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L'impact de la stimulation électrique neuromusculaire sur la récupération après un entraînement intensif à vitesse maximale ayant entraîné une lésion musculaire chez des joueurs professionnels de sports d'équipe



Taylor T, West DJ, Howatson G, Jones C, Bracken RM et al. The impact of neuromuscular electrical stimulation on recovery after intensive, muscle damaging, maximal speed training in professional team sports players. J Sci Med Sport. 2014 Apr 14. pii: S1440-2440(14)00069-3. doi: 10.1016/j.jsams.2014.04.004. [Epub ahead of print]
 
 
Introduction
 
Dans des sports tels que le rugby ou le football, de nombreuses compétitions ont augmenté le nombre de rencontres jouées à chaque saison. Les footballeurs peuvent avoir jusqu'à 60 rencontres pendant la saison [1] et souvent avec seulement 2 jours de récupération entre chaque [2]. De plus, la demande grandissante de rencontres est concomitante avec une fréquence augmentée de déplacements entre les matchs.
Au football et au rugby, un simple match peut augmenter les concentrations de protéines intracellulaires circulantes [3-5], ce qui indique une lésion du muscle squelettique [3,4]. Par exemple, Cuniff et al. [4] avaient rapporté d'importantes augmentations de créatine kinase (CK) à 14h (environ + 227%) et 38h (environ + 45%) après un match international de rugby. De plus, Thorpe et Sunderland [5] avaient aussi trouvé environ 84% et 238% d'augmentation respective de CK et de myoglobine, immédiatement après un match de football. Les lésions musculaires, associées aux douleurs musculaires, ont été montrées comme persistant pendant environ 72h après match [6]. L'induction d'une lésion musculaire squelettique est aussi à même de porter atteinte à la fonction neuromusculaire (FNM) [7,8]. Twist et al. [7] ont rapporté des réductions de la FNM et des augmentations de CK et de douleurs musculaires 24 à 48h après un match chez des joueurs de rugby professionnels. Les lésions musculaires associées peuvent également coïncider avec des changements de testostérone et de cortisol [4,8]. West et al. [8] ont trouvé une diminution de la concentration de testostérone (-26%) et une augmentation de la concentration de cortisol, à 12h post-match de rugby professionnel ; cette perturbation du milieu hormonal a été également évidente après 60h.
 
Étant donnée la demande grandissante de rencontres auprès des joueurs professionnels, il est évident qu'une optimisation de la récupération post-match est importante, de manière à ce que les joueurs puissent disputer les rencontres à leur maximum pendant plusieurs matchs successifs.
Plusieurs stratégies sont utilisées pour améliorer la récupération des athlètes, dont l'immersion dans l'eau froide, la thérapie par eau contrastée, la récupération active ou encore les vêtements compressifs.

Cependant, l'une des limitations importantes de l'application de bon nombre de ces techniques réside dans la restriction de temps, d'espace ou d'équipement. Les routines post-match, comme les engagements avec les médias, peuvent réduire le temps disponible pour les stratégies de récupération [9], et il y a souvent des aménagements disponibles limités lors des rencontres à l'extérieur, comparées au match à domicile. En outre, les compétitions impliquent souvent des coups d'envoi de match le soir, avec de ce fait un trajet le matin suivant, rendant ainsi ces stratégies de récupération superflues lors de cette période. Par conséquent, il y a eu une augmentation croissante de l'utilisation de vêtements compressifs pour aider l'athlète à récupérer [10]. Cependant, les vêtements compressifs sont rapportés comme étant inconfortables et affectant de manière négative le sommeil du sportif du fait de l'augmentation de température engendrée [11]. Dans certains cas, ils ont été montré comme réduisant les niveaux de douleurs musculaires sans amélioration de la performance physique ni de la CK [10,12]. Ainsi, étant donné la nécessité d'une récupération rapide, des stratégies alternatives pouvant être facilement mises en œuvre immédiatement après une compétition, sans égard au sommeil ou au voyage, sont requises.
 
La stimulation électrique neuromusculaire (NMES) est une stratégie de récupération alternative qui implique l'application d'électrodes de surface sur le nerf fibulaire commun pour simultanément stimuler le tibial antérieur, le long fibulaire et le gastrocnémien latéral et améliorer ainsi la circulation sanguine [13]. La NMES a été rapportée comme réduisant les concentrations de CK à 72h après contractions excentriques au genou [14], de même que comme réduisant les sensations de douleurs entre des sessions d'entraînement quotidiennes de football [15], et lorsqu'elle est combinée à un vêtement compressif, elle peut améliorer les aspects physiologiques et psychologiques de la récupération chez des rugbymen pendant la pré-saison [16]. Cependant, d'importantes limitations dans la littérature concernent l'application de NMES pendant seulement 20 à 30 minutes en post-exercice [14], et les participants sélectionnaient eux-mêmes l'intensité de la NMES, ce qui peut résulter en l'utilisation d'une intensité insuffisante pour augmenter la circulation sanguine [15]. De plus, il y a un manque de données à propos de l'application de NMES chez les athlètes hautement entraînés.
 
