Il est suggéré qu’environ 30 à 75 % des sportifs ayant eu une entorse à la cheville ont, à long terme, une déficience résiduelle de l’articulation à travers des symptômes comme des douleurs séquellaires, œdèmes persistants, sentiment de cheville qui se dérobe ou mouvements anormaux pour les cas les plus graves [1]. Appelées « chevilles laxes » ou « instables », ces dernières sont regroupées cliniquement dans le terme général d’« instabilité chronique de cheville » [2].
Pour rappel, la laxité chronique de cheville se réfère à des amplitudes non physiologiques de l’articulation talo-crurale souvent causées par des changements structurels du tissu ligamentaire, synovial ou capsulaire et ce, de manière traumatique ou dégénérative. Cette laxité se mesure objectivement par la radiographie ou un bilan clinique standardisé (quick sKan de Kinésport). L’instabilité, quant à elle, se réfère à une sensation perçue subjectivement par le sportif (dérobement, manque de confiance…) pendant les activités quotidiennes ou sportives et peut être évaluée et quantifiée avec des questionnaires validés tels que par exemple, le questionnaire Cumberland (ACPI) [3].
Il a été démontré qu'il existe une relation entre laxité et instabilité suggérant qu'une instabilité peut être primairement liée à une atteinte anatomique nuisant mécaniquement à la stabilisation fonctionnelle de la cheville [4]. Cependant, il est important de noter qu’une instabilité peut se déclarer sans laxité et réciproquement.
Il a été démontré qu'il existe une relation entre laxité et instabilité suggérant qu'une instabilité peut être primairement liée à une atteinte anatomique nuisant mécaniquement à la stabilisation fonctionnelle de la cheville [4]. Cependant, il est important de noter qu’une instabilité peut se déclarer sans laxité et réciproquement.
Le but de l’étude allemande présentée ci-dessous [5] était d'évaluer si les individus avec une laxité (AMI) ont des difficultés à stabiliser leur cheville dans une situation mécanique proche de la blessure comparativement à ceux ayant une instabilité (FAI) ou n’ayant jamais eu d’entorse (sujets sains).
La cinématique de l’articulation de la cheville a été évaluée au moyen d’une analyse tridimensionnelle du mouvement (Vicon Motion Systems) et le contrôle neuro-musculaire par électromyographie (tibial antérieur/long fibulaire) chez un panel de 46 participants : ceux ayant à la fois une instabilité et une laxité (n = 19), ceux ayant une instabilité isolée (n = 9) et ceux n’ayant jamais eu d’épisode d’entorse et considérés comme le groupe contrôle (n = 18). Des situations proches du mécanisme lésionnel ont été simulées en appui unipodal debout (1), à la marche (2) et sur des sauts verticaux (3) à l’aide d’une plate-forme instable faite sur mesure et intégrée dans un tapis de marche.
Résultats :
Les sujets ayant conjointement une laxité et instabilité ont affiché une amplitude maximale d’inversion de la cheville (+5 °) et des vitesses d'inversion (+50 °/ s) nettement plus importantes dans les conditions de marche et de saut par rapport à ceux avec une instabilité isolée ou les sujets sains. De plus, ces premiers ont montré une diminution significative de la pré-activation du muscle long fibulaire pendant l’activité de saut par rapport à ceux avec l’instabilité isolée. Pas de différences entre les groupes ont été trouvées pour l’amplitude de flexion plantaire et de rotation interne, ou pour l’activité musculaire du tibial antérieur à la suite de la bascule de la plate-forme.
Les sujets ayant conjointement une laxité et instabilité ont affiché une amplitude maximale d’inversion de la cheville (+5 °) et des vitesses d'inversion (+50 °/ s) nettement plus importantes dans les conditions de marche et de saut par rapport à ceux avec une instabilité isolée ou les sujets sains. De plus, ces premiers ont montré une diminution significative de la pré-activation du muscle long fibulaire pendant l’activité de saut par rapport à ceux avec l’instabilité isolée. Pas de différences entre les groupes ont été trouvées pour l’amplitude de flexion plantaire et de rotation interne, ou pour l’activité musculaire du tibial antérieur à la suite de la bascule de la plate-forme.
Face à ces résultats de l’étude, plusieurs points peuvent être relevés. Tout d'abord, les sujets avec une laxité chronique ont été exposés à une augmentation plus rapide de l’amplitude et de la vitesse d’inversion de la cheville par rapport aux deux autres groupes (instabilité et sain) et en particulier dans le test le plus dynamique (saut) qui est le plus proche des conditions patho-mécaniques de l’entorse. Cela implique que cet affaiblissement mécanique peut déstabiliser complétement le complexe de la cheville et en conséquence, cela pourrait rendre les récurrences d’entorses plus fréquentes.
