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L’ECHOGRAPHIE EN THERAPIE DU SPORT



Au delà du système musculo-squelettique – Partie 1
 
L’utilisation de l’échographie par des professionnels non radiologues n’est pas nouvelle mais son expansion dans la médecine sportive reste relativement jeune. Cette utilisation assez largement étendue dans de nombreux pays vient de s’ouvrir, comme cela n’a pas du vous échapper, aux kinésithérapeutes français :
http://www.kinesport.info/Echographie-musculo-squelettique-et-kinesitherapie_a2099.html?TOKEN_RETURN.
 
L’échographie a été largement utilisée pour évaluer le système musculo-squelettique, particulièrement pour les blessures musculaires, tendineuses et osseuses. Cependant, en tant que praticiens de la médecine du sport, nous sommes responsables de la prise en charge du sportif dans son ensemble. Ainsi, il existe de nombreuses applications de l’échographie, autres que musculo-squelettiques pour l’évaluation et/ou le traitement du sportif.

L’article présenté aujourd’hui et publié en 2015 dans le BJSM, met en évidence l’utilisation de l’échographie pour le diagnostic pulmonaire, cardiaque, abdominal, oculaire et des organes pleins  
 
L’échographie est aujourd’hui un élément indispensable de la médecine sportive moderne.  Elle a ainsi évolué dans de nombreuses spécialités telles que la médecine d’urgence, la chirurgie, l’ophtalmologie, la cardiologie et l’orthopédie [1,10]. Ces champs d’applications assez larges offrent de grandes possibilités d’utilisation de l’échographie en médecine sportive.

Dans cet article, les auteurs examinent 6 indications non musculo-squelettiques de l’échographie pour un médecin du sport.  Nous présenterons dans cette première partie les 3 premières indications. 

1. Examen échographique après traumatisme

Les traumatismes abdominaux fermés ne sont pas rares dans les sports de contact. En traumatologie, le bilan échographique s’est fortement développé permettant une évaluation rapide et ciblée de ces traumatismes : Focused Assessment with Sonography for Trauma (FAST) [11].
L’objectif du FAST est d’identifier le sang dans le péritoine. Le saignement peut provenir d’une atteinte de n’importe quel organe même si le saignement est souvent le résultat d’un traumatisme de la rate et/ou du foie. Tout résultat positif lors du FAST dans le cadre d’un traumatisme et d’une hypotension suggère qu’une chirurgie peut être nécessaire [11-18].

L’examen FAST se réalise en 4 fenêtres distinctes, dans un ordre précis permettant de déterminer si du liquide libre est présent.
L’opérateur identifie dans un premier temps le récessus hépato-rénal ou poche de Morison (fig.1).
 

Une fois que l’interface est identifiée, l’opérateur recherche une accumulation de liquide libre (liquide qui apparaît noir ou anéchogène contrairement au gris/blanc retrouvé pour les organes pleins. Chez le sportif en bonne santé, une accumulation de liquide noir peut indiquer un saignement aigu (fig.2)

Le fluide peut s’accumuler vers le pôle inférieur du rein dans la gouttière pariéto-colique. Le processus est répété sur le côté gauche du patient en regard du récessus spléno-rénal (fig.3). 

La troisième fenêtre est la région sus-pubienne sur la symphyse pubienne. L’objectif est d’identifier les parois d’une vessie pleine et de rechercher les fluides environnants libres. L’opérateur tient la sonde dans un plan transversal. La paroi de la vessie est facilement identifiable. La paroi extérieure de la vessie ne sera visible que si du fluide est libre : signe de la double paroi de la vessie. 

La dernière étape du FAST consiste à rechercher du liquide péricardique. La sonde est placée dans l’espace sous-xiphoïdien et dirigée de façon céphalique (fig.5). L’objectif est d’identifier le ventricule droit du cœur juxtaposé au lobe gauche du foie.
 
Bien que le FAST soit généralement utilisé pour identifier les patients des services d’urgence nécessitant une intervention chirurgicale, son utilisation paraît évidente. Réaliser un diagnostic rapide et précis peut permettre une orientation dans le service adéquate plus ciblée et rapide. 

2. Blessures des organes pleins

Les lésions des organes pleins se produisent chez les athlètes de sport de contact et dans les sports extrêmes. La lésion d’un organe plein peut être détectable avec une échographie bien que son utilisation soit un peu limitée.
 
Des atteintes du foie, de la rate et des reins peuvent être identifiée par une collection de fluide noire (hypoéchogène). Les contusions au foie et à la rate peuvent apparaître comme des collections liquidiennes hypoéchogène non homogènes. La sensibilité de l’échographie restant cependant faible, il sera nécessaire de faire une imagerie d’appoint (scanner ou IRM) en cas de suspicion d’une lésion d’un organe [19].
 
3. Mononucléose

La mononucléose infectieuse est connue comme pouvant provoquer un arrêt des activités sportives sur une longue période.  L’une des principales complications de la mononucléose infectieuse est la splénomégalie : hypertrophie de la rate.
 
La rate joue un rôle essentiel dans la filtration du sang et le renouvellement des leucocytes. Lors d’une mononucléose, la quantité de leucocytes va être importante sollicitant fortement la rate. En cas de choc, le risque de rupture de la rate sera élevé en raison de l’hypertrophie de la rate et donc de la mise en tension des tissus. Il sera donc important de ne pas pratiquer de sports de contact durant toute la durée de la maladie.
 
