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Intérêt de l’échographie dans le suivi rééducatif chez le jeune athlète



Introduction
 
Les pathologies microtraumatiques de l’enfant sportif font partie des consultations fréquentes en médecine générale. La maladie d’Osgood Schlatter est une cause fréquente de douleurs antérieures du genou chez l’enfant de 10 à 15 ans. Elle touche environ 4% des jeunes adolescents et 20% des adolescents sportifs.

La maladie d’Osgood Schlatter est une apophysite de croissance de la tubérosité tibiale antérieure (TTA). La pathogenèse de cette atteinte reste relativement floue. La fragmentation du centre d’ossification de la TTA comme signe définitif d’une maladie d’Osgood Schlatter ne fait plus à ce jour consensus, cette dernière étant considérée comme le développement normal de la TTA.
La fracture/arrachement de la TTA reste relativement rare, elle demeure cependant le résultat assez fréquent de la non prise en compte de la souffrance de la TTA lors d’une maladie d’Osgood Schlatter. Dans la plupart des cas, l’évolution de cette atteinte est de bon pronostic et les complications à l’âge adulte sont relativement faibles.

Cependant, l’arrêt sportif consécutif à cette atteinte d’une durée bien souvent non connue et parfois longue (1 an voir plus), s’avère être un problème majeur dans l’évolution optimale du jeune sportif, et dans sa maturation en tant qu’athlète.

Un suivi précis et objectif de ce type de pathologie semble nécessaire pour limiter les effets néfastes de l’arrêt sportif, et les effets quelquefois catastrophiques d’une reprise trop précoce.

Dans ce cadre, la mise en corrélation de la douleur du jeune sportif et l’état histologique réel de l’insertion tendineuse du tendon patellaire nous semblent intéressants.
 
Une étude de Sailly et al. publiée en 2013 dans le BJSM s’est proposée d’étudier la corrélation possible entre les douleurs des jeunes athlètes souffrant d’une maladie d’Osgood Schlatter et la maturation de la tubérosité tibiale antérieure lors d’une analyse à l’échographie doppler.

L’étude a été effectuée durant une période de un an, sur une population de 20 athlètes d’une moyenne d’âge de 13,8 ans. Ce groupe dit symptomatique d’une maladie d’Osgood Shlatter (OS), fut comparé à un groupe témoin dit asymptomatique de 68 adolescents d’une moyenne d’âge de 12,4 ans, dont 35 faisaient partie de la même académie sportive. 
Les deux groupes étaient comparés selon deux modalités.

Tout d’abord, sur des investigations cliniques, qui avaient pour but de quantifier la douleur à l’aide de l’échelle VAS (Visual Analogue Pain Scale) lors d’un test de palpation, de contraction résistée du quadriceps et lors d’un single leg squat.

La réalisation d’une échographie permettait de visualiser le stade de maturation de la tubérosité tibiale antérieure (stade 1 à 4, figure ci-dessous), et l’investigation doppler permettait de rendre compte de l’activité vasculaire.

Plusieurs résultats de cette étude attirent notre attention et pourront être pris en compte dans l’optique d’un suivi de prise en charge de jeunes sportifs présentant une maladie d’Osgood Schlatter à l’aide de l’échographie-doppler.

Tout d’abord, sur les 68 sujets asymptomatiques, aucun ne présente une activité doppler positive, au contraire du groupe symptomatique où 50% ont une activité doppler répertoriée (image ci-dessous).

L’étude nous montre également qu’il existe une corrélation statistiquement significative entre la présence d’une activité doppler positive, et des douleurs plus importantes lors de la palpation et lors de la contraction résistée du quadriceps, chez les sujets symptomatiques. Cette corrélation n’est cependant pas retrouvée lors du single leg squat.
 
Intérêt de l’échographie dans le suivi rééducatif chez le jeune athlète

Un point important à prendre en considération est la composition intra-groupe dans le groupe symptomatique lui- même. En effet, on se rend compte que 90% des sujets avec un doppler positif ont une maturation de la TTA de stade 2 et seulement un seul de stade 3. En comparaison, les sujets symptomatiques mais avec une activité doppler négative présentent dans 70% des cas une maturation de la TTA de stade 3, un seul sujet présentant un stade 1.

