KINESPORT KINESPORT


   



La mesure de la force ne permet pas d’évaluer le risque de lésions des ischio-jambiers : études dans le football professionnel



La mesure de la force ne permet pas d’évaluer le risque de lésions des ischio-jambiers : études dans le football professionnel
Nicol Van Dyk et Al.
 

Introduction


Les blessures aux ischio-jambiers gardent une prévalence importante dans de nombreux sports au niveau professionnel. Au football, l’incidence a augmenté de 4% par ans durant la dernière décennie au niveau européen. La méta-analyse la plus récente identifie l’âge, les antécédents de blessures des IJ et la force du quadriceps comme étant des facteurs de risques pour une lésion initiale ou itérative des ischio-jambiers.
La force isocinétique du muscle a reçu beaucoup d’attention dans la littérature, ainsi que l’équilibre de force du membre inférieur, exprimée par le ratio de force IJ sur quadriceps et ont été associés à un risque de blessures des IJ. Des mesures alternatives de la force des IJ ont été suggérées et récemment un nouvel appareil a été développé afin de mesurer la force excentrique des IJ lors de la réalisation de l’exercice du Nordic Hamstring. D’autres explorations concernant les ratios ont été réalisées, suggérant d’y apporter une composante dynamique : ratio de contrôle dynamique, représentant le couple de force articulaire dynamique dans l’amplitude articulaire complète. Cette approche n’a cependant pas encore été étudiée de façon approfondie.
 

Objectif


L’objectif de cette étude est d’identifier les facteurs de risques de lésions des ischio-jambiers chez les footballeurs professionnels par l’intermédiaire d’une étude de cohorte prospective. En utilisant les moyens de mesure de force musculaires (isocinétisme et nouvel appareil de mesure de force excentrique des J), les auteurs ont tenté d’étudier la relation entre les caractéristiques de la force sur l’amplitude articulaire totale et le risque de lésions des ischio-jambiers.
 

Méthodes

  • Modèle de l’étude : 18 équipes éligibles en Qatar Star League (première league de football au Qatar) ont accepté de participer à l’étude couvrant 2 saisons (Septembre 2013 à Mai 2015). Chaque joueur s’est soumis à une évaluation de santé périodique (PHE) à Aspetar.
  • Informations du joueur : antécédents de lésions des ischio-jambiers dans les 12 mois, équipes, pied dominant, poste, ethnie, taille, poids, indice de masse corporelle.
  • Mesures isocinétiques : les forces de flexion et d’extension de genou ont été testée par utilisation du dynamomètre isocinétique Biodex. Les joueurs ont été testé sur 5 répétitions concentriques en flexion et en extension de genou à 300°/s, suivies de 10 répétitions concentriques en flexion et en extension de genou à 300°/s. Enfin, les joueurs ont réalisé 5 répétitions d’extension excentrique du genou mesurant la force des ischio-jambier à une vitesse de 60°/s.
  • Profil de contrôle dynamique : il représente le couple de force articulaire (force excentrique des IJ et force concentrique du quadriceps) sur toute l’amplitude articulaire durant les mesures isocinétiques. Les auteurs ont identifié l’angle pour lequel la force du quadriceps est plus importante que la force excentrique des ischio-jambiers.
  • Évaluation de l’exercice de Nordic Hamstring : Il a été demandé aux joueurs de descendre le plus doucement possible en résistant à l’aide des deux jambes, en gardant le tronc et les hanches en position neutre, bras croisés sur la poitrine.
  • Surveillance de blessures : toutes les équipes de QSL bénéficient de services médicaux fournis par le National Sports Medecine Programme dépendant d’Aspetar. C’est un système centralisé permettant la surveillance de blessure grâce au Aspetar Injury and Illness Surveillance Programme (AIISP). Ce programme inclut les données concernant les blessures et l’expositions du joueur (temps de jeu et d’entrainement). 

La mesure de la force ne permet pas d’évaluer le risque de lésions des ischio-jambiers : études dans le football professionnel

