küüsmaa et al. en 2016 ont rapporté une hypertrophie plus importante pour les groupes s'entraînant le soir.
Compte tenu de l’absence de consensus sur les effets de la spécificité temporelle de l’entraînement en résistance (force et hypertrophie), cette revue systématique et méta-analyse d’études tentent d’élucider cette problématique.

METHODES :
 
Les recherches documentaires en langue anglaise dans les bases de données PubMed / MEDLINE, Scopus et SPORTDiscus ont été effectuées en novembre 2018 par l’intermédiaire de mots clefs. La sélection de l'étude a été réalisée indépendamment par deux auteurs (JG et BL) afin de minimiser les biais.
Toutes les études incluses dans les analyses répondaient aux critères d'inclusion suivants :
- publié en anglais
- Comparaison des effets de l'entraînement contre résistance le matin et le soir avec deux groupes effectuant le même programme d'entraînement
- l'hypertrophie musculaire et / ou la force musculaire ont été évaluées avant et après l'intervention par prise de la masse corporelle maigre, des modifications musculaire (muscle entier ou fibre), de la répétition maximale (RM) ou de la CMV
- l'intervention a duré au moins 4 semaines
- participants humains en bonne santé

Deux auteurs (JG et AG) ont indépendamment extrait les différentes données et évaluer la qualité des études incluses. Une liste de contrôle de 29 questions référencées a été utilisée pour évaluer la qualité méthodologique des études incluses (20 à 29 points = bonne qualité ; 11 à 20 points= qualité moyenne et moins de 11 = mauvaise qualité).
Les analyses statistiques, réalisées dans les standards scientifiques, sont détaillées dans l’article original.

RESULTATS :

Onze études, comportant 221 participants, ont été inclues dans cet article (échantillon moyen par étude = 22). Les interventions ont durée entre 6 et 24 semaines avec une moyenne de 11 semaines. Toutes les études ont évalué la force musculaire, six études l’hypertrophie musculaire et deux études la force et l’hypertrophie (tableau 1). Les études sur l'hypertrophie ont utilisé l’analyse par impédance bioélectrique, l’échographie en mode B ou l’IRM (imagerie par résonance magnétique). Une étude a également évalué les changements au niveau des fibres musculaires (Sedliak et al. 2018). Huit études ont utilisé une évaluation type chronobiologique des participants à l'aide du questionnaire Morningness – Eveningness (Horne et Ostberg, 1976), du Munich Chronotype Questionnaire (Roenneberg et al. 2003) ou du Circadian Type Questionnaire (Folkard et al. 1979). La majorité des participants n’appartenaient pas au chrono-type extrême du matin ou du soir (tableau 1).
Les études incluses ont été classées comme étant de qualité satisfaisante (quatre études) ou de qualité moyenne (sept études). Le score moyen sur la liste de contrôle était de 19/29 (extrêmes 17–21). (figure 2)
Les effets de l'entraînement en résistance sur les adaptations de l'hypertrophie et de la force musculaire par rapport à l’horaire de la journée : revue systématique et méta-analyse

RESULTAT de la META-ANALYSE :

Force en contraction maximale volontaire (CMV) :
Les résultats de 7 études indiquent une différence significative de force en faveur du groupe « soir ». (p <0,001) (SMD = 0,36, IC à 95% = 0,20, 0,51; I² = 0%).
L’évaluation de la force le soir et le matin des groupes entraînés exclusivement le matin n'indiquent aucune différence significative (p = 0,664; SMD = 0,05, IC à 95% = -0,17, 0,27; I² = 0%).
L'analyse de la force le soir et le matin pour les groupes entraînés le soir indiquent une différence significative favorisant l'évaluation de la résistance le soir. (SMD = 0,38, IC 95% = 0,15, 0,62; I² = 1%).
Parmi les 11 études incluses, les principaux résultats de la méta-analyse n’indiquent aucune différence significative entre l’entraînement en résistance du matin et celui du soir lorsque les valeurs moyennes des évaluations de la force du matin et du soir sont utilisées pour l’analyse (p = 0.801; SMD = 0.04, 95% IC = -0.24, 0.32 ; I² = 0%).
Les analyses de sous-groupes n’indiquent aucune différence significative entre les groupes s’entraînant le matin et le soir lorsque la force est testée le matin ou le soir (figure 3).
Force en résistance maximale (RM) :
Seulement deux études ont examiné le test en 1RM et une le test 6RM. Par conséquent, aucune analyse des tests de force RM n'a été effectuée.
Hypertrophie :
Les résultats de la méta-analyse sur 5 études n'ont révélé aucune différence significative entre les groupes d'entraînement en résistance du matin et du soir (p = 0,958; SMD = 0,20, IC 95%: -0,40, 0,40; I² = 0%). Le nombre d'études portant sur l'hypertrophie des fibres musculaires étant insuffisant (une seule étude a examiné ce résultat), aucune analyse n'a donc été réalisée.
Les effets de l'entraînement en résistance sur les adaptations de l'hypertrophie et de la force musculaire par rapport à l’horaire de la journée : revue systématique et méta-analyse