Ces résultats sont en adéquation avec les études antérieures montrant que la laxité peut être associée à une augmentation de l’inversion de la cheville [6-7]. Cependant, alors que la plupart des études précédentes ont analysé la cinématique de l’articulation pendant la marche normale, la course ou le saut sur des surfaces stables, les résultats de la présente étude soulignent le fait que les personnes ayant une laxité semblent avoir une inversion de cheville augmentée et plus rapide dans un situation proche du mécanisme d’entorse.
Comme il a été clairement démontré que l'inversion excessive de la cheville est une composante essentielle des entorses latérales de la cheville [8], il devrait être bénéfique chez les personnes laxes de restreindre l’inversion de la cheville par une contention externe [9], voir la chirurgie, ce qui pourrait compenser les déficits mécaniques. En outre, les résultats présentés ici suggèrent que la laxité elle-même affecte en fin de compte le contrôle neuro-musculaire de la cheville indépendamment de la déficience fonctionnelle perçue.
Comme il a été clairement démontré que l'inversion excessive de la cheville est une composante essentielle des entorses latérales de la cheville [8], il devrait être bénéfique chez les personnes laxes de restreindre l’inversion de la cheville par une contention externe [9], voir la chirurgie, ce qui pourrait compenser les déficits mécaniques. En outre, les résultats présentés ici suggèrent que la laxité elle-même affecte en fin de compte le contrôle neuro-musculaire de la cheville indépendamment de la déficience fonctionnelle perçue.
Ensuite, l’étude démontre que seuls les paramètres d'inversion de la cheville étaient différents entre les sujets avec laxité et les autres. Ceci est très intéressant puisque l'imitation du mécanisme entorse déclenchée par la plateforme électronique a également entraîné une forte composante de flexion plantaire et de rotation interne (jusqu’à 450 °/s). Par conséquent, il est soutenu dans cette étude que c'est principalement la stabilisation articulation de la cheville dans le plan frontal qui semble être compromise dans la laxité chronique, qui résulte alors probablement d'une fonction structurale compromise du plan ligamentaire latéral de la cheville.
Enfin, la troisième information non négligeable que nous apporte cette expérience est que, par rapport aux sujets sains, les personnes ayant une instabilité pure n’avait pas de modification de l’activité musculaire du long fibulaire et du tibial antérieur avant et pendant le mécanisme d’entorse créé par la plateforme. Cela semble surprenant, car il est généralement admis que l’instabilité de cheville est associée à des déficiences dans le contrôle neuromusculaire et donc dans le mécanisme de pro-activation sensori-motrice.
Par conséquent, les données présentées ici ne supportent pas l'hypothèse que l’instabilité peut être associée à une capacité neuromusculaire altérée dans le contrôle de l'articulation de la cheville au cours de situations mécaniquement stressantes. Ceci est en contraste avec les conclusions d'études antérieures montrant un affaiblissement de la capacité de pré-activation du long fibulaire chez les personnes atteintes d’instabilité lors de réceptions de saut sur une surface plate.
Cependant, elle soutient les résultats d'un travail publié récemment qui n'a montré aucune différence concernant l’activité neuromusculaire du long fibulaire sur la réception d’un saut sur un plan incliné [10]. Par conséquent, il est ici suggéré que les personnes ayant une instabilité ne peuvent pas activer correctement leur muscle long fibulaire au cours d’une situation non réellement stressante pour la cheville [10]. Seules les situations qui pourraient être potentiellement dangereuses mèneraient à une activation appropriée de ce muscle. Ainsi, il peut être soutenu que l’instabilité est associée à un déficit neuromusculaire présent dans un état spécifique de sensibilisation. Ces types de sujets peuvent alors inconsciemment ne pas être en mesure de décider de manière adéquate si la situation mérite une pré-activation du long fibulaire et ils risquent par conséquent de ne pas sélectionner l’engramme approprié pour déclencher rapidement une stratégie de défense neuromusculaire.
Néanmoins, restons positifs ! Ces résultats indiquent que les personnes ayant une instabilité ont en principe la possibilité d'activer leur muscle en cas de besoin. Reste juste à reprogrammer tout cela par des situations réellement stressantes pour la cheville et non par des situations standardisées à base de quelques sauts sur des tapis en mousse… De même, les résultats diffèrent dans les situations dynamiques de marche et de saut. Il faudra donc privilégier dans la rééducation les situations dynamiques plutôt que statiques autant que possible et par voie de conséquence, privilégier à l’avenir les conditions expérimentales dynamiques pour élucider davantage le mystère de l'instabilité chronique de cheville.