L’échographie permet de quantifier la splénomégalie et à l’avenir pourra être utilisée comme un outil pronostic pour déterminer quand un athlète pourra ou non à une reprise des activités sportives.
 
Les mesures normatives de la rate chez les hommes et les femmes sportives ont été documentées chez des populations de jeunes adultes atteints d’une mononucléose. En moyenne, la taille de la rate était de 10,7cm (± 1,6cm). Toutefois, la taille varie selon le sexe et l’origine.  Chez les athlètes masculins, la rate a une longueur moyenne de 11,3cm (±1,5cm) et de 9,9cm (±1,3cm) chez les femmes. Chez les hommes de grande taille (>183cm), la rate peut prendre 0,2cm pour chaque pouce supplémentaire (1 pouce = 2,54cm) et 0,1 cm chez les femmes de plus de 168cm [20].
Pendant une mononucléose, la taille de la rate augmente de 33% avec des pics entre 2 et 3,5 semaines post-infection. A terme, les recherches futures vont pouvoir affiner, par l’échographie, les mesures normatives de la rate et ainsi donner un indicateur fiable pour le retour à l’activité [21].
 
Par Erwann Le Corre
 
Article original :
Berkoff DJ, et al. Sports medicine ultrasound (US) beyond the musculoskeletal system: use in the abdomen, solid organs, lung, heart and eye. Br J Sports Med 2015;49:161–165. doi:10.1136/bjsports-2014-094238

Bibliographie :
1 Aironi VD, Gandage SG. Pictorial essay: B-scan ultrasonography in ocular abnormalities. Indian J Radiol Imaging 2009;19:109–15.
2 Goel RS, Goyal NK, Dharap SB, et al. Utility of optic nerve ultrasonography in head injury. Injury 2008;39:519–24.
3 Bahner D, Blaivas M, Cohen HL, et al. AIUM practice guideline for the performance of the focused assessment with sonography for trauma (FAST) examination. J Ultrasound Med 2008;27:313–18.
4 Rozycki GS, Ochsner MG, Schmidt JA, et al. A prospective study of surgeon-performed ultrasound as the primary adjuvant modality for injured patient assessment. J Trauma 1995;39:492–8; discussion 8–500.
5 Bianchi S, Martinoli C, Demondion X. Ultrasound of the nerves of the knee region: technique of examination and normal US appearance. J Ultrasound 2007;10:68–75.
6 De Conti G, Marchioro U, Dorigo A, et al. Percutaneous ultrasound-guided treatment of shoulder tendon calcifications: clinical and radiological follow-up at 6 months. J Ultrasound 2010;13:188–98.
7 Flecca D, Tomei A, Ravazzolo N, et al. US evaluation and diagnosis of rupture of the medial head of the gastrocnemius (tennis leg). J Ultrasound 2007;10:194–8.
8 Precerutti M, Garioni E, Madonia L, et al. US anatomy of the shoulder: pictorial essay. J Ultrasound 2010;13:179–87.
9 Razek AA, Fouda NS, Elmetwaley N, et al. Sonography of the knee joint. J Ultrasound 2009;12:53–60.
10 Smith J, Finnoff JT. Diagnostic and interventional musculoskeletal ultrasound: part 2. Clinical applications. PM R 2009;1:162–77.
11 Rozycki GS, Knudson MM, Shackford SR, et al. Surgeon-performed bedside organ assessment with sonography after trauma (BOAST): a pilot study from the WTA Multicenter Group. J Trauma 2005;59:1356–64.
12 Craig S, Egerton-Warburton D, Mellett T. Ultrasound use in Australasian emergency departments: a survey of Australasian College for Emergency Medicine Fellows and Trainees. Emerg Med Australas 2014;26:268–73.
13 Soyuncu S, Cete Y, Bozan H, et al. Accuracy of physical and ultrasonographic examinations by emergency physicians for the early diagnosis of intraabdominal haemorrhage in blunt abdominal trauma. Injury 2007;38:564–9.
14 Melniker LA, Leibner E, McKenney MG, et al. Randomized controlled clinical trial of point-of-care, limited ultrasonography for trauma in the emergency department: the first sonography outcomes assessment program trial. Ann Emerg Med 2006;48:227–35.
15 Blackbourne LH, Soffer D, McKenney M, et al. Secondary ultrasound examination increases the sensitivity of the FAST exam in blunt trauma. J Trauma 2004;57:934–8.
16 Bode PJ, Edwards MJ, Kruit MC, et al. Sonography in a clinical algorithm for early evaluation of 1671 patients with blunt abdominal trauma. AJR Am J Roentgenol 1999;172:905–11.
17 Lentz KA, McKenney MG, Nuñez DB Jr, et al. Evaluating blunt abdominal trauma: role for ultrasonography. J Ultrasound Med 1996;15:447–51.
18 Ma OJ, Mateer JR, Ogata M, et al. Prospective analysis of a rapid trauma ultrasound examination performed by emergency physicians. J Trauma 1995;38:879–85.
19 Poletti PA, Platon A, Becker CD, et al. Blunt abdominal trauma: does the use of a second-generation sonographic contrast agent help to detect solid organ injuries? AJR Am J Roentgenol 2004;183:1293–301.
20 Hosey RG, Mattacola CG, Kriss V, et al. Ultrasound assessment of spleen size in collegiate athletes. Br J Sports Med 2006;40:251–4.
21 Hosey RG, Kriss V, Uhl TL, et al. Ultrasonographic evaluation of splenic enlargement in athletes with acute infectious mononucleosis. Br J Sports Med 2008;42:974–7.