De façon synthétique, les résultats sont les suivantes :
1) au départ, une différence significative de force entre le matin et le soir est évidente, une force plus grande étant observée le soir
2) l’entraînement en résistance le matin peut augmenter la force évaluée le matin à un niveau comparable à celui évaluée le soir
3) l’entraînement du soir permet toutefois de maintenir la différence générale de force tout au long de la journée, avec une force accrue observée le soir
4) dans la comparaison des effets entre les groupes qui s’entraînent le matin et le soir, l’augmentation de la force est similaire dans les deux groupes, quel que soit le moment de la journée où l’évaluation de la force est effectuée
 5) l'augmentation de la taille du muscle est pratiquement la même, peu importe le moment de la journée d'entraînement.

DISCUSSION :
 
Force musculaire :
Pour les données de base, leurs résultats corroborent ceux de Guette et al. (2005) et Martin et al. (1999), qui ont observé que les valeurs de force sont généralement plus basses le matin tandis qu’un pic de force est observé en soirée. Les différences de force observées peuvent être expliquées par les variations de température corporelle et la fonction endocrinienne. Plus précisément, la température corporelle a tendance à être plus élevée le soir et donc avoir un impact sur la production de force en augmentant la vitesse de conduction du potentiel d'action (Chtourou et Souissi 2012). De plus, la variété des profils hormonaux, y compris la testostérone et le cortisol, fluctue de façon rythmique tout au long de la journée.  Par conséquent, ceci peut affecter certains aspects de la performance physique (Teo et al. 2011).
Une conclusion intéressante de cette revue, réside dans le fait que le groupe qui s'entraînait pendant les matinées avait, lors de l'évaluation de la force après l'intervention, des valeurs de force similaires lors des séances de test du matin et du soir. Ces résultats soulignent que l'entraînement du matin peut augmenter l'expression de la force de sorte qu'il devient similaire à celui du soir. Ceci ajoute de l'importance à la spécificité de l'entraînement pour la force (Sale et MacDougall, 1981). Cela peut suggérer une possible adaptation de l'horloge biologique au programme d'entraînement prescrit (Schroder et Esser 2013). Lors de l’analyse des groupes s’entraînant le soir, les différences de valeurs lors de l’évaluation entre le matin et le soir sont maintenues, ce qui donne lieu à des niveaux de force plus élevés le soir.
Dans leur analyse comparant l'efficacité de l'entraînement le matin et le soir, leurs résultats indiquent que des gains de force similaires pourraient être attendus quel que soit le moment de la journée où l'entraînement est effectué.
 L’entraînement du matin et du soir peuvent avoir un effet plus important sur la force lorsqu’il est évalué à la même période de la journée. Néanmoins, ils améliorent également la force lorsqu’ils sont évalués à une heure de la journée non liée à l’entraînement. Par exemple, l'entraînement du soir améliore la force testée le soir mais également le matin, dans une moindre mesure. De tels résultats ont été observés par Soussi et al. (2002). Ces derniers ont trouvé une augmentation absolue de +26% lors du test matinal et +19% lors du test en soirée dans le groupe s’entrainant le matin. En revanche, dans le groupe d’entraînement du soir, l’augmentation absolue était supérieur le soir (+ 22%) par rapport au matin (+ 17%) (Souissi et al. 2002). Par conséquent, il est intéressant d’adapter le moment du test en fonction du groupe d’entrainement. Dans l’ensemble, il n'y avait cependant pas de différence significative entre les groupes dans ces analyses. Il convient de souligner que leurs résultats ne concernent que les tests CMV et non les tests en RM. Il n’est donc pas possible d’extrapoler ces résultats car les tests CMV et en 1RM peuvent produire des résultats non-similaires voir même contradictoire parfois (Gentil et al. 2017).  De futures études sont nécessaires.
 
Hypertrophie musculaire
Plusieurs études ont montré qu'une forte activation de la voie de signalisation de la kinase p6 ribosomale S70 (p70S6K), à la suite d'un exercice de résistance, est corrélée à une augmentation de la taille musculaire à long terme (Mayhew et al. 2011; Terzis et al. 2008). Sedliak et al. en 2013 disent que la phosphorylation de p70S6K est similaire après un exercice de résistance effectué le matin et le soir. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que l’analyse de l’hypertrophie musculaire induise des effets similaires à ce résultat. En effet, leurs résultats corroborent les données temporelles, indiquant que des adaptations hypertrophiques similaires sont observées dans le temps, quel que soit le moment de l'entraînement en journée. Les personnes ayant un objectif d’hypertrophie musculaire peuvent choisir le moment de la journée pour s’entraîner en fonction de leurs préférences personnelles. Cela dit, il convient de faire preuve de prudence lorsqu’on extrapole ces résultats dans la pratique car ils ne reposent que sur cinq études. En outre, les modifications de la taille musculaire observées au niveau du muscle entier pourraient ne pas être tout à fait comparables à celles observées au niveau de la fibre musculaire (Grgic et Schoenfeld 2018). Sur les 11 études incluses, une seule étude (Sedliak et al. 2018) a examiné la section transversale des fibres musculaires (CSA). Les résultats de cette étude suggéraient des augmentations similaires du CSA des fibres musculaires entre le groupe d'entraînement du matin (+ 21%) et celui du soir (+ 18%). Cependant, étant donné le manque de données sur le sujet, des recherches futures sont nécessaires pour tirer des conclusions plus définitives.
 
