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Les PRP sont-ils efficaces sur une lésion musculaire?



Doit-on encore rappeler aujourd’hui que les lésions musculaires constituent le type de blessure le plus fréquent dans le sport avec une morbidité significative pour les sportifs d’élite ou amateur [1]. Qu’elles soient myo-aponévrotiques, aponévrotiques ou parfois d’ordre fonctionnelles (désordres neuromusculaire ou métabolique), elles occupent le devant de la scène lésionnelle sans partage. Si les 25 dernières années ont vu leur compréhension épidémiologique et patho-mécanique s’améliorer grandement, leur prévention reste le but ultime des programmes de réhabilitation et de préparation physique dans les clubs et fait l’objet aujourd’hui d’une littérature scientifique de plus en plus abondante. On commence ainsi peu à peu à observer une réduction de l’incidence des blessures musculaires dans le sport de haut-niveau [1]. Cela dit, malgré la toujours haute prévalence des blessures musculaires, il existe néanmoins des résultats de recherche limités (faible niveau des études) quant au meilleur management de ce type de lésion [2, 3].                                                                                                                         


            Depuis le début des années 90, des solutions de plasma concentré dérivées des techniques de prélèvement de sang autologue et appelées « Plasma Enrichi en Plaquettes » ou « PRP »  (Platelet Rich Plasma) ont été mises au point afin de renforcer ou relancer le processus de cicatrisation dans certaines affections médicales [4]. Appliqué à la lésion myo-aponévrotique, ce concentré de facteurs de croissance aurait pour but d’optimiser fortement la régénération du tissu musculaire [5] comme il a été démontré avec succès dans une étude scientifique rigoureuse réalisée chez l’animal [6]. Cependant, l’évaluation de l’impact des PRP sur la cicatrisation musculaire chez l’humain, et particulièrement chez des athlètes, a été limitée à des petits échantillons et études de cas [7].

C’est la raison pour laquelle une étude néerlandaise de Reurink et al [8] a voulu combler ce vide scientifique en conduisant un essai contrôlé randomisé en double aveugle. Ce dernier a récemment été publié dans le prestigieux « New England Journal of Medecine ».
Reurink et son équipe ont recruté 80 athlètes amateurs ayant une lésion musculaire des ischio-jambiers et ont infiltré la zone lésionnelle avec soit une solution saline isotonique, soit une solution standardisée de PRP. Les critères de mesures primaire et secondaire étaient le temps de retour sur le terrain et le taux de récidive.

Les chercheurs n’ont trouvé aucune différence statistique significative entre les résultats des deux protocoles et ont donc conclu que les PRP ne sont pas plus efficaces qu’un placebo réalisé par une injection de solution saline.

Ce constat nécessite-t-il de retirer l’utilisation des PRP dans le traitement des lésions musculaires ? Peut-être qu’avant de prendre une décision aussi radicale (et tout en reconnaissant avec humilité la complexité et le défi qu’a été de réaliser une étude de cette qualité), il est important d’examiner certains détails de cette dernière. 
Premièrement, et comme reconnu par les auteurs, cette étude a été menée au sein d’une population non-professionnelle avec une dose de physiothérapie limitée (2 séances par semaine associé à un programme à faire à la maison) et une compliance des sujets non totale. Ainsi, pour ces raisons ou peut-être du fait de l’intervention (puisque nous ne savons pas si les athlètes avaient récupéré plus rapidement s’ils n’avaient eu d’injection de PRP), la durée moyenne de retour sur le terrain (42j) fut en quelque sorte plus longue que celle décrite généralement chez une population professionnelle. Bien que cela n’impacte en rien la comparaison entre les deux groupes étudiés, cela peut affecter notre capacité à traduire ces résultats au sein d’une population sportive professionnelle, ce qui après tout est la population la plus à même d’avoir des PRP et où la compliance et l’intensité de la physiothérapie peut être le mieux contrôlées.

A l’heure actuelle, il n’existe aucun protocole universellement accepté pour l’application des PRP dans les affections musculaires et même le « contenu optimal » n’est aujourd’hui pas défini. Les avocats des PRP argumentant que le volume infiltré doit être en lien avec la taille de la lésion, que « l’activation » des PRP est nécessaire pour un bénéfice optimal, que le contenu même des PRP influence les résultats cliniques et que plusieurs injections peuvent optimiser l’efficacité du traitement. Ces considérations, si elles veulent à plus ou moins court terme tenter de mitiger les résultats négatifs de cette étude sur les PRP, devront nécessiter une évaluation plus approfondie par des essais cliniques d’aussi grande qualité que celui présenté par Reurink et al.

Reurink et al n’ont reporté aucun effet négatif après injection de PRP bien qu’un des patients continue à avoir une hyperesthésie après 6 mois mais celle-ci semble d’étiologie inconnue. La signification de ce symptôme reste floue mais nous rappelle que chaque intervention peut provoquer des effets secondaires délétères.

Sachant que des études de haute qualité sont difficiles à mettre en place, il faut reconnaitre qu’en dépit des résultats négatifs trouvés dans cet essai contrôlé, cela permet avant tout d’ouvrir le débat et de favoriser les discussions. Ce papier du New England Journal of Medecine donne come défi aux partisans des PRP de confirmer leur position par des études futures de haute qualité.

Quant à nous, masseur-kinésithérapeutes du sport, qui vivra verra dirait le proverbe. Affaire à suivre...



Texte écrit par Arnaud Douville de franssu à partir d’un éditorial rédigé par B. Hamilton. Medical management of hamstring muscle injury: strained evidence for platelet rich Plasma. Br J Sports Med September 2014 Vol 48 No 18.
Bruce Hamilton est médecin du sport au High Performance Center à Oakland (Nouvelle Zélande). Il était un des intervenants au Muscle Tech de Barcelone sur la lésion musculaire des ischio-jambiers présenté dans un précédent speed meeting.  
[1] Ekstrand J, Hagglund M, Kristenson K, et al. Fewer ligament injuries but no preventive effect on muscle injuries and severe injuries: an 11-year follow-up of the UEFA Champions League injury study. Br J Sports Med 2013;47:732–7.
 
[2] Mason D, Dickens V, Vail A. Rehabilitation for hamstring injuries (review). Cochrane Collaboration 2012(12):1–23.
 
[3] Lee P, Rattenberry A, Connelly S, et al. Our experience on actovegin, is it cutting edge? Int J Sports Med 2011;32:237–41.
 
[4] Anitua E, Sanchez M, Orive G, et al. The potential impact of the preparation rich in growth factors (PRGF) in different medical fields. Biomaterials 2007;28:4551–60.
 
[5] Kasemkijwattana C, Menetrey J, Bosch P, et al. Use of growth factors to improve muscle healing after strain injury. Clin Orthop Relat Res 2000;370:272–85.
 
[6] Hammond J, Hinton R, Curl L, et al. Use of autologous platelet-rich plasma to treat muscle strain injuries. Am J Sports Med 2009;37:1135–42.
 
[7] Rettig A, Meyer S, Bhadra A. Platelet-rich plasma in addition to rehabilitation for acute hamstring injuries in NFL players. Orthop J Sports Med 2013;1:1–5.
 
[8] Reurink G, Goudswaard GJ, Moen MH, et al. Platelet-rich plasma injections in acute muscle injury. N Engl J Med 2014;370:2546–7.