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L'utilisation de l'IRM pour évaluer l'activité et les lésions des muscles postérieurs de la cuisse pendant des exercices Nordic hamstring



Les blessures des ischio-jambiers (IJ) sont les plus répandues des blessures musculaires signalées dans le football. En plus de la prévalence des blessures IJ, la frustration peut être intensifiée par des symptômes prolongés, des réponses de cicatrisation faibles, et un risque élevé de rechute à un taux de 12-31 %. 
Les exercices Nordic hamstring (NH) se réalisent à genoux au sol avec les chevilles fixes. Le sujet doit descendre vers le sol le plus lentement possible, ce qui réalise une contraction excentrique des IJ. Il a été démontré que cet exercice augmente à la fois la force (concentrique et excentrique) et décale l'angle auquel le couple de force maximal est produit à une plus grande longueur. Cela explique pourquoi cette méthode  a été largement utilisée avec succès dans la prévention des blessures des IJ.
Cependant, aucune information n'existait quant à l'activation spécifique de certains sites des IJ lors de cet exercice.
 
L'imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être une méthode sensible pour afficher les changements physiologiques qui se produisent dans les muscles activés pendant l'exercice, car il fournit une analyse anatomique détaillée des tissus mous associés, ce qui fait défaut en électromyographie. Nous ne détaillerons pas ici le principe de l'IRM.

Il est bien connu que l'exercice produit des changements dans la distribution de l'eau à la fois intracellulaire et intercellulaire dans les cellules musculaires, et que ce déplacement de répartition de l'eau produit une augmentation du temps de relaxation transversale (T2) du muscle. Celui-ci est un indice quantitatif de l'activation musculaire et peut de manière non invasive surveiller les changements de quantité et de distribution de l'eau dans le muscle squelettique après un exercice intense. En outre, en utilisant cette technique, des informations détaillées concernant les changements morphologiques dans les muscles individuels peuvent être obtenues en calculant les aires de section transversales (AST) après l'exercice.
 
Le but de l'étude présentée ici [1] était d'utiliser l'IRM pour étudier les dommages musculaires et les différences régionales de T2 entre les régions inter et intramusculaires, ainsi que les valeurs d'AST des IJ. Plus précisément, les auteurs ont cherché à évaluer les changements de morphologies et d'intensités de signal T2 au niveau des muscles hauts de la cuisse à l'aide de l'IRM, immédiatement après, puis 72 heures après les exercices NH. Leurs hypothèses étaient que (a) le degré de la réponse après exercice intensif serait différent, représenté par différents changements dans les mesures IRM, tels que les valeurs d'AST et de T2, entre les différents muscles des IJ, et que (b) le groupe musculaire des IJ démontrerait une activation et une atteinte asymétriques entre les membres inférieurs (MI) dominant et non dominant.
L'objectif à terme de l'étude était de permettre aux rééducateurs de mieux comprendre l'activation spécifique de certains sites, et de réaliser ainsi une meilleure programmation des exercices NH.
 
METHODES
 
Approche expérimentale du problème
Les mesures par IRM aux deux cuisses ont été réalisées à différentes longueurs musculaires pour les deux portions du biceps fémoral (BF), le semi-tendineux (ST) et le semi-membraneux (SM) avant, immédiatement après, et 72 heures après des exercices NH.
 
Sujets
8 hommes de niveau national de football ont participé à l'étude. Ils étaient tous des joueurs s'entraînant régulièrement et supervisés par le même coach. Ils ont été exclus s'ils avaient eu une blessures aux membres inférieurs ou au dos dans les 12 mois précédents ou s'ils ne pouvaient pas passer d'IRM (matériel métallique, claustrophobie, etc.). Tous avaient déjà pratiqué les exercices NH auparavant. Il leur a été demandé de ne pas pratiquer ces exercices pendant les 8 semaines avant l'étude, de même d'éviter les activités de renforcement musculaire des MI.
 
Protocole d'exercice
Les sujets ont réalisé les exercices NH avec respect d'un temps de descente d'environ 4 secondes. Les sujets ont été encouragés verbalement et ont été conseillés afin de maintenir un  bon alignement entre les hanches et le tronc. Le retour se faisait avec les bras afin de ne pas réaliser de contraction concentrique des IJ.
 
Procédure
Tous les sujets ont réalisé le même protocole, à savoir 5 séries de 8 répétitions, avec 2 minutes de repos entre chaque série.
 
Techniques d'imagerie
Les mesures ont été réalisées juste avant, 3 minutes après et 72h après les exercices NH.
15 images axiales ont été prises à chaque cuisse, espacées de la même manière, permettant l'analyse des AST à 15 sections différentes.
 
Analyse statistique
Ont été relevés les changements d'un même muscle entre les 3 évaluations, ainsi que les différences entre MI dominant et non dominant.
 