Le but de l'étude présentée ici, parue en août 2014, était d'examiner l'impact de l'appareil de NMES à 24h sur les réponses des fonctions biochimiques, hormonales et neuromusculaires, ainsi que sur les sensations de douleur chez des rugbymen et footballeurs professionnels.
 
 
MÉthodes
 
28 joueurs (âge 20 ± 4 ans ; taille 1,80 ± 0,08 m ; poids 85,8 ± 18,7 kg) de rugby (n = 12) et de football (n = 16) ont participé à l'étude. Le schéma utilisé était basé sur des mesures répétées, chaque joueur ayant suivi un essai contrôle et une intervention, séparés de 7 jours. Chacune des deux conditions a eu lieu au même moment de la journée. Les essais ont été réalisés dans un laboratoire de physiologie de l'exercice, avec contrôle de la température et sur  une piste intérieure adjacente. L'ordre dans lequel les essais ont été réalisés a été randomisé et équilibré.
 
Les joueurs ont entrepris les essais à 9h le matin après avoir consommé leur petit déjeuner habituel et en ayant renoncé à la caféine, ainsi qu'à l'alcool et aux exercices trop intenses pendant les 24h précédentes. Les joueurs ont été familiarisés avec les procédures des essais avant le début des tests et ont été briefés sur le fait que le propos de l'étude était d'étudier une nouvelle méthode de récupération.
Les joueurs ont d'abord fourni un échantillon de salive et complété un questionnaire sur les douleurs musculaires, avant qu'un échantillon de sang ne soit prélevé au bout du doigt. Après un échauffement standardisé de 5 minutes (identique entre les essais), les joueurs ont réalisé au départ des counter-movement jump (CMJ ; développé en puissance et en hauteur de saut). Après que toutes les mesures à la base aient été collectées, les joueurs ont réalisé un échauffement supplémentaire de 10 minutes avant de suivre une session de sprint à vitesse maximale, consistant en 6 sprints de 50 m avec une période de récupération de 5 minutes entre chaque. Chacun des 6 sprints a été enregistré. Toutes les mesures ont été collectées immédiatement après la réalisation du protocole de sprint. Après le recueil des échantillons post-sprint, les joueurs du groupe expérimental ont eu à porter un appareil de NMES, alors que ceux du groupe contrôle sont restés en tenue normale. D'autres mesures ont été prises à 2h et 24h post-sprint. Avant les CMJ, les joueurs ont fait 5 minutes d'échauffement, avec une insistance sur les muscles du membre inférieur associés au CMJ. Avant le protocole de sprint, les joueurs ont suivi un échauffement de 10 minutes qui se finissait par 4 fois 50m de sprint d'intensité croissante (entre 60 et 90% de l'effort maximal).
 
Les appareils de NMES ont été portés pendant 8h post-sprint, d'après les recommandations du fabricant. Le montage a été appliqué au nerf fibulaire derrière le genou, et le courant délivré était à une fréquence de 1 Hz et à une intensité de 27 mA, avec une largeur de pulsation de 140 µs. Cette intensité à été choisie car elle est assez forte pour provoquer des contractions visibles du mollet , mais pas assez intense pour causer un inconfort.
Pour les mesures de la puissance et de la hauteur du CMJ, les tests ont été réalisés sur une plateforme de force portable. Les joueurs ont eu à réaliser 3 sauts maximum avec 1 minute 30 de repos entre chaque.
Le recueil de sang a permis la quantification du lactate et de la CK.
La recueil de salive a servi pour mesurer les concentrations de testostérone et de cortisol.
Enfin, les douleurs musculaires au niveau du bas du corps ont été évaluées grâce à une échelle (Likert Scale) de 0 à 6 (0 absence complète de douleur / 6 douleur sévère empêchant le mouvement), qui a été précédemment démontrée comme une mesure valide et fiable de la douleur des membres inférieurs [19].
 
 
Résultats
 
Il y a eu un effet significatif du temps (p < 0,001), mais pas de condition (p = 0,969) pendant le protocole de sprint. Les joueurs ont réalisé des temps de sprint similaires pendant les sprints 1 à 5, mais le temps du 6e était significativement réduit par rapport au 1er sous chacune des conditions (p < 0,001).
Le temps moyen de sprint (NMES 6,55 ± 0,31 s ; contrôle 6,55 ± 0,31 s ; p = 0,969) et le temps total de sprint (NMES 39,81 ±1,83 s ; contrôle 39,31 ± 1,85 s ; p = 0,969) étaient similaires entre les conditions.
 
