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Instabilité de la cheville et chirurgie



Instabilité de la cheville et chirurgie
L’entorse latérale de la cheville est une atteinte de l’articulation talo-crurale que l’on rencontre communément sur les terrains de sport et dont le mécanisme le plus classique est aujourd’hui connu de tous avec une inversion du pied sur une cheville en flexion plantaire. Du à la rigidité tissulaire qui accompagne l’âge, elle est plutôt présente chez les adultes avec une faible incidence chez les enfants et adolescents. D’un point de vue patho-anatomique, le faisceau antérieur est le plus petit et le plus faible des trois faisceaux qui constitue le rempart ligamentaire latéral de l’articulation talo-crurale et est impliquée dans la majorité de ce type d’entorse tandis que le faisceau moyen ou postérieur sont respectivement atteints dans 50-75% et < 10% des cas [1].

Des facteurs prédisposants peuvent être la cause de nombreux et répétitifs épisodes de torsion de la cheville comme un varus de l’arrière pied, un hallux rigidus ou un pied creux [2-4]. Alors que 80% des entorses aigues de cheville traitées récupèrent une fonction normale après un traitement conservateur, 20% d’entre elles développent des symptômes chroniques d’instabilité. Comme nous l’avons déjà précisé dans un précédent speed meeting, l’instabilité chronique de la cheville peut être démembrée en mécanique ou fonctionnelle ( et dans celle d'aujourd'hui). L’instabilité mécanique est caractérisée par une mobilité de la cheville anormale, vérifiée cliniquement  par des tests manuels comme l’antérieur drawer test (tiroir antérieur) ou le talar tilt test (coup de kick externe) [5, 6]. On pourrait donc l’appeler « laxité pathologique » en opposition à une laxité congénitale dite « physiologique ». L’instabilité fonctionnelle,  quant à elle, fut décrite la première fois par Freeman et al [7] comme « un sentiment subjectif que la cheville se dérobe dans les activités sportives ou de la vie quotidienne ». Tropp en 1985 décrivait ce type d’instabilité comme « un mouvement indépendant du contrôle volontaire » quand bien même la limite physiologique du mouvement de l’articulation n’est pas dépassée. 

L’indication chirurgicale est représentée par l’association d’une instabilité mécanique et fonctionnelle n’ayant pas répondue à un traitement masso-kinésithérapique d’au moins 3 mois.

Une instabilité mécanique (laxité pathologique) mais non fonctionnelle (absence d’épisodes de d’insécurité, de dérobements) n’est pas à proprement parler une indication de chirurgie.
L’articulation de la cheville est une structure anatomique complexe où stabilité et mobilité dépendent fortement d’un soutien et alignement ligamentaires corrects. Le but de la chirurgie est de restaurer une anatomie des ligaments atteints la plus physiologique en se concentrant particulièrement sur leur longueur, leur direction et leur tension afin de redonner une biomécanique la plus fine possible à l’articulation en lésion. 

Plus de 80 techniques chirurgicales sur ce sujet ont été décrites dans la littérature. Ces dernières peuvent être classées en procédures anatomiques ou non-anatomiques. Les techniques anatomiques consistent en une « réparation » directe des ligaments atteints grâce à du tissu local ou une reconstruction ligamentaire par une greffe tendineuse libre. Les avantages principaux de cette vision anatomique sont la simplicité de la procédure, la restauration d’une articulation la plus physiologique possible et d’une cinématique optimale, et la préservation de la mobilité de l’articulation sub-talaire [8, 9]. Les techniques non-anatomiques, quant à elles, englobent les ténodèses qui se substituent aux différents faisceaux ligamentaires rompus afin de contrer l’hyper-mobilité de la cheville. A défaut, ces techniques entrainent souvent une raideur articulaire que ce soit dans l’articulation talo-crurale ou sub-talaire [2, 10-12].

Le but de l’étude ci-dessous [13] est de présenter les résultats cliniques et radiographiques d’une série de 38 patients sportifs (25 hommes et 13 femmes d’âge moyen 25, 9 +/- 7.4 ans) traitée chirurgicalement pour une instabilité latérale chronique de cheville et suivi sur une durée moyenne de 5 ans (2-8).

Les critères d’inclusion étaient un âge < 50 ans, une atteinte douloureuse unilatérale du complexe ligamentaire latéral de la cheville associée à une instabilité fonctionnelle et mécanique ne répondant pas à un traitement conservateur d’une durée minimale de 3 mois. 

Au sein de ce panel de patients, le faisceau antérieur de l’articulation talo-crurale était atteint systématiquement avec une lésion conjointe du faisceau moyen chez 11 sujets. Le délai moyen entre le premier épisode d’entorse et l’opération chirurgicale était de 30 mois (25-36). La technique modifiée de Bröstrom fut choisi pour 17 patients tandis que pour les 21 autres patients une reconstruction anatomique utilisant le tendon du plantaire grêle (autogreffe) ou du court fibulaire (allogreffe de cadavre) fut choisie. Tous les patients avaient une rupture isolée du faisceau antérieur et/ou du faisceau moyen. Le choix de la technique dépendait des qualités intrinsèques tissulaires des patients. En effet, si le périoste local est de bonne qualité la technique modifiée de Bröstrom consiste en une suture simple du ligament rompu puis utilise un lambeau périosté comme « clapet » mais dans le cas de tissu de mauvaise qualité, d’un échec d’une reconstruction chirurgicale antérieure ou quand une laxité ligamentaire générale est conjointe, le prélèvement  du tendon du plantaire grêle (absent chez 20-30% de la population caucasienne) ou du court fibulaire est préféré.
 