Résultats

  • Pendant la durée de l’étude, 413 joueurs ont été retenus et ont réalisé un total de 1087 procédures de test isocinétiques durant les deux saisons.
  • Au total, 66 des 413 ont subis 69 lésions aux IJ. Les 3 joueurs ayant subis plus d’une lésion ont été retenu dans les analyses.
  • o   Facteurs de risque non liés à la force : les résultats n’ont pas présenté de différence en ce qui concerne la taille, l’ethnie, la latéralité et l’IMC entre les groupes de blessés et non blessés. Des antécédents de blessures ont été rapporté chez 31% des participants sans différence significative entre les groupes. De plus, à l’intérieur du groupe de joueurs ayant des antécédents de blessures basés sur la surveillance des blessures au cours de la saison précédente (n = 336), un antécédent de blessure antérieure ne représentait pas un risque accru de nouvelle blessure aux ischio-jambiers. Les gardiens de but sont significativement moins exposés au risque de blessures des IJ. Les joueurs plus jeunes (18-21 ans) ont un risque plus faible que les autres. Les joueurs plus lourds (81,8 à 104,5kg) présentent moins de risques que ceux du groupe intermédiaire. D’après l’analyse statistique, l’âge et le poste ont été retenu comme étant des facteurs de risque de lésions des IJ.
  • Mesures de la force comme facteur de risque potentiel : parmi les joueurs blessés (n=66) il n’y avait pas de différence dans la force entre le membre blessé et le membre sain.
Les mesures isocinétiques ont mis en évidence que les participants présentant une force concentrique du quadriceps importante (au-delà de 2,2-3,7 Nm/kg) à 300°/s possédaient un risque de blessure accru.
Aucunes différences significatives n’ont été trouvé entre les membres lésés et non lésés d’après les mesures réalisées durant le test de Nordic Hamstring.
En ce qui concerne le profil de contrôle dynamique, aucune différence n’a été trouvée.

La mesure de la force ne permet pas d’évaluer le risque de lésions des ischio-jambiers : études dans le football professionnel

Discussion


Le résultat principal de cette étude est qu’aucune des 24 variables de forces étudiées ne diffèrent entre les footballeurs blessés et les footballeurs sains. La seule exception fut que les groupe avec la force concentrique maximale du quadriceps a un risque accru de lésion des IJ.
 
Facteurs de risques modifiables :
  • La force concentrique du quadriceps : (tableau 2) cette association avec la force du quadriceps est également appuyée par les méta-analyses effectuées par Freckleton et Pizzari. Cependant, la petite taille de l’échantillon et le fait qu'il n'y avait pas de différence de force entre les groupes indiquent que cela a peu de valeur clinique.
  • L’exercice de nordique hamstring :  cet exercice a déjà reçu beaucoup d’attention dans la littérature et est reconnu comme outil de valeur dans la prévention. D’autres études ont été menées afin d’évaluer son intérêt en tant que test dans le but de déterminer le risque de lésion des IJ. Initialement aucun lien n’a pu être fait, cependant, l’arrivée d’un nouvel appareil permettant de mesurer la force des IJ durant la réalisation de l’exercice a permis de mettre en évidence que les joueurs possédant une force excentrique inférieure présentaient un risque accru de blessures des IJ. D’autres études menées dans le rugby, ne trouvent pas de risque accru en cas de diminution de la force excentrique des IJ. Les auteurs ne remettent pas en cause l’intérêt du Nordic Hamstring dans la prévention mais les présents résultats ne permettent pas d’affirmer que cet exercice permet d’obtenir des mesures ayant valeur de test.
  • Le ratio IJ/Quadri : il a été précédemment désigné comme étant un facteur de risque de lésion des IJ cependant cette affirmation est sujette à interprétation. Premièrement, créer une échelle de cette donnée ne reflète pas correctement la réalité de ce qui se passe en course interne et externe. De plus, deux autres études rapportent des résultats contradictoires en ce qui concerne le ratio, ce qui rend difficile l’affirmation de ce rapport de force. En ce qui concerne le profil de contrôle dynamique aucune association n’a été trouvée non plus. Ces données isocinétiques ont des valeurs importantes en ce qui concerne l’interprétation de la force sur les footballeurs précédemment blessés, cependant, leur valeur est faible en ce qui concerne la prévention
  • L’indice de masse corporelle ne diffère pas entre les groupes mais les footballeurs ayant un IMC plus bas, présentent un risque diminué en ce qui concerne les lésions des IJ. La différence absolue de poids entre les joueurs blessés et les joueurs sains est inférieure à 1kg, nous ne pouvons donc pas considérer ces données comme facteur de risque.

Facteurs de risques non modifiables 
  • L’âge a été identifié comme étant un facteur de risque important. En effet, les auteurs observent une augmentation du risque de 7% par année. Le taux de risque du groupe jeune (inférieur à 22 ans) est 85% plus bas que le groupe intermédiaire. Il n’y pas de différence significative entre le groupe intermédiaire et le groupe plus âgé.
  • Étonnamment, les antécédents de blessures des IJ n’a pas été associé à un risque accru de lésion des IJ dans la littérature. De plus, d’autres études menées à Aspetar indiquent un taux très bas de récidives dans les lésions d’IJ comparé aux autres leagues. D’autres encore vont même jusqu’à affirmer que le taux de risque est réduit chez les joueurs ayant déjà subis une lésion des IJ dans la mesure où des programmes spécifiques de réhabilitation et de prévention ont été mis en place.
 