Il y a eu un effet significatif du temps (p < 0,001) et une interaction significative temps*condition (p < 0,001) pour la puissance du CMJ. Le pic de puissance était similaire entre les conditions à la base (p = 0,991) et immédiatement après sprint (p = 0,106), mais était significativement plus important après NMES à 2h (IC 95% = 49 - 145 W, p < 0,001) et à 24h post-sprint, comparé au groupe contrôle (IC 95% = 49 - 145 W, p < 0,001).
De plus, il y a eu effet significatif du temps (p < 0,001) et une interaction significative temps*condition (p < 0,001) pour la hauteur du CMJ. La hauteur était similaire entre les conditions à la base (p = 0,732), immédiatement après sprint (p = 0,244) et à 2h post-sprint (p = 0,164), mais était significativement plus importante après NMES à 24h post-sprint, comparé au groupe contrôle (IC 95% = 1,03 - 1,99 cm, p < 0,001).
 
Il y a eu un effet significatif du temps (p < 0,001) et une interaction significative temps*condition (p < 0,001) pour les réponses de CK dans le plasma. Les concentrations plasmatiques de CK étaient similaires entre les conditions à la base (p = 0,164), immédiatement après sprint (p = 0,704) et à 2h post-sprint (p = 0,102), mais étaient significativement moindres après NMES à 24h post-sprint, comparé au groupe contrôle (IC 95% = -113 à -200 U/L, p < 0,001).
 
Enfin, il y a eu un effet significatif du temps pour le lactate sanguin (p < 0,001), la testostérone salivaire ( p < 0,001) le cortisol (p = 0,0016) et le ratio T/C (p = 0,034), mais pas d'effet de la condition sur aucune des mesures de l'intervention (p > 0,05). Il y a eu un effet significatif du temps (p < 0,001) et une interaction significative temps*condition sur la sensation de douleurs musculaires (p = 0,015). Les sensations de douleurs musculaires étaient similaires à la base (p = 0,364) et immédiatement après sprint (p = 0,732), mais étaient significativement moindres après NMES à 2h (IC 95% = -0,05 à -0,73, p = 0,031) et 24h post-sprint (IC 95% = -0,15 à -1,43, p = 0,023).
 
 
DISCUSSION
 
Cette étude a permis de montrer que l'application de NMES résultait en une concentration moindre de CK et une sensation réduite de douleurs musculaires, concomitantes avec une récupération améliorée de la FNM à 24h.
Alors que dans une étude précédente [20] les participants étaient exposés à environ 1600 contractions pendant une période d'application de la NMES pendant 25 minutes, l'application de 8h utilisée dans cette étude a engendré environ 28800 contractions. Cela peut indiquer que la durée d'application de la NMES a un rôle important dans la récupération.
Potentiellement, le taux réduit de CK peut également être accompagné d'une inflammation diminuée [29], ce qui est un facteur important dans le déclin de la performance physique après lésion suite à des exercices [23].
 
Les joueurs ont rapporté une sensation réduite de douleurs musculaires à 24h post-sprint sous NMES, comparé au groupe contrôle. Des réductions des douleurs musculaires, et une perception améliorée de la récupération peuvent avoir des implications importantes pour la performance physique, en améliorant l'état de bien-être du sportif, ce qui peut se transformer en meilleurs performances athlétiques [15,25].
 
L'appareil de NMES utilisé dans cette étude est facilement transportable du fait de sa petite taille, et après avoir reçu quelques instructions, les athlètes sont facilement capables de se l'appliquer eux-mêmes, cela réduisant le besoin de contribution du staff pendant des périodes d'accès réduit ou difficile du joueur.
 
De futures recherches devront chercher à évaluer la durée optimale pendant laquelle la machine doit être utilisée après une variété de sports, de même que les effets de la NMES en combinaison avec d'autres méthodes plus traditionnelles de récupération pour examiner si la récupération à 24h post-exercice peut être davantage améliorée.
 
 
CONCLUSION
 
En conclusion, les résultats démontrent que l'application de NMES après un exercice intense est efficace pour améliorer à la fois les indices physiologiques et psychologiques de la récupération, menant à des améliorations significatives de la performance physique à 24h post-exercices. La NMES offre une stratégie de récupération facilement applicable, non limitée par  le temps, les équipements ou l'espace disponibles, et pourrait être un élément supplémentaire important pour les joueurs de sports d'équipe pendant des périodes chargées en rencontres et en déplacements.
 
 
Implications pratiques
 
- La NMES peut améliorer la récupération après exercice intensif ; cependant, les mécanismes expliquant cela ne sont pas encore très clairs pour le moment.
 
- Les joueurs et les entraîneurs ne devraient pas espérer une récupération complète à 24h après NMES, mais plutôt utiliser la NMES pour gagner "une longueur d'avance" de récupération.
 
- La NMES ne devrait pas remplacer d'autres stratégies de récupération, mais devrait être utilisée dans des situations où d'autres stratégies ne sont pas possibles.
 
 
RÉFÉRENCES
 
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