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Les blessures du membre supérieur chez le golfeur



Le golf est un sport international apprécié par environ 60 millions de personnes dans le monde. Malgré l'idée largement répandue que le risque de blessure pendant la pratique du golf est minime, les golfeurs sont soumis à une multitude de pathologies potentielles. Tandis que  la majorité des blessures au golf sont imputables à la surutilisation, des lésions traumatiques aiguës peuvent également survenir. En tant que lien direct entre le corps et le club de golf, le membre supérieur est particulièrement vulnérable aux blessures. Une connaissance approfondie des facteurs de risque et des types de blessures pourront permettre d'établir un diagnostic précis, de proposer un traitement adéquat et de prévenir de futures blessures.
 
Le propos de l'étude présentée ici [1] est de passer en revue l'épidémiologie des blessures dues au golf, la cinématique du swing, ainsi que les diagnostics et la prévention chez les golfeurs.
 
Epidémiologie
 
Le golf est à tord considéré comme un sport ne demandant pas beaucoup de capacités physiques.
Une récente étude [2] a montré que sur une période de deux ans, 60 % des professionnels et 40 % des amateurs ont présenté une blessure traumatique ou due à une surutilisation. L'épaule, le coude, le poignet et les mains sont les zones les plus touchées chez les golfeurs.
 
Le tableau répertorie les causes de blessures les plus fréquentes chez les professionnels et chez les amateurs.
 
  Professionnels Amateurs
Trop de jeu ou de practice 270 (79.9%) 204 (28.9%)
Mauvaise réalisation du swing 0 150 (21.2%)
Frappe du sol 40 (11.8%) 171 (24.2%)
Swing trop important 0 85 (12.0%)
Echauffement insuffisant 0 60 (8.4%)
Torsion pendant le swing 18 (5.3%) 22 (3.1%)
Adhérence ou changement de swing 0 26 (3.7%)
Chute 2 (0.6%) 24 (3.4%)
Position trop penchée sur le putt 5 (1.5%) 8 (1.1%)
Blessure secondaire au panier 0 18 (2.5%)
Percuté par une balle 3 36 (5.1%)
McCarroll JR. The frequency of golf injuries. Clin Sports Med. 1996 Jan;15(1):1-7.
 
Les phases du swing
 
Le swing est décomposé en 5 phases : l'adresse, le backswing, le downswing, l'impact et le follow-through. Chaque phase du swing induit des contraintes sur différents aspects des membres supérieurs, ce qui entraîne des blessures caractéristiques de chaque phase. Cette "découpe" permet d'orienter le diagnostic et le traitement du golfeur blessé.
Les points suivants prennent pour référence un golfeur droitier.
 
L'adresse
Le golfeur se tient à une distance confortable de la balle, avec les pieds écartés de la largeur des épaules et le point du corps centré entre les deux pieds. Les genoux et les hanches sont fléchis, le dos est en position neutre. Les bras pendent naturellement dans l'axe des épaules. Le club est tenu aussi légèrement que possible afin de minimiser la tension lors du swing. Des lignes imaginaires reliant les deux épaules, les deux hanches et les deux genoux sont parallèles entre elles. Des erreurs dans cette position mèneront à des défauts de swing qui pourront entraîner des blessures tout comme une mauvaise frappe de balle et de ce fait un mauvais résultat.
 
Le backswing
Le club est alors élevé à sa position la plus haute pendant que les épaules et les hanches tournent autour de l'axe vertébral, avec déplacement du poids du corps vers le pied droit.
En haut, les poignets sont en position d'inclinaison radiale maximale et les muscles de l'avant-bras sont étirés. Cette manœuvre va permettre au corps d'arriver à une vitesse de près de 160 km/h en moins de 2/10e de seconde !
Pendant cette phase, les répétitions et les malpositions peuvent entraîner des tendinopathies du poignet et du coude, des syndromes d'impaction des poignets, des neuropathies périphériques et des conflits sous-acromiaux.
 
Le downswing
Il commence quand les hanches tournent vers la cible tandis que le poids du corps se déplace vers le pied gauche. Cette rotation du bas du corps initie la descente du club, avec les poignets toujours placés comme précédemment et ce, jusqu'à juste avant l'impact, pour donner de la puissance. Les muscles les plus actifs au cours de cette phase sont les abdominaux, le grand pectoral, le subscapulaire et le grand dorsal.
Pendant cette phase, les répétitions et les malpositions peuvent entraîner des atteintes des poignets, des coudes et de la coiffe des rotateurs.
 
