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Ilio-tibial band syndrome et traitement



Le syndrome du tractus ilio-tibial, autrement appelé syndrome de “l’essuie-glace” est une pathologie fréquemment retrouvée chez les sportifs. Causée par une inflammation de la portion distale du tractus ilio-tibial (TIT), elle provoque une douleur à la face latérale du genou et plus précisément au niveau du l’épicondyle fémoral. En effet, la portion distale de ce tractus frotte au niveau de l’excroissance saillante de l’épicondyle latérale du fémur et, par des mouvements répétitifs de flexion-extension du genou, provoque des frictions importantes déclenchant inflammation et douleur. Il existe aujourd’hui dans la littérature scientifique un débat afin de savoir si ce syndrome de friction résulte en une atteinte pathologique tissulaire du tractus ou en une bourse pathologique enflammée. La différenciation est importante car elle pourrait découler sur des gestes chirurgicaux différents. Des potentiels facteurs de risque de développement d’un syndrome du tractus ilio-tibial comme une raideur du tractus, un kilométrage de course par semaine élevé, le temps d’entrainement (course ou marche) passé sur une piste d’athlétisme, les efforts intermittents et une faiblesse musculaire des extenseurs du genou et des fléchisseurs et abducteurs de hanche ont été soulevés dans la littérature [1,2]. Ainsi, les populations sportives qui exposent leur articulation du genou a de grandes quantités de flexion-extension comme les athlètes, et particulièrement ceux de longues distances, augmentent fortement les risques de développer ce type de pathologie. Ce n’est pas pour rien que les coureurs sont un groupe de sportifs souvent inclus dans les études afin de déterminer la prévalence et le management à mettre en place dans ce type de syndrome. Ce dernier aurait une incidence de 22% de toutes les pathologies du membre inférieur chez le coureur à pied [3]. En dépit cependant d’un mécanisme pathophysiologique évident, il n’a pas été clairement déterminé pourquoi cette pathologie affecte certains athlètes plus que d’autres. Peu d’études ont montré une relation directe entre les facteurs biomécaniques et le développement de ce syndrome [1, 2, 4-6]. Sur un plan clinique, les athlètes atteint d’un syndrome du TIT se plaignent d’une douleur précise, souvent « brûlante », située à environ 2 cm au-dessus de l’interligne latérale de l’articulation fémoro-tibiale. Cette douleur peut irradier en proximal ou distal et dans quelques cas sévère, la douleur peut subsidier malgré l’arrêt de l’activité sportive déclenchante. Parfois également, les athlètes peuvent ressentir comme un ressaut lors du franchissement du tractus ilio-tibial lors de l’extension ou flexion du genou.
Le diagnostic du syndrome de l’essuie-glace est avant tout clinique et doit être suspecté dans des cas cliniques micro-traumatiques de surutilisation du genou où le repos n’a pas été salvateur. Les tests cliniques d’Ober (tension du tractus ilio-tibial) de Renne (test de douleur en charge) ou de Noble (douleur à la pression) sont les tests majoritairement retrouvés à l’examen, mais l’historique de la pathologie, souvent très caractéristique, suffit souvent à lui seul à orienter le thérapeute vers le diagnostic de ce type de syndrome. Alors que la majorité des patients répondent favorablement à un traitement conservateur, une escalade de traitements peut être nécessaire chez d’autres, particulièrement dans le cas d’athlètes passé à la chronicité. A ce moment-là, une intervention chirurgicale peut être réalisée [3]. Malheureusement, les cas réfractaires à une prise en charge non chirurgicale sont assez fréquents et aucune prise en charge spécifique n’a montré sa supériorité.
Le but de cette revue de littérature [7] est donc de mettre en avant les deux options (conservatrice et chirurgicale) qui se présentent aux athlètes pour le traitement du syndrome du tractus ilio-tibial. Sur une recherche initiale de 176 résultats, 10 articles ont été retenus. Les résultats montrent que, quelque soit le stade physiopathologique, le traitement conservateur est la première ligne thérapeutique. Cependant, tant le traitement conservateur que chirurgical jouent un rôle majeur dans les cas récalcitrants. Une combinaison de thérapies (repos, antalgique, stretching, renforcement musculaire et modifications des habitudes de course) est la façon la plus efficace pour retrouver son niveau d’activité antérieur et réduire les symptômes. Néanmoins, la variété des moyens thérapeutiques proposés dans la littérature montre qu’aucun consensus n’a encore été établi. Une revue systématique récente conduite chez des coureurs conclue qu’il existe peu de preuves pour supporter une approche spécifique dans le diagnostic et le traitement de cette pathologie et suggère que des recherches supplémentaires doivent être menées afin de proposer une ligne de traitement optimale [20]. Dans la revue présentée ici, le traitement conservateur seul permettait 44% de retour au sport à 8 semaines sans douleur (guérison complète) et 91,7% de retour au sport à 6 mois [2, 12]. La physiopathologie de ce syndrome du tractus ilio-tibial joue un rôle majeur dans l’élaboration d’une indication chirurgicale. La plupart des chirurgiens ayant publiés dans la littérature adhèrent à la théorie de friction dû à un tractus pathologique et dirigent ainsi leurs gestes chirurgicaux vers l’excision ou le relâchement de cette supposée portion tissulaire pathologique. Des injections de cortisone devraient toujours être réalisées en première intention dans ce type de scénario étant donné que cette pathologie est considérée comme un syndrome inflammatoire de friction. Cependant, quand la durée des symptômes augmente et que la prise en charge conservatrice échoue, des mesures chirurgicales peuvent être prises. Toutes réalisées chez des athlètes, trois procédures [13, 16, 17] ont été décrites dans cette revue avec deux études montrant 100% de retour au sport à une moyenne de 3 mois [16] et 7 semaines [13]. De plus, Fairclough et al. n’ont pas trouvé de bourses lors de la dissection de 6 cadavres ou chez les 2 patients symptomatiques chez qui ils ont réalisés une IRM [21], qui d’ailleurs peut être tout à fait normal chez des patients atteint du syndrome de l’essuie-glace. Dans une étude portant sur 16 patients, 31% avaient une collection liquidienne discrète située médialement au tractus ilio-tibial avec un aspect clinique normal de ce dernier. Cependant, il a été suggéré que cette probable collection était née de l’inflammation chronique du tractus conduisant à la formation d’une bourse secondaire ou accidentelle plutôt que de l’inflammation da la bourse séreuse primaire [22].  Il existe aussi certains chirurgiens qui défendent l’idée que le tractus ilio-tibial n’est pas pathologique et que la douleur ou les déficits fonctionnels sont générés par la compression d’une bourse séreuse pathologique plus que par un mécanisme pur de friction [18]. Cependant, la majorité des études réalisées chez une population athlétique penchent favorablement vers la théorie de friction du tractus ilio-tibial plus que la présence d’une bourse pathologique. Bien qu’il y ait deux grandes théories sur la pathophysiologie de ce syndrome et donc sur les gestes chirurgicaux correspondants à réaliser, une résection du récessus synovial latéral de la capsule du genou après échec d’un traitement conservateur peut aussi offrir un excellent pourcentage de retour au sport (100% à 3 mois) [16].