Cette donnée  importante  doit être interprétée lorsque l’on regarde la relation entre le degré de maturation de la TTA et les douleurs répertoriées à la VAS. L’étude montre en effet qu’il existe une corrélation entre le degré de maturation de la TTA et les douleurs à la palpation et la contraction résistée du quadriceps. En d’autres termes, plus le sujet se rapproche d’une TTA mature, moins les douleurs sont importantes (figures ci-dessous).

Notons que plus de 50% des sujets asymptomatiques présentent un stade 1 de maturation, mais comme nous l’avons dit, une activité doppler négative.
 
L’étude nous montre donc que les douleurs reportées par les sujets avec une TTA symptomatique, sont plus importantes lorsqu’il est retrouvé une activité doppler lors de l’échographie.

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces phénomènes. Tout d’abord, le développement de néo vaisseaux est associé avec la prolifération de fibres nerveuses dans la zone, qui pourraient être responsables de la génération de la douleur.

Ensuite, l’hypothèse d’une maturation comparable entre l’enthèse fibro-cartilagineuse et la plaque de croissance épiphysaire est avancée. En effet, on retrouve la présence de VEGF (vascular endothelial growth factor) au niveau de la plaque de croissance épiphysaire, facteur de croissance qui est lui-même régulé par les chondrocytes hypertrophiques qui résultent des forces de compression. Les vaisseaux sanguins issus de la métaphyse tibiale, envahissent le cartilage hypertrophique et permettent à des phagocytes d’accéder aux chondrocytes hypertrophiques morts d’apoptose pour éliminer les restes. Les ostéoblastes peuvent alors venir déposer de la MEC osseuse le long des travées résiduelles de cartilage calcifié.

Cette néo-vascularisation qui permet de déterminer le stade de croissance de la TTA peut être visualisée à l’aide de l’échographie.
L’augmentation des forces de compression, favorisant la production de VEGF permettrait d’expliquer la symptomatologie retrouvée lors de cette étude, où la palpation et la contraction contre résistées (force de compression) sont douloureuses comparativement au single leg squat. L’attache du tendon patellaire de l’adolescent ne se faisant pas uniquement au niveau de la tubérosité tibiale, mais aussi au niveau du périoste de la métaphyse adjacente, font que la TTA est principalement soumise à des forces de compression et non de traction.
Cette hypothèse pouvant expliquer le succès du repos dans le traitement de la maladie d’OS en diminuant la production de VEGF, et ainsi en prévenant le tendon d’une invasion de néo-vaisseaux.
 
Conclusion
 
L’étude conclut en expliquant que l’échographie doppler permet dans le cadre du diagnostic et du management de la maladie d’Osgood Schlatter d’aider le praticien à déterminer sa stratégie thérapeutique.

En effet, la visualisation à l’échographie doppler des différents stades de maturation, permettra de choisir la stratégie adéquate. Il sera donc possible de prescrire de façon plus explicite le repos chez un sportif ayant un stade 2 (néo-vaisseaux à l’échographie doppler), pour limiter ainsi les forces de compression et limiter l’invasion vasculaire de la zone. Cependant, il sera possible de modifier la charge d’entraînement chez les sujets avec un stade 3 et 4, ce qui permettra de limiter les pertes athlétiques issues de l’arrêt de l’entraînement.
Nous pouvons donc dire, au regard des différentes études et en particulier de celle de Sailly et al., que l’utilisation de l’échographie et du doppler permettent d’une part de diagnostiquer de manière plus précise des TTA symptomatiques, mais aussi de permettre un suivi dans le temps de l’évolution de la maturation de cette dernière. 
 
Germain Saniel
Article de référence : Matthieu Sailly, Rod Whiteley, Amanda Johnson, Doppler ultrasound and tibial tuberosity maturation status predicts pain in adolescent male athletes with Osgood-Schlatter’s disease: a case series with comparison group and clinical interpretation, Br J Sports Med 2013;47:93–97.
 
Bibliographie
 
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