Conclusion


L’utilisation des mesures de force et des différentes caractéristiques de la force dans le dépistage de risque potentiel de lésion des ischio-jambiers n’est pas fondée.
 

Article original


A comprehensive strenght testing protocol offers no clinical value in predicting risk of hamstirng injury : a prospective cohort study of 413 professional football players, Nicol Van Dyk et Al. Br J Sports Med 2017 ; 0 :1-9
 
Références
1 Opar DA, Williams MD, Shield AJ, et al. Hamstring strain injuries. Sports Medicine 2012;42:209–26.
2 Ekstrand J, Waldén M, Hägglund M. Hamstring injuries have increased by 4% annually in men's professional football, since 2001: a 13-year longitudinal analysis of the UEFA Elite Club injury study. Br J Sports Med 2016;50:731–7.
3 Bittencourt NF, Meeuwisse WH, Mendonça LD, et al. Complex systems approach for sports injuries: moving from risk factor identi cation to injury pattern recognition- narrative review and new concept. Br J Sports Med 2016;50:1309–14.
4 van Mechelen W, Hlobil H, Kemper HC. Incidence, severity, aetiology and prevention of sports injuries. A review of concepts. Sports Med 1992;14:82–99.
5 Freckleton G, Pizzari T. Risk factors for hamstring muscle strain injury in sport: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med 2013;47:351–8.
6 Bennell K, Wajswelner H, Lew P, et al. Isokinetic strength testing does not predict hamstring injury in Australian rules footballers. Br J Sports Med 1998;32:309–14.
7  Sugiura Y, Saito T, Sakuraba K, et al. Strength de cits identi ed with concentric action of the hip extensors and eccentric action of the hamstrings predispose to hamstring injury in elite sprinters. J Orthop Sports Phys Ther 2008;38:457–64. 
8  Croisier JL, Ganteaume S, Binet J, et al. Strength imbalances and prevention of hamstring injury in professional soccer players: a prospective study. Am J Sports Med 2008;36:1469–75. 
9  Cameron M, Adams R, Maher C. Motor control and strength as predictors of hamstring injury in elite players of Australian football. Physical Therapy in Sport 2003;4:159–66. 
10  Orchard J, Marsden J, Lord S, et al. Preseason hamstring muscle weakness associated with hamstring muscle injury in Australian footballers. Am J Sports Med 1997;25:81–5. 
11  Yeung SS, Suen AM, Yeung EW. A prospective cohort study of hamstring injuries in competitive sprinters: preseason muscle imbalance as a possible risk factor. Br J Sports Med 2009;43:589–94. 
12  Henderson G, Barnes CA, Portas MD. Factors associated with increased propensity for hamstring injury in English Premier League soccer players. J Sci Med Sport 2010;13:397–402. 
13  Engebretsen AH, Myklebust G, Holme I, et al. Intrinsic risk factors for hamstring injuries among male soccer players: a prospective cohort study. Am J Sports Med 2010;38:1147–53. 
14  Opar DA, Piatkowski T, Williams MD, et al. A novel device using the Nordic hamstring exercise to assess eccentric knee exor strength: a reliability and retrospective injury study. J Orthop Sports Phys Ther 2013;43:636–40. 
15  Aagaard P, Simonsen EB, Magnusson SP, et al. A new concept for isokinetic hamstring: quadriceps muscle strength ratio. Am J Sports Med 1998;26:231–7. 
16  Graham-Smith P, Jones PA, Comfort P, et al. Assessment of knee exor and extensor muscle balance. International Journal of Athletic Therapy and Training 2013;18:1–5. 
17  Bahr R, Holme I. Risk factors for sports injuries—a methodological approach. Br J Sports Med 2003;37:384–92. 
18  van Dyk N, Bahr R, Whiteley R, et al. Hamstring and quadriceps isokinetic strength de cits are weak risk factors for hamstring strain injuries: a 4-year cohort study. Am J Sports Med 2016;44:1789–95. 
19  Opar DA, Williams MD, Timmins RG, et al. The effect of previous hamstring strain injuries on the change in eccentric hamstring strength during preseason training in elite Australian footballers. Am J Sports Med 2015;43:377–84. 
20  Hägglund M, Waldén M, Ekstrand J. Previous injury as a risk factor for injury in elite football: a prospective study over two consecutive seasons. Br J Sports Med 2006;40:767–72. 
