Etat des lieux
La commotion cérébrale est un traumatisme fréquemment rapporté rugby [1,2]. En Angleterre, c’est la blessure la plus couramment enregistrée dans le championnat professionnel avec un risque de plus en plus élevé [3]. Les conséquences à long terme sont d’autant plus importante que les commotions ont été répétées [4-6]. Le « World Rugby », anciennement IRB, reconnaît les risques associées aux commotions cérébrales et aux blessures à la tête, même si ce risque reste non quantifiable et encore inconnu [7].
Un lien a été trouvé entre les commotions cérébrales répétées et atteinte de la fonction cognitive chez les plus jeunes joueurs de rugby adultes de sexe masculin, trois mois après leur dernière commotion [8].
Une preuve a également été établie entre commotions répétées et dépression, déficience cognitive légère, troubles de la mémoire, fluidité verbale, anomalies electrophysiologiques diagnostiqués au cours de la vie de joueurs de football américain et de hockey sur glace [9-12].
Il y a également eu plusieurs résultats d’autopsies d’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) similaires à ceux trouvés chez des anciens boxeurs, d’anciens militaires, dans le cerveau d’anciens athlètes professionnels de football américain, d’hockeyeurs, de lutteurs [4-6,13] et d’anciens joueurs de rugby [6,14,15]
Les enfants sont plus exposés au risque de commotion cérébrale que les adultes et le temps de récupération est supérieur [16-18]. Il a été prouvé que la commotion est un traumatisme relativement plus fréquent dans les populations d’enfants et d’adolescents que chez les adultes [19]. Les jeunes joueurs ont également un risque accru de ce qui est appelé « syndrome du deuxième impact », phénomène potentiellement mortel ou un joueur subit une seconde blessure à la tête alors qu’il n’est pas complètement remis des effets de la première [20].
L’objectif principal de l’étude présentée aujourd’hui était d’effectuer une revue de littérature afin de connaître l’incidence de la commotion cérébrale par rapport à l’ensemble des blessures au rugby chez les jeunes joueurs de rugby. Les objectifs secondaires étaient d’établir les liens entre commotion cérébrale, phase de jeu, position et sexe du joueur.
Quelques chiffres
Cette étude a permis de mettre en évidence l’existence de preuves d’un risque important de commotion chez les enfants et les adolescents jouant dans les ligues de rugby anglaises (Rugby Union et Rugby League).
L’incidence des commotions lors des matchs au sein de la Rugby Union était de 0,2 à 6,9 commotions cérébrales pour 1000 joueurs-heure, ce qui équivaut à une probabilité, pour un joueur de subir au cours d’une saison une commotion, de 0,3% à 11,4%. Au sein de la Rugby League, 2 études ont rapportés 4,6 à 14,7 commotions cérébrales pour 1000 joueurs-heure ce qui équivaut à un risque de 7,7% à 22,7% sur une saison.
Les enquêtes ont constaté une forte prévalence de commotion chez les jeunes joueurs de rugby avec 48,1% des 133 joueurs interrogés en Irlande et 14,1% des 3330 répondants Sud-Africains ayant déclarés au moins une commotion cérébrale.
Il y a très peu de recherches sur les liens entre phase de jeu, position du joueur , sexe et commotion cérébrale. Le peu existant suggère qu’être plaqué, plaqueur et les rucks sont les phases les plus associées à un risque de commotion cérébrale, que les avants et les arrières autant que les garçons et les filles présentent des risques similaires.
Aucune méta-analyse n’a pu être réalisée en raison de l’hétérogénéité des études. La plus grande étude prospective réalisée par McIntosh et col. [21] au sein de la Rugby Union portant sur 28902 joueurs/heure trouvant une incidence de 6,9 commotions pour 1000joueurs/heure, ce qui équivaut à un risque de 11,4% pour un enfant de la Rugby Union de subir une commotion cérébrale au cours d’une saison ou encore d’avoir 1 à 2 joueurs commotionnés dans chaque équipe de rugby de 15 joueurs (à l’école ou en club).
Il n’a pas été étonnant de constater que la majorité des études portaient sur les hommes bien que le nombre de femmes pratiquant le rugby soit estimé à 1,5 millions dans le monde, soit 23% de l’ensemble des pratiquants [22]. Des recherches plus ciblées sur l’épidémiologie des blessures chez les joueuses de rugby sont nécessaires afin de savoir si les mécanismes, les types de blessures subies et leur gravité sont similaires ou non à leurs homologues masculins.
Recommandations
Les études récentes doivent être de réels signaux d’alarme pour les instances dirigeantes du sport. Aucune preuve tangible n’est aujourd’hui en faveur d’équipements permettant de protéger du risque de commotions cérébrales. Comme les enfants et les adolescents ont un risque plus élevé de subir une commotion cérébrale et ses effets que les adultes, il est urgent que le rugby et les autres sports de contact soient plus surs pour cette population.