RÉSULTATS
 
Des différences statistiques (p = 0,03) d'AST ont été rapportées pour la courte portion du BF à la section 10 entre le MI dominant (3,70 ± 0,86) et le MI non dominant (2,64 ± 0,91) au début de l'étude.
Des différences significatives ont également trouvées pour T2 au niveau du ST à la section 10 (p = 0,04) et à la section 12 (p = 0,03) entre le MI dominant (40.50 ± 2.11 and 44.19 ± 4.11) et le MI non dominant (43.07 ± 2.29 and 51.69 ± 7.55), respectivement.
 
Aire de section transversale
Pour le SM et le ST, il n'y a pas de différence significative en intra ou en intermusculaire à aucune des sections entre les 3 mesures.
Aucune différence significative d'AST n'a été relevée pour la longue portion du BF aux deux MI à aucune section entre les 3 mesures, malgré des changements significatifs observés à la section 10 entre les deux MI avant exercice (p = 0,012) et après exercice (p = 0,010). Ces différences avaient disparu à 72h (p = 0,055).
Des différences significatives d'AST ont été trouvées à la courte portion du BF à la section 10 entre les deux MI : au MI non dominant entre avant et après exercice (environ 36%, p = 0,025).
 
DISCUSSION
 
De manière plus globale, les résultats ont montré que tous les IJ, sauf le SM, présentaient une augmentation de T2 immédiatement après réalisation des exercices NH. Une précédente étude [2] suggérait qu'une augmentation de T2 se produisant juste après réalisation d'un exercice d'extension de jambe était le reflet d'une augmentation du débit sanguin et qu'une augmentation de T2 survenant deux jours après exercice reflétait de sévères dommages musculaires.
Inversement, la courte portion du BF a présenté une augmentation d'AST et de valeur T2 après exercice et 72h après. Ces résultats confirment l'hypothèse de départ qui était que les modes de chargement de chaque IJ seraient hétérogènes entre les différents IJ, avec préférentiellement un mode de dommage proximal de la courte portion du BF.
Spécifiquement, les données indiquent que le degré de réponse pendant ces exercices NH excentriques n'est pas uniforme au sein des IJ, et que la région musculaire distale de la courte portion du BF serait la plus sensible à ce type d'exercices puisque c'est elle qui a subi le plus de dommages ici.
Il est généralement considéré que les IJ sont activés de manière similaire lors d'un exercice de flexion du genou. Cependant, les résultats de cette étude montrent que la courte portion du BF est la plus altérée par les exercices NH. La raison de ce dommage spécifique serait que les propriétés morphologiques et les caractéristiques architecturales de ce muscle sont les plus efficaces pour traiter une telle tension excentrique.
Rappelons que la courte portion du BF est un IJ monoarticulaire, ne croisant que l'articulation du genou et qui présente une longueur fasciculaire importante ainsi que la plus petite AST de tous les IJ. De plus, cette portion n'a pas la même innervation que la longue.
 
La deuxième hypothèse était que l'atteinte des IJ ne serait pas uniforme entre les deux MI. Les résultats ont confirmé cette hypothèse, avec un schéma de recrutement préférentiellement distal ainsi qu'un mode charge asymétrique et non uniforme entre les deux MI.
Cela s'expliquerait selon les auteurs par deux choses : soit le MI dominant est plus entraîné à supporter une forte charge excentrique, soit le MI non dominant l'est moins. Ce peut être aussi une combinaison des deux.
Bien que les exercices NH aient été démontrés comme capables de réduire avec succès les blessures aux IJ et en même temps d'améliorer à la fois la force et la longueur optimale des muscles, les résultats de cette étude mettent en exergue des modes d'activation différents entre les deux MI pendant leur réalisation.
 
APPLICATIONS PRATIQUES
 
D'après les résultats de cette étude et ceux d'études précédentes, les auteurs concluent que lorsque l'objectif thérapeutique est de renforcer spécifiquement la longue portion du BF ou le SM, il est préférable de réaliser des exercices avec mouvements dominants à la hanche tels que des soulèvements de poids ou des fentes, alors que le renforcement spécifique du ST et de la courte portion du BF se fera davantage par les exercices NH.
 
Cette étude démontre ainsi que les exercices NH, en plus d'être capables d'améliorer la fore et la longueur optimale des IJ, sont aussi mieux adaptés pour augmenter la charge demandée à la courte portion du BF.
 
[1] Mendiguchia J, Arcos AL, Garrues MA, Myer GD, Yanci JIdoate F. The use of MRI to evaluate posterior thigh muscle activity and damage during nordic hamstring exercise. J Strength Cond Res. 2013 Dec; 27(12): 3426-35. doi: 10.1519/JSC.0b013e31828fd3e7.
 
[2] Kubota, J, Ono, T, Araki, M, Torii, S, Okuwaki, T, and Fukubayashi, T. Non-uniform changes in magnetic resonance measurements of the semitendinosus muscle following intensive eccentric exercise. Eur J Appl Physiol 101: 713–720, 2007.