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L’affaissement de l’arche médiale longitudinale et muscles intrinsèques du pied

Par Pierre Moitry.
Mulligan EP, Cook PG. Effect of plantar intrinsic muscle training on medial longitudinal arch morphology and dynamic function. Manual therapy, 2013;18:425-430.



Introduction
 
L’affaissement de l’arche médiale longitudinale (AML) du pied traduit souvent une pronation excessive. C’est un déficit fréquemment retrouvé dans de nombreux états pathologiques du membre inférieur,  parmi lesquels on peut citer : la fasciite plantaire, le syndrome fémoro-patellaire, la tendinopathie du tibial postérieur, la tendinopathie achilléenne, et le syndrome de surmenage du tibial antérieur/postérieur. L’AML est supportée par un système actif et un système passif. Le support actif comprend le tibial antérieur et postérieur, le long fibulaire, et les muscles intrinsèques du pied (MIP). La plupart des interventions thérapeutiques ciblent les muscles extrinsèques pour stabiliser l’AML. Peu d’études se sont intéressées au rôle des MIP comme stabilisateur de l’AML.

Des études précédentes ont montré qu’une altération ou un déficit des MIP modifiait la hauteur de naviculaire et le contour de l’AML (Fiolkowski et al. 2008 : bloc nerf tibial => diminution de l’activité EMG de l’abducteur de l’hallux => augmentation du navicular drop ; Headlee et al. 2008 : fatigue induite par l’exercice des MIP => augmentation du navicular drop).
 
Le SFE (Short Foot Exercise) :
-       est un exercice recommandé pour améliorer le contrôle neuromusculaire et la force des MIP ( Greenman, 2003 ; Rothermel et al. 2004…),
-       est un moyen efficace de recruter l’abducteur de l’hallux (recrutement à 45% d’une contraction isométrique volontaire maximale si le sujet est assis et à 73% d’une contraction isométrique volontaire maximale si le sujet est debout. Jung et al. 2011).
 



L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact de 4 semaines de renforcement musculaire des MIP (via le SFE) sur le système actif de support de l’AML, et de déterminer la possibilité d’un transfert sur le contrôle dynamique lors d’activités fonctionnelles.
 
Matériel et méthode
  • Population
N = 21 ; 3 ♂ / 18  ♀. Age moyen = 26,1 ± 3,7 ans
Nombre d’entraînements (SFE) par semaine : 5,94
Critères d’exclusion :
-       signes de douleur au pied,
-       antécédent de syndrome fémoro-patellaire, fasciite plantaire, dysfonction du tibial antérieur ou postérieur, maladie neurologique qui pourrait affecter la fonction motrice au cours des 6 derniers mois.
  • Evaluations
-         Evaluation du navicular drop (ND)
-         Evaluation d’un index de hauteur de l’arche (IHA
-         Test de la musculature intrinsèque du pied (TMIP)
-         Star excursion balance test (SEBT)
  • Traitement
-         Session d’apprentissage à la réalisation correcte de l’exercice (sans compensation via les extrinsèques),
-         trois minutes de SFE (environ 30 répétitions avec un temps de maintien de 5 secondes) chaque jour pendant 4 semaines,
-         progression : assis, bipodal, unipodal (généralement atteint à 19 jours en moyenne).
 
 
Résultats
 
Initialement, les sujets avaient un ND de 12,7 mm ± 6 mm. Après 4 semaines de travail, le ND est de 10,9 mm ± 5.5 (p = 0,04) et 10,5 mm ± 5,7 mm à 8 semaines (p = 0,01). Il n’y a pas de différence significative entre le ND à 4 et 8 semaines, alors que l’entraînement avait cessé.
L’IHA et le TMIP ont également été significativement amélioré (p < 0,05) et les résultats à 8 semaines étaient maintenus.
La distance atteinte lors du SEBT était augmentée pour toutes les directions sauf la direction antérieure (p = 0,075).
 
Discussion
 
Les résultats indiquent que ce programme d’entraînement a un impact bénéfique sur le ND, l’IHA, la fonction des MIP en position statique et en équilibre dynamique, dans une population asymptomatique.
 
Ces résultats significatifs peuvent être obtenus en peu de temps (4 semaines) et se maintenir au moins 4 semaines après l’arrêt de l’entraînement.
 
La pertinence clinique de ces modifications reste à établir (problème de Standard error measurment + minimal detectable change).
 
Dans cette étude, les sujets étaient asymptomatiques, et les valeurs du ND allaient de 0 à 21 mm. Une analyse post hoc révèle que l’entraînement a eu un effet plus important chez les sujets qui avaient initialement un ND supérieur à 15mm, en comparaison avec ceux qui avaient un ND < 15mm (un ND supérieur à 15 mm est admis comme étant anormal ou excessif). Le changement moyen de ND chez les sujets était de 2 mm, mais quasiment de 6 mm chez les sujets ayant un ND initialement excessif (> 15 mm).
 
Les résultats de cette étude suggèrent également que l’entraînement via le SFE va avoir un impact sur la stratégie de recrutement (augmentation du travail des MIP) lors de la position statique et de l’équilibre dynamique.
 
Bien que les sujets aient été invités à minimiser l’activité des extrinsèques du pied lors des séances d’exercices, il est possible qu’une meilleure activation du tibial postérieur et des fibulaires ait permis un meilleur contrôle de la sub-talaire et donc une amélioration de l’équilibre dynamique.
 
  • Limites
-     faible échantillon
-     sujets asymptomatiques
  • Perspectives
Etudier l’impact du renforcement de la musculature intrinsèque du pied chez des sujets pathologiques pour savoir si les changements de la morphologie de la MLA sont corrélés à la diminution de la douleur ou à l’amélioration de la fonction.
 
Cette étude pilote suggère qu’il est possible de modifier certaines compensations structurelles et incapacités fonctionnelles communément associées avec de nombreux états pathologiques du membre inférieur.