Par Erwann Le Corre
Article Original :
Kirkwood G, et al. Concussion in youth rugby union and rugby league: a systematic review. Br J Sports Med 2015;0:1–5. doi:10.1136/bjsports-2014-093774
Bibliographie :
2 Gardner A, Iverson GL, Levi CR, et al. A systematic review of concussion in rugby league. Br J Sports Med. Published Online First: 10 Apr 2014. doi:10.1136/ bjsports-2013-093102
3 England Professional Rugby Injury Surveillance Project Steering Group. England Professional Rugby Injury Surveillance Project 2012–2013 Season Report. https:// rugbyredefined.files.wordpress.com/2014/05/irb-dev-glob-map.pdf (accessed 2 Dec 2014).
4 McKee AC, Cantu RC, Nowinski CJ, et al. Chronic traumatic encephalopathy in athletes: progressive tauopathy after repetitive head injury. J Neuropathol Exp Neurol 2009;68:709–35.
5 McKee AC, Stern RA, Nowinski CJ, et al. The spectrum of disease in chronic traumatic encephalopathy. Brain 2013;136:43–64.
6 Gardner A, Iverson GL, McCrory P. Chronic traumatic encephalopathy in sport: a systematic review. Br J Sports Med 2014;48:84–90.
7 Raftery M. Concussion and chronic traumatic encephalopathy: International Rugby Board’s response. Br J Sports Med 2014;48:79–80.
8 Gardner A, Shores EA, Batchelor J. Reduced processing speed in rugby union players reporting three or more previous concussions. Arch Clin Neuropsychol 2010;25:174–81.
9 Guskiewicz KM, Marshall SW, Bailes J, et al. Recurrent concussion and risk of depression in retired professional football players. Med Sci Sports Exerc 2007;39:903–9.
10 Guskiewicz KM, Marshall SW, Bailes J, et al. Association between recurrent concussion and late-life cognitive impairment in retired professional football players. Neurosurgery 2005;57:719–26.
11 De Beaumont L, Theoret H, Mongeon D, et al. Brain function decline in healthy retired athletes who sustained their last sports concussion in early adulthood. Brain 2009;132:695–708.
12 Tremblay S, De Beaumont L, Henry LC, et al. Sports concussions and aging: a neuroimaging investigation. Cereb Cortex 2013;23:1159–66.
13 Stern RA, Riley DO, Daneshvar DH, et al. Long-term consequences of repetitive brain trauma: chronic traumatic encephalopathy. PM R 2011;3:S460–7.
14 BBC News. Rugby ‘linked to early onset dementia’. 3 August 2013. http://www. bbc.co.uk/news/uk-scotland-23545796 (accessed 2 Dec 2014).
15 Lawton G. Rugby players warned of long-term brain injury risks. New Scientist. http://www.newscientist.com/article/ dn25182-rugby-players-warned-of-longterm-brain-injury-risks.html#.U-iSD2PVX5M Updated 10 March 2014 (accessed 2 Dec 2014).
16 Harmon KG, Drezner JA, Gammons M, et al. American Medical Society for Sports Medicine position statement: concussion in sport. Br J Sports Med 2013;47:15–26.
17 American Academy of Neurology. Position and Policy Documents. Sports Concussion. https://www.aan.com/public-policy/position-statements/position-and- policy-documents/ (accessed 2 Dec 2014).
18 Zuckerman SL, Lee YM, Odom MJ, et al. Recovery from sports-related concussion: Days to return to neurocognitive baseline in adolescents versus young adults. Surg Neurol Int 2012;3:130.
19 Yard EE, Comstock RD. Injuries sustained by rugby players presenting to United States emergency departments, 1978 through 2004. J Athl Train 2006;41:325–31.
20 Halstead ME, Walter KD. American Academy of Pediatrics. Clinical report—sport- related concussion in children and adolescents. Pediatrics 2010;126:597–615.
21 McIntosh AS, McCrory P, Finch CF, et al. Head, face and neck injury in youth rugby: incidence and risk factors. Br J Sports Med 2010;44:188–93.
22 International Rugby Board (IRB). IRB Global Membership Map.
La commotion cérébrale est un traumatisme fréquemment rapporté rugby [1,2]. En Angleterre, c’est la blessure la plus couramment enregistrée dans le championnat professionnel avec un risque de plus en plus élevé [3]. Les conséquences à long terme sont d’autant plus importante que les commotions ont été répétées [4-6]. Le « World Rugby », anciennement IRB, reconnaît les risques associées aux commotions cérébrales et aux blessures à la tête, même si ce risque reste non quantifiable et encore inconnu [7].
