KINESPORT KINESPORT


   



L’avenir des tests physiques est-il aussi dans les smartphones?



L’avenir des tests physiques est-il aussi dans les smartphones?
Les tests verticaux sont parmi les tests d’évaluation physique les plus répandus. Majoritairement réalisés chez les athlètes professionnels pour évaluer la puissance musculaire des membres inférieurs (basketball, football, ski…) et la fatigue neuromusculaire (Buchheit et al. 2010), les tests de détente verticale ont aussi été mis en place chez une population non sportive que ce soit chez les enfants (Acero et al. 2011) ou les personnes âgées (Pereira et al. 2012). Tant dans l’identification des qualités physiques de jeunes talents prometteurs que dans l’évaluation initiale, intermédiaire ou finale d’un programme d’entrainement physique, ce type de test de terrain est aujourd’hui incontournable dans la trousse à outils d’un préparateur physique. Pourtant simple à réaliser pour le sportif, il en était tout autre il y a encore quelques années concernant la prise et l’intégration des données.
 
            A leurs débuts cantonnés à des laboratoires ou à une installation de terrain longue et fastidieuse, les plateformes de force actuelles ont gagné progressivement en technologie, simplicité et portabilité. Considérées comme le « gold standard » de la mesure de la détente verticale (Requena, García, De Villarreal, & Pääsuke, 2012, Glatthorn et al., 2011, Duncan et al., 2008)), ces dernières utilisent souvent comme donnée principale le « temps de vol » pour calculer la hauteur du saut (période située entre le moment où les pieds quittent le sol et l'atterrissage). Cette méthode du « temps de vol » a été prouvée comme hautement valide and fiable et la majorité des instruments actuels l’ont incorporé dans leur analyse de la détente verticale (Glatthorn et al. 2011; Moir, 2008; Requena et al., 2012). Bien qu’ils soient relativement accessibles au grand public, les plateformes de force, les accéléromètres, les caméras haute vitesse, les plateformes infra-rouges ou autres systèmes technologiques (tapis de Bosco, Kistler®, Myotest®, Optojump®, Ergojump®, Vertec®, etc…), ces outils restent chers et donc réservés presque exclusivement à un usage universitaire ou professionnel (clubs d’élite). De même, hormis quelques exceptions (Myotest®), ils sont encombrants et souvent dépendant d’un logiciel spécifique pour l’analyse des données.
 
Quelques nouvelles approches d’analyse vidéo naissent aujourd’hui avec les smartphones ou les caméras miniatures (Dartfish® …). Associés à des logiciels gratuits, ils sont peu onéreux mais nécessitent quand même pour la plupart d’entre eux un transfert des images de la caméra au logiciel ce qui pose un problème pratique et annihile forcement le feedback immédiat.
 
Face à tous ces écueils, le but de l’étude présentée début 2015 dans le Journal of Sports Science [1] fut d’analyser la validité et fiabilité de la mesure de la détente verticale au travers d’une application spécifique créée pour l’iPhone (Apple) et nommée « My Jump ». Vingt étudiants en science du sport (âge=22,1 ± 3,6 années), de sexe masculin, de taille (1,81 ± 0,08 m) et de masse corporelle (74,0 ± 10,4 kg) furent recrutés pour l’étude. Ces derniers firent un échauffement standardisé de 10min (footing, étirement dynamiques du membre inférieur et sauts verticaux) puis chaque participant réalisa 5 CMJ (contre mouvement jump) sur une plateforme de force (Kister®) tout en étant filmé par un iPhone 5s. Tous les sujets avaient une expérience du CMJ et chaque saut fut séparé d’une récupération passive de 2 min. L’application testée « My Jump », qui fut développée ad hoc pour l’étude, calculait le temps de vol du CMJ (par identification des phases de décollage et d’atterrissage sur la vidéo de l’application) et le transformait en hauteur de saut par l’équation décrite dans la littérature h : t2 x 1:22625 (Bosco, Luhtanen, & Komi, 1983). La même équation était utilisée pour la plateforme de force.
 
Les résultats montrent un accord presque parfait entre les résultats de l’application « My Jump » et ceux trouvés par la plateforme de force (ICC = 0,997, IC à 95%: 0,996 à 0,998, P <0,001) pour les deux observateurs, avec une différence moyenne de 1,1 ± 0,5 cm (observateur 1) et 1,3 ± 0,5 cm (observateur 2) entre les instruments de mesure. Les valeurs de « My Jump » étant significativement plus faibles que celles obtenues avec la plate-forme de force (P <0,05).
 
Compte tenu de ce résultat, la précision de mesure de l’application (environ 8.9 ms de temps de vol ou 1.2 cm de hauteur de saut de différence) comparée à des outils bien plus coûteux en temps et argent suggère une utilisation plus qu’intéressante de cet outil. De plus, l'évolution rapide des nouvelles technologies suggère que, dans un avenir proche, les smartphones posséderont des caméras avec des fréquences d'enregistrement encore plus élevées et qui permettront de réduire l'erreur de mesure de « My Jump ». L’iPhone 6 avec une caméra de 240 images par seconde a déjà fait le pas vers une technologie portative encore plus précise et accessible au grand public.
 
Certes, il est important de comprendre que les valeurs données par cette application proviennent d’équations de régression et ne donnent pas des résultats d’une précision absolue. Cependant, et comme l’a montré cette étude, ces résultats sont fiables et valides pour un même sujet et peuvent être obtenus par tout le monde sans connaissance préalable en ingénierie et méthodologie expérimentale. Cette facilité d’accès associée à une portabilité inégalable en fait un outil plus que prometteur. Peut-être moins utilisé au très haut niveau, il le sera en tout cas sûrement beaucoup pour tous nos patients sportifs au cabinet ou en club. Cela permet de réaliser, en association ou non avec d’autres tests spécifiques et généraux, un bilan initial, intermédiaire ou final chiffré, simple et significatif d’un état physique à un moment donné.
 
Et si vous êtes malheureusement sur Android ou ne possédez de matériel technique, le Sargent test reste toujours un classique et reste le test le moins cher à l’heure actuelle: positionnez-vous à 30cm d'un mur, pieds joints, talons au sol, l'extrémité des doigts enduite de craie. Avec le bras en extension, faites une première marque sur le mur puis en prenant une impulsion ou non (départ genoux fléchis), mains sur les hanches ou non, sautez le plus haut possible. Simultanément, faite une deuxième marque de craie le plus haut que vous pouvez. Réalisez trois sauts (repos de 1mn entre chaque) et garder la meilleure hauteur. La détente verticale sera donnée en soustrayant la hauteur de la première marque à la deuxième. Comme quoi, quand on le veut, y a toujours un moyen de faire des mesures …
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Carlos Balsalobre-Fernández, Mark Glaister & Richard Anthony Lockey (2015): The validity and reliability of an iPhone app for measuring vertical jump performance, Journal of Sports Sciences, DOI: 10.1080/02640414.2014.996184