Les patients furent réévalués à 3, 6 et 12 mois puis tous les ans jusqu’à une durée moyenne de 5 ans. Un examen clinique de la cheville opéré se basant sur l’amplitude articulaire et le test de tiroir antérieur était réalisé. De même, le questionnaire fonctionnel AOFAS (American Orthopaedic Foot and Ankle Society) fut rempli par les sujets. Le score était excellent (90-100 points), bon (70-89), passable (50-69) ou mauvais (<50). A la fin du suivi (moyenne de 5 ans), des radiographies en charge de la cheville opérée fut prises pour évaluer l’apparition ou non de changement arthrosique.
 
Les résultats de l’étude ont montré de très bons résultats avec 66% des patients ayant un score « excellent » et 34% « bon » au questionnaire AOFAS.

La stabilité articulaire évaluée avec le test du tiroir antérieur fut considérée comme « normale » chez 26 patients et « presque normale (translation < 3mm) chez les 12 sujets restants. Une raideur articulaire légère (< 10° de mouvement) fut retrouvée chez 7 patients (3 traitée par la technique modifiée de Bröstrom et 4 par la technique de reconstruction)
.

Le seul cas de l’étude avec une limitation d’amplitude de flexion plantaire > 10 degrés après traitement de reconstruction anatomique par le plantaire grêle était de toute façon capable de faire n’importe quelle activité sportive.
 
A la fin du suivi, les auteurs de l’étude n’ont pas observé de récidive d’instabilité. Cependant, ce constat positif tient à rester nuancé car les échecs à long terme dus à une force de résistance insuffisante des montages dans les activités sportives contraignantes sont les inconvénients majeurs de ces techniques chirurgicales [14]. Le retour au sport fut hautement satisfaisant au sein de ce panel tant pour les sportifs amateurs que professionnels.
 
De plus, un autre résultat intéressant qui émerge de cette étude, est qu’aucun changement arthrosique n’est apparu après 5 ans (évaluée par radiographie).
 
En conclusion, les résultats de cette étude confirment que la reconstruction anatomique est une technique chirurgicale efficace avec des résultats objectifs et subjectifs significatifs et qui persistent au long terme (5 ans) avec un faible taux de complication.

Cette méthode décrite montre sa légitimité chez un panel de patients jeunes et actifs impliqués dans des activités sportives intenses. Enfin, une attention doit être portée sur la correction des désordres anatomiques du pied qui peuvent augmenter les forces supinatrices et provoquer des tensions excessives sur le montage chirurgical. Ce stress mécanique pouvant de nouveau à terme entrainer une distension ligamentaire et donc une nouvelle laxité. 
 
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
 
[1] Amendola A, Drosdewech D. Tendon and ligament disorders of the foot and ankle, in: C. Bulstrode (Ed.) et al., Oxford textbook of orthopaedics and trauma, Vol. 2 Oxford University Press, New York. 2002;1305-1314.
 
[2] Lee MS, Hofbauer MH. Evaluation and management of lateral ankle injuries. Clin Podiatr Med Surg. 1999;16:659-678.
 
[3] Sammarco VJ. Complications of lateral ankle ligament reconstruction. Clin Orthop Relat Res. 2001;391:123-132.
 
[4] Giannini S, Girolami M, Ceccarelli F, Bertelli R. Nostri orientamenti sul trattamento degli esiti delle fratture-lussazioni della Lisfranc. Chir del piede. 1983;17:169-173.
 
[5] Safran MR, Bendetti RS, Bartolozzi III AR, Mandelbaum BR. Lateral ankle sprains: a comprehensive review part 1: etiology, pathoanatomy, istopathogenesis, and diagnosis. Med Sci Sports. 1999;31(7):S429-437.
 
[6] Guillo S, Bauer T, Lee JW, et al. (2013) Consensus in chronic ankle instability: aetiology, assessment, surgical indications and place for arthroscopy. Orthop Traumatol Surg Res. 2013;99 (8 Suppl):S411-419.
 
[7] Freeman MA. Instability of the foot after injuries to the lateral ligament of the ankle. J Bone Joint Surg Br. 1965;47:669-677.
 
[8] Bröstrom L. Sprained ankles VI. Surgical treatment of “chronic” ligament ruptures. Acta Chir Scand. 1966;132:551-565.
 
[9] Maffulli N, Del Buono A, Maffulli GD, et al. Isolated anterior talofibular ligament Broström repair for chronic lateral ankle instability: 9-year follow-up. Am J Sports Med. 2013;41(4):858- 864.
 
[10] Coughlin MJ, Schenck RC, Grebing BR, Gehron T. Comprehensive reconstruction of the lateral ankle for chronic instability using a free gracilis graft. Foot Ankle Int. 2004;25:231 241.
 
[11] Pagenstert G, Valderrabano V, Hintermann B. Lateral ankle ligament reconstruction with free plantaris tendon graft. Tech. Foot Ankle Surg. 2005; 4:104-112.
 
[12] Liu SH, Baker CL. Comparison of lateral ankle ligamentous reconstruction procedures. Am J Sports Med. 1994;22:313-317.
 
[13] Giannini S, Ruffili A, Pagliazzi G, and al. Muscles, Ligaments and Tendons Journal 2014; 4 (4): 455-460.
 
[14] Colville MR. Surgical treatment of the unstable ankle. J Am Acad Orthop Surg. 1998;6:368-377.