Un lien a été trouvé entre les commotions cérébrales répétées et atteinte de la fonction cognitive chez les plus jeunes joueurs de rugby adultes de sexe masculin, trois mois après leur dernière commotion [8].
Une preuve a également été établie entre commotions répétées et dépression, déficience cognitive légère, troubles de la mémoire, fluidité verbale, anomalies electrophysiologiques diagnostiqués au cours de la vie de joueurs de football américain et de hockey sur glace [9-12].
Il y a également eu plusieurs résultats d’autopsies d’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) similaires à ceux trouvés chez des anciens boxeurs, d’anciens militaires, dans le cerveau d’anciens athlètes professionnels de football américain, d’hockeyeurs, de lutteurs [4-6,13] et d’anciens joueurs de rugby [6,14,15]
Les enfants sont plus exposés au risque de commotion cérébrale que les adultes et le temps de récupération est supérieur [16-18]. Il a été prouvé que la commotion est un traumatisme relativement plus fréquent dans les populations d’enfants et d’adolescents que chez les adultes [19]. Les jeunes joueurs ont également un risque accru de ce qui est appelé « syndrome du deuxième impact », phénomène potentiellement mortel ou un joueur subit une seconde blessure à la tête alors qu’il n’est pas complètement remis des effets de la première [20].
L’objectif principal de l’étude présentée aujourd’hui était d’effectuer une revue de littérature afin de connaître l’incidence de la commotion cérébrale par rapport à l’ensemble des blessures au rugby chez les jeunes joueurs de rugby. Les objectifs secondaires étaient d’établir les liens entre commotion cérébrale, phase de jeu, position et sexe du joueur.
Quelques chiffres
Cette étude a permis de mettre en évidence l’existence de preuves d’un risque important de commotion chez les enfants et les adolescents jouant dans les ligues de rugby anglaises (Rugby Union et Rugby League).
L’incidence des commotions lors des matchs au sein de la Rugby Union était de 0,2 à 6,9 commotions cérébrales pour 1000 joueurs-heure, ce qui équivaut à une probabilité, pour un joueur de subir au cours d’une saison une commotion, de 0,3% à 11,4%. Au sein de la Rugby League, 2 études ont rapportés 4,6 à 14,7 commotions cérébrales pour 1000 joueurs-heure ce qui équivaut à un risque de 7,7% à 22,7% sur une saison.
Les enquêtes ont constaté une forte prévalence de commotion chez les jeunes joueurs de rugby avec 48,1% des 133 joueurs interrogés en Irlande et 14,1% des 3330 répondants Sud-Africains ayant déclarés au moins une commotion cérébrale.
Il y a très peu de recherches sur les liens entre phase de jeu, position du joueur , sexe et commotion cérébrale. Le peu existant suggère qu’être plaqué, plaqueur et les rucks sont les phases les plus associées à un risque de commotion cérébrale, que les avants et les arrières autant que les garçons et les filles présentent des risques similaires.
Aucune méta-analyse n’a pu être réalisée en raison de l’hétérogénéité des études. La plus grande étude prospective réalisée par McIntosh et col. [21] au sein de la Rugby Union portant sur 28902 joueurs/heure trouvant une incidence de 6,9 commotions pour 1000joueurs/heure, ce qui équivaut à un risque de 11,4% pour un enfant de la Rugby Union de subir une commotion cérébrale au cours d’une saison ou encore d’avoir 1 à 2 joueurs commotionnés dans chaque équipe de rugby de 15 joueurs (à l’école ou en club).
Il n’a pas été étonnant de constater que la majorité des études portaient sur les hommes bien que le nombre de femmes pratiquant le rugby soit estimé à 1,5 millions dans le monde, soit 23% de l’ensemble des pratiquants [22]. Des recherches plus ciblées sur l’épidémiologie des blessures chez les joueuses de rugby sont nécessaires afin de savoir si les mécanismes, les types de blessures subies et leur gravité sont similaires ou non à leurs homologues masculins.
Recommandations
Les études récentes doivent être de réels signaux d’alarme pour les instances dirigeantes du sport. Aucune preuve tangible n’est aujourd’hui en faveur d’équipements permettant de protéger du risque de commotions cérébrales. Comme les enfants et les adolescents ont un risque plus élevé de subir une commotion cérébrale et ses effets que les adultes, il est urgent que le rugby et les autres sports de contact soient plus surs pour cette population.
- Les changements de règles et les stratégies de prévention nécessitent des preuves, des évaluations et une communications des résultats trouvés. Nécessité d’améliorer la collecte des données afin d’avoir des données sur les blessures subies par les jeunes joueurs lors des matchs en club et à l’école.
- Les secouristes doivent avoir connaissance de ce qu’est la commotion cérébrale et une pleine conscience des protocoles actuels de prise en charge en particulier celui du retour au sport de l’IRB (http://irbplayerwelfare.com/concussion), n’autorisant le jeune joueur à reprendre qu’après approbation d’un médecin et cela pas après 23 jours après la blessure.