L'impact
Il correspond à la frappe de la balle, du sol ou des deux. La majorité des blessures traumatiques se passent lors de cette phase d'impact. Les professionnels et les amateurs de haut niveau frappent souvent délibérément le sol à l'impact, emmenant ainsi une motte de terre.  En revanche, les amateurs peuvent se blesser eux-mêmes en réalisant des "coups gras", qui est une frappe au sol non intentionnelle juste avant l'impact avec la balle. Les golfeurs peuvent aussi se blesser à l'impact en percutant des objets cachés se trouvant non loin de la balle comme une racine d'arbre ou des cailloux, ou en frappant une balle se trouvant dans de l'herbe très épaisse ou très haute.
 
Le follow-through
Cette dernière phrase correspond à la remontée du club. Le corps continue de tourner jusqu'à ce qu'il soit face à la cible. L'avant-bras gauche supine tandis que le droit prône. Le poids du corps est quasiment complètement au pied gauche. Le club décélère jusqu'au repos par-dessus l'épaule gauche. Environ 25 % des blessures au golf surviennent pendant cette phase (au dos dans 40 % des cas, à l'épaule dans 17 % des cas).
 
 
L'épaule
 
L'épaule est une source fréquente de douleur chez le golfeur. Elle est à la 3e et à la 4e place des sites les plus fréquents de douleur, respectivement chez le professionnel et chez l'amateur. La plupart sont des blessures dues à une surutilisation. Les professionnels réalisent de façon routinière plus de 2000 swings par semaine.
Un swing réussi requiert un effort synchronisé de la ceinture scapulaire et des muscles de la coiffe des rotateurs. Une étude électromyographique a montré que lors d'un swing :
- le subscapulaire est le muscle le plus actif de la ceinture scapulaire,
- les muscles de la coiffe de rotateurs sont autant actifs des deux côtés,
- les deltoïdes sont relativement inactifs,
- le grand pectoral et le grand dorsal sont très actifs durant l'accélération du downswing, contribuant à sa puissance.
Les auteurs de l'étude soutienent ainsi un renforcement musculaire de la coiffe des rotateurs, du grand dorsal et du grand pectoral en vue d'améliorer la puissance et de prévenir les blessures.
 
Problèmes d'articulation acromio-claviculaire
C'est une source fréquente de symptômes chez les golfeurs avec douleurs d'épaule, à cause des adductions répétées de l'épaule dominante au point culminant du backswing.
Il peut également y avoir de l'arthrose, entraînant douleur et raideur.
 
Syndromes de conflit
Localisés à l'épaule dominante, plusieurs types sont possibles :
- externe lorsque les muscles de la coiffe se retrouvent piégés entre le tubercule majeur et l'acromion lors de l'élévation du bras (diminution de l'espace sous-acromial et inflammation de la bourse).
- interne, en haut du backswing (adduction maximale) et à la fin du follow-through.
 
Instabilité
Les jeunes golfeurs peuvent développer une instabilité, souvent à l'épaule dominante. La cause est souvent une hyperlaxité pré-existante associée à une surutilisation. Le complexe capsulo-ligamentaire peut subir un étirement conduisant à une subluxation antérieure ou postérieure, entraînant des problèmes de labrum et de coiffe des rotateurs.
Le traitement des deux types de subluxations consiste en général en une période de repos associée à de la physiothérapie orientée vers le renforcement de la coiffe des rotateurs et des fixateurs de la scapula.
La chirurgie est évoquée lorsque la prise en charge non chirurgicale n'a pas permis d'amélioration des symptômes.
 
Retard scapulaire
Une faiblesse des rhomboïdes et du dentelé antérieur peut entraîner des anomalies du rythme scapulo-huméral, ou un retard scapulaire, lorsqu'il y a un déséquilibre entre la scapula et les mouvements du torse. Là encore, le traitement inclut un renforcement des fixateurs de la scapula.
 
Prévention des blessures à l'épaule
Celles-ci ont pour cause une pratique trop intensive, un échauffement inadéquat et de mauvaises conditions physiques. L'intensité de la pratique peut être augmentée progressivement en plus du respect d'un bon échauffement (au moins 10 minutes), d'étirements et de renforcement musculaire.
 
Le coude
 
Les blessures au niveau du coude sont dues soit à une erreur de frappe (lorsque le club heurte le sol par exemple), soit à une pratique trop intensive, soit encore à un serrage excessif du club, ce qui est un défaut assez fréquent chez les amateurs. Les pathologies les plus fréquentes au coude chez les golfeurs sont les épicondylalgies,
 
L'épicondylalgie latérale
Elle est due à un serrage trop important du club, ce qui entraîne de fortes contraintes au niveau des extenseurs du carpe. Les symptômes décrits sont une tension à la palpation des insertions musculaires et une douleur lors de l'extension résistée. Nous ne décrirons pas ici le traitement des tendinopathies, bien connu des kinésithérapeutes.
 