Par conséquent, les données présentées ici ne supportent pas l'hypothèse que l’instabilité peut être associée à une capacité neuromusculaire altérée dans le contrôle de l'articulation de la cheville au cours de situations mécaniquement stressantes. Ceci est en contraste avec les conclusions d'études antérieures montrant un affaiblissement de la capacité de pré-activation du long fibulaire chez les personnes atteintes d’instabilité lors de réceptions de saut sur une surface plate.
Cependant, elle soutient les résultats d'un travail publié récemment qui n'a montré aucune différence concernant l’activité neuromusculaire du long fibulaire sur la réception d’un saut sur un plan incliné [10]. Par conséquent, il est ici suggéré que les personnes ayant une instabilité ne peuvent pas activer correctement leur muscle long fibulaire au cours d’une situation non réellement stressante pour la cheville [10]. Seules les situations qui pourraient être potentiellement dangereuses mèneraient à une activation appropriée de ce muscle. Ainsi, il peut être soutenu que l’instabilité est associée à un déficit neuromusculaire présent dans un état spécifique de sensibilisation. Ces types de sujets peuvent alors inconsciemment ne pas être en mesure de décider de manière adéquate si la situation mérite une pré-activation du long fibulaire et ils risquent par conséquent de ne pas sélectionner l’engramme approprié pour déclencher rapidement une stratégie de défense neuromusculaire.
Néanmoins, restons positifs ! Ces résultats indiquent que les personnes ayant une instabilité ont en principe la possibilité d'activer leur muscle en cas de besoin. Reste juste à reprogrammer tout cela par des situations réellement stressantes pour la cheville et non par des situations standardisées à base de quelques sauts sur des tapis en mousse… De même, les résultats diffèrent dans les situations dynamiques de marche et de saut. Il faudra donc privilégier dans la rééducation les situations dynamiques plutôt que statiques autant que possible et par voie de conséquence, privilégier à l’avenir les conditions expérimentales dynamiques pour élucider davantage le mystère de l'instabilité chronique de cheville.
Pour mettre un point final à cet article, résumons ceci : quand il s’agit d’une laxité réelle isolée, la rééducation neuro-sensori-motrice à un effet très relatif et le port d’une contention externe pendant les matchs peut être la meilleure option. Dans la balance de compromis qu’est le sport de haut niveau, il s’agira alors de ne pas prendre de risque inutile pour le joueur (blessure, indisponibilité) au détriment malheureusement du « développement » de ses capacités de protection articulaire. Si elle est associée à une instabilité, un entrainement spécifique isolé proprioceptif pourrait, dans ce cas-là, être tout à fait bénéfique. Pour une instabilité isolée, les exercices devront être dynamiques et stressants pour le joueur pour qu’il puisse faire « rejaillir » à la surface de son inconscient l’engramme moteur adéquat à la situation.
Texte écrit par A. Douville de franssu
[1] Anandacoomarasamy A, Barnsley L. Long term outcomes of inversion ankle injuries. Br J Sports Med 2005;39:e14. discussion e14.
[2] Hiller CE, Kilbreath SL, Refshauge KM. Chronic ankle instability: evolution of the model. J Athl Train 2011;46:133–41
[3] Hiller CE, Refshauge KM, Bundy AC, et al. The Cumberland ankle instability tool: a report of validity and reliability testing. Arch Phys Med Rehabil 2006;87:1235–41.
[4] Hubbard-Turner T. Relationship between mechanical ankle joint laxity and subjective function. Foot Ankle Int 2012; 33:852–6.
[5] Gehring D, Katrin Faschian K, Benedikt Lauber B, et al. Mechanical instability destabilises the ankle joint directly in the ankle-sprain mechanism. Br J Sports Med Published Online First: 11 October 2013 doi: 10.1136/bjsports-2013-092626
[6] Drewes LK, McKeon PO, Paolini G, et al. Altered ankle kinematics and shank-rear-foot coupling in those with chronic ankle instability. J Sport Rehabil 2009;18:375–88
[7] Delahunt E, Monaghan K, Caulfield BM. Ankle function during hopping in subjects with functional instability of the ankle joint. Scand J Med Sci Sports 2007;17:641–8
[8] Gehring D, Wissler S, Mornieux G, et al. How to sprain your ankle—a biomechanical case report of an inversion trauma. J Biomech 2013;46:175–8.
[9] McGuine TA, Hetzel S, Wilson J, et al. The effect of lace-up ankle braces on injury rates in high school football players. Am J Sports Med 2012;40:49–57
[10] Gutierrez GM, Knight CA, Swanik CB, et al. Examining neuromuscular control during landings on a supinating platform in persons with and without ankle instability. Am J Sports Med 2012; 40:193–201.