- Sensibilisation des parents et des autorités scolaires sur les risques de commotion cérébrale, sa gestion et la prévention.
- En ce qui concerne l’Angleterre, le rugby étant un sport obligatoire dans de nombreux établissements scolaires, il devrait n’y avoir aucune obligation à la pratique du rugby dans le cadre de l’enseignement scolaire.
Par Erwann Le Corre
Article Original :
Kirkwood G, et al. Concussion in youth rugby union and rugby league: a systematic review. Br J Sports Med 2015;0:1–5. doi:10.1136/bjsports-2014-093774
Bibliographie :
- Gardner AJ, Iverson GL, Williams WH, et al. A systematic review and meta-analysis of concussion in rugby union. Sports Med 2014;44:1717–31.
2 Gardner A, Iverson GL, Levi CR, et al. A systematic review of concussion in rugby league. Br J Sports Med. Published Online First: 10 Apr 2014. doi:10.1136/ bjsports-2013-093102
3 England Professional Rugby Injury Surveillance Project Steering Group. England Professional Rugby Injury Surveillance Project 2012–2013 Season Report. https:// rugbyredefined.files.wordpress.com/2014/05/irb-dev-glob-map.pdf (accessed 2 Dec 2014).
4 McKee AC, Cantu RC, Nowinski CJ, et al. Chronic traumatic encephalopathy in athletes: progressive tauopathy after repetitive head injury. J Neuropathol Exp Neurol 2009;68:709–35.
5 McKee AC, Stern RA, Nowinski CJ, et al. The spectrum of disease in chronic traumatic encephalopathy. Brain 2013;136:43–64.
6 Gardner A, Iverson GL, McCrory P. Chronic traumatic encephalopathy in sport: a systematic review. Br J Sports Med 2014;48:84–90.
7 Raftery M. Concussion and chronic traumatic encephalopathy: International Rugby Board’s response. Br J Sports Med 2014;48:79–80.
8 Gardner A, Shores EA, Batchelor J. Reduced processing speed in rugby union players reporting three or more previous concussions. Arch Clin Neuropsychol 2010;25:174–81.
9 Guskiewicz KM, Marshall SW, Bailes J, et al. Recurrent concussion and risk of depression in retired professional football players. Med Sci Sports Exerc 2007;39:903–9.
10 Guskiewicz KM, Marshall SW, Bailes J, et al. Association between recurrent concussion and late-life cognitive impairment in retired professional football players. Neurosurgery 2005;57:719–26.
11 De Beaumont L, Theoret H, Mongeon D, et al. Brain function decline in healthy retired athletes who sustained their last sports concussion in early adulthood. Brain 2009;132:695–708.
12 Tremblay S, De Beaumont L, Henry LC, et al. Sports concussions and aging: a neuroimaging investigation. Cereb Cortex 2013;23:1159–66.
13 Stern RA, Riley DO, Daneshvar DH, et al. Long-term consequences of repetitive brain trauma: chronic traumatic encephalopathy. PM R 2011;3:S460–7.
14 BBC News. Rugby ‘linked to early onset dementia’. 3 August 2013. http://www. bbc.co.uk/news/uk-scotland-23545796 (accessed 2 Dec 2014).
15 Lawton G. Rugby players warned of long-term brain injury risks. New Scientist. http://www.newscientist.com/article/ dn25182-rugby-players-warned-of-longterm-brain-injury-risks.html#.U-iSD2PVX5M Updated 10 March 2014 (accessed 2 Dec 2014).
16 Harmon KG, Drezner JA, Gammons M, et al. American Medical Society for Sports Medicine position statement: concussion in sport. Br J Sports Med 2013;47:15–26.
17 American Academy of Neurology. Position and Policy Documents. Sports Concussion. https://www.aan.com/public-policy/position-statements/position-and- policy-documents/ (accessed 2 Dec 2014).
18 Zuckerman SL, Lee YM, Odom MJ, et al. Recovery from sports-related concussion: Days to return to neurocognitive baseline in adolescents versus young adults. Surg Neurol Int 2012;3:130.
19 Yard EE, Comstock RD. Injuries sustained by rugby players presenting to United States emergency departments, 1978 through 2004. J Athl Train 2006;41:325–31.
20 Halstead ME, Walter KD. American Academy of Pediatrics. Clinical report—sport- related concussion in children and adolescents. Pediatrics 2010;126:597–615.
21 McIntosh AS, McCrory P, Finch CF, et al. Head, face and neck injury in youth rugby: incidence and risk factors. Br J Sports Med 2010;44:188–93.
22 International Rugby Board (IRB). IRB Global Membership Map.