21  Bakken A, Targett S, Bere T, et al. Interseason variability of a functional movement test, the 9+ screening battery, in professional male football players. Br J Sports Med 2017;51:1081–6. 
22  Eirale C, Farooq A, Smiley FA, et al. Epidemiology of football injuries in Asia: a prospective study in Qatar. J Sci Med Sport 2013;16:113–7. 
23  Tol JL, Hamilton B, Eirale C, et al. At return to play following hamstring injury the majority of professional football players have residual isokinetic de cits. Br J Sports Med 2014;48:1364–9. 
24  Cohen J, Cohen P, West SG, et al. Applied multiple regression/correlation analysis for the behavioral sciences. Routledge 2013;735. 
25 Arnason A, Sigurdsson SB, Gudmundsson A, et al. Risk factors for injuries in football. Am J Sports Med 2004;32:5S–16.
26 Otten R, Whiteley R, Mitchell T. Effect of subject restraint and resistance pad placement on isokinetic knee exor and extensor strength: implications for testing and rehabilitation. Sports Health 2013;5:137–42.
27 McCleary RW, Andersen JC. Test-retest reliability of reciprocal isokinetic knee extension and exion peak torque measurements. J Athl Train 1992;27:362–5.
28 Al Attar WSA, Soomro N, Sinclair PJ, et al. Effect of injury prevention programs that Include the Nordic hamstring exercise on hamstring injury rates in soccer players: a systematic review and meta-analysis. Sports Med 2017;47:907–16.
29 Opar DA, Williams MD, Timmins RG, et al. Eccentric hamstring strength and hamstring injury risk in australian footballers. Med Sci Sports Exerc 2015;47:857–65.
30 Timmins RG, Bourne MN, Shield AJ, et al. Short biceps femoris fascicles and eccentric knee exor weakness increase the risk of hamstring injury in elite football (soccer): a prospective cohort study. Br J Sports Med 2016;50:1524–35.
31 Bourne MN, Opar DA, Williams MD, et al. Eccentric knee exor strength and risk of hamstring injuries in Rugby Union: a prospective study. Am J Sports Med 2015;43:2663–70.
32 Petersen J, Thorborg K, Nielsen MB, et al. Preventive effect of eccentric training on acute hamstring injuries in men's soccer: a cluster-randomized controlled trial. Am J Sports Med 2011;39:2296–303.
33 van der Horst N, Smits DW, Petersen J, et al. The preventive effect of the nordic hamstring exercise on hamstring injuries in amateur soccer players: a randomized controlled trial. Am J Sports Med 2015;43:1316–23.
34 Bourne MN, Williams MD, Opar DA, et al. Impact of exercise selection on hamstring muscle activation. Br J Sports Med 2017;51:469–77.
35 Bahr R. Why screening tests to predict injury do not work-and probably never will...: a critical review. Br J Sports Med 2016;50:776–80.
36 Fousekis K, Tsepis E, Poulmedis P, et al. Intrinsic risk factors of non-contact quadriceps and hamstring strains in soccer: a prospective study of 100 professional players. Br J Sports Med 2011;45:709–14.
37 Atkinson G, Batterham AM. The use of ratios and percentage changes in sports medicine: time for a rethink? Int J Sports Med 2012;33:505–6.
38 Gabbe BJ, Bennell KL, Finch CF, et al. Predictors of hamstring injury at the elite level of Australian football. Scand J Med Sci Sports 2006;16:7–13.
39 Woods C, Hawkins RD, Maltby S, et al. The Football Association Medical Research Programme: an audit of injuries in professional football—analysis of hamstring injuries. Br J Sports Med 2004;38:36–41.
40 van Beijsterveldt AMC, van de Port IGL, Vereijken AJ, et al. Risk factors for hamstring injuries in male soccer players: a systematic review of prospective studies: risk factors for hamstring injuries. Scand J Med Sci Sports 2013;23:253–62.
41 Hamilton B, Tol JL, Almusa E, et al. Platelet-rich plasma does not enhance return to play in hamstring injuries: a randomised controlled trial. Br J Sports Med 2015;49:943–50.
42 Ekstrand J, Hägglund M, Waldén M. Epidemiology of muscle injuries in professional football (soccer). Am J Sports Med 2011;39:1226–32.
43 Bahr R, Lian O, Bahr IA. A twofold reduction in the incidence of acute ankle sprains in volleyball after the introduction of an injury prevention program: a prospective cohort study. Scand J Med Sci Sports 1997;7:172–7.