L'épicondylalgie médiale
Alors que l'épicondylalgie latérale est surtout due à une pratique excessive, l'épicondylalgie médiale est le plus souvent causée par un traumatisme lors de l'impact. Le traitement est similaire.
 
Prévention des blessures au coude
L'incidence des blessures au coude augmente avec la fréquence de pratique entre 35 et 55 ans. Des erreurs lors du backswing peuvent entraîner des mouvements de compensation lors du downswing pour amener la tête du club au sol.
Une amélioration de la technique ainsi que l'utilisation d'un grip afin d'augmenter la taille du manche peuvent être des solutions aux atteintes au coude.
 
Le poignet et la main
 
Pour réaliser un bon swing, les poignets vont tout deux être amenés dans une position d'extension. La majorité des blessures au poignet a une cause traumatique (lors de l'impact, avec une décélération brusque).
Les pathologies les plus fréquentes sont les tendinopathies du fléchisseur ulnaire du carpe, les subluxations de l'extenseur ulnaire du carpe et les fractures de l'hamatum.
 
Les tendinopathies
Elles sont plus fréquentes au poignet dominant du golfeur. Elles peuvent être associées à une inclinaison radiale excessive du poignet gauche, à une extension du pouce en haut du backswing, ou à une décélération brusque à l'impact. Des modifications de position du serrage peuvent aussi avoir un rôle dans le développement des tendinopathies. Les fléchisseurs ulnaire et radial du carpe, l'extenseur des doigts et l'extenseur ulnaire du carpe peuvent tous être atteints.
 
Instabilité de l'extenseur ulnaire du carpe (EUC)
Une rupture de la gaine du tendon de l'EUC ou une subluxation peuvent arriver lors d'une flexion soudaine, d'une inclinaison ulnaire et d'une supination.
Cette blessure survient lorsque le golfeur heurte le sol ou autre chose (racine d'arbre, etc.).
Le traitement consiste en du repos et en une immobilisation pendant 4 semaines en extension, inclinaison radiale et supination. S'en suit l'utilisation d'une attelle amovible pendant 4 semaines. Après ces deux moins, le golfeur peut reprendre progressivement.
En cas d'instabilité chronique de l'EUC, une chirurgie de reconstruction de la gaine peut être envisagée avec port d'un système d'immobilisation pendant 2 à 3 mois.
 
Fracture de l'hamatum
Elle a tendance à survenir à la main tenant la fin du club (main gauche chez les droitiers), à cause du contact avec la crosse du club lors d'un mauvais impact avec le sol. La douleur est alors reproduite par palpation ou par le serrage d'objets. La radiographie peut être insuffisante.
Le traitement consiste en une immobilisation. Si les symptômes persistent (douleur, neuropathie ulnaire, irritation tendineuse), une excision de la partie crochue de l'os peut être envisagée.
 
Syndrome du canal carpien
Ce syndrome peut être exacerbé chez le golfeur malgré l'absence de preuves scientifiques en ce sens.
 
Prévention des blessures au poignet et à la main
Avoir une bonne mécanique du swing est l'élément premier à prendre en compte. Ensuite, les balles peuvent être sorties  de la zone d'herbe, évitant d'emporter une motte de terre lors de la frappe. Les clubs doivent être de la bonne longueur. La crosse doit dépasser de la base de la main, afin d'éviter les fractures de l'hamatum. Enfin, le serrage du club ne doit pas être trop important.
 
Conclusion
 
Des milliers de golfeurs sont blessés chaque année, la majorité à cause d'une pratique excessive. Pour éviter les blessures, il est conseillé de suivre un programme de remise en forme avant de commencer la saison, d'effectuer des exercices d'étirement et de renforcement des poignets, des avant-bras et des épaules.
Une bonne préparation permettra au golfeur de mieux résister aux contraintes répétitives subies au cours d'une saison. Des changements d'équipement (clubs, fers, manches) peuvent aussi permettre d'amortir les vibrations et de réduire les blessures.
 
Une connaissance des phases du swing et des mécanismes de blessures permettront au thérapeute d'améliorer le diagnostic, le traitement et la prévention des blessures.
 
 
 
 
[1] Cohn MALee SKStrauss EJ. Upper Extremity Golf Injuries. Bull Hosp Jt Dis. 2013; 71(1): 32-8.
 
[2] Gosheger G, Liem D, Ludwig K, et al. Injuries and overuse syndromes in golf. Am J Sports Med. 2003 May- Jun;31(3):438-43.