Applications pratiques :
Les personnes intéressées par des exercices contre résistance devraient choisir l'heure de la journée d'entraînement qui facilitera leur adhésion à long terme. Pour les coachs et entraîneurs sportifs, il est intéressant de noter qu'après une période d'entraînement matinale, les niveaux de force du matin semblent se rapprocher de ceux observés au cours de la soirée. Cependant, lorsque vous vous entraînez le soir, la différence générale de force entre matin et soir ne changent pas. Ces résultats peuvent présenter un intérêt considérable du point de vue pratique. Si le moment précis de la compétition pour un athlète est connu à l’avance, au moins une partie des séances d’entraînement doit être organisée de manière à coïncider avec l’heure de la compétition (pour assurer une performance ponctuelle positive).
 
Qualité méthodologique
Dans l'ensemble, les études incluses ont été classées comme étant de qualité méthodologique bonne ou moyenne. L’assiduité des participants et la supervision des séances ou non sont parfois des données manquantes. Les programmes supervisés d'entraînement contre résistance produisent généralement des augmentations de force plus importantes (Gentil et Bottaro, 2010). Les futures études devront en tenir compte. La plupart des études incluses ont évalué le chronotype des participants. Cependant, trois études (Krčmárová et al. 2018; Sedliak et al. 2009; Souissi et al. 2012) ne l’ont pas évalué, ce qui présente donc une limite puisque (du moins en exercice aérobique) les performances maximales sont exprimées à différents moments de la journée en fonction du chronotype de l'individu (FacerChilds et Brandstaetter 2015). L'examen des réponses individuelles de ceux ayant des chronotypes différents permettrait de mieux comprendre l'influence potentielle de l'heure sur la performance physique. En effet, plusieurs études du laboratoire de Jacopo Vitale montrent que le chronotype doit être pris en compte lors de l'évaluation de la qualité du sommeil (Vitale et al. 2018) et la planification d'un exercice d'intervalle de haute intensité (Bonato et al. 2017a; Vitale et al. 2017 ; Vitale et Weydahl 2017). Les études réalisées par ce groupe de recherche soulignent que différents chronotypes peuvent montrer des résultats divergents dans des réponses subjectives (évaluation de l'effort perçu) et physiologiques (cortisol salivaire) (Bonato et al. 2017b; Rossi et al. 2015). Par conséquent, les futures études devraient envisager une évaluation détaillée des cycles sommeil-éveil habituel et chronotypiques et afin que la comparaison entre les groupes reste valable.
 
Limites
La principale limitation de cet article réside dans le large éventail d'âge des participants dans les études incluses. Roth et al. (2000) ont rapporté que les femmes plus âgées peuvent présenter des dommages musculaires plus importants après un exercice de résistance, par rapport à leurs homologues plus jeunes. Bien qu’ils aient utilisé le modèle à effets aléatoires par rapport à cette hétérogénéité liée à l'âge, il reste difficile de déterminer dans quelle mesure l'inclusion de tous ces groupes d'âge a affecté les résultats globaux.

CONCLUSION :

En résumé, les résultats présentés ici confirment qu'au début, l'expression de la force chez l'être humain est plus grande le soir que le matin. Après une période d'entraînement régulier le matin, les niveaux de force observés le matin semblent devenir similaires à ceux observés le soir. En revanche, l’entraînement en soirée maintient les différences générales dans l’expression de la force à différents moments de la journée. S'entraîner à la fois le matin et le soir peut produire des améliorations similaires de la force, quelle que soit l'heure à laquelle les sessions de test sont conduites. Ceci est probablement dû au fait que s'entraîner le matin et le soir améliore également la force lorsqu'il est évalué à une heure spécifique de la journée et à une autre. Enfin, les augmentations de l'hypertrophie musculaire sont similaires quelle que soit l'heure de la journée à laquelle l'entraînement en résistance est effectué.
 
Déclaration d'intérêt
Les auteurs de cette étude déclarent qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts.
 

Jozo Grgic, Bruno Lazinica, Alessandro Garofolini, Brad J. Schoenfeld, Nicholas J. Saner & Pavle Mikulic
DOI: 10.1080/07420528.2019.1567524 ; Published online: 31 Jan 2019.
Chronobiology International - The Journal of Biological and Medical Rhythm Research