En conclusion, le syndrome du tractus ilio-tibial ou de l’essuie-glace est une pathologie fréquente et majoritairement retrouvée chez les coureurs à pied où les mouvements répétitifs de flexion-extension dans des petites amplitudes sont retrouvées. Dans l’ensemble considéré comme un syndrome de friction dû à une raideur pathologique du tractus ou à une inflammation de la bourse séreuse de l’épicondyle latéral du fémur, cette pathologie au traitement conservateur initial long et incertain obtient néanmoins des pourcentages très satisfaisants de retour au sport à environ 3 mois.  Le cas échéant, majoritairement pour les cas chroniques, une prise en charge chirurgicale peut être proposée par une résection d’une partie de la portion distale du tractus, de la bourse séreuse ou du récessus synovial latéral. Si les délais de retour au sport dans une prise en charge conservatrice peuvent paraitre négatifs, il faut les relativiser et les mettre en relation avec une durée moyenne de consultation des médecins de 2 mois à 1 an. Enfin et surtout, si la prise en charge chronique reste compliquée dû à de nombreux phénomènes compensatoires et à une inflammation persistante, le traitement en aigue de ce syndrome reste la solution la plus facile de s’en débarrasser. Mais qui vient consulter tout de suite ?
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
 
[1] S. P. Messier, D. G. Edwards, D. F. Martin et al., “Etiology of iliotibial band friction syndrome in distance runners,” Medicine and Science in Sports and Exercise, vol. 27, no. 7, pp. 951–960, 1995.
 
[2] M. Fredericson, C. L. Cookingham, A. M. Chaudhari, B. C. Dowdell, N. Oestreicher, and S. A. Sahrmann, “Hip abductor weakness in distance runners with iliotibial band syndrome,” Clinical Journal of Sport Medicine, vol. 10, no. 3, pp. 169–175, 2000.
 
[3] M. Fredericson and A.Weir, “Practical management of iliotibial band friction syndrome in runners,” Clinical Journal of Sport Medicine, vol. 16, no. 3, pp. 261–268, 2006.
 
[4] S. P.Messier and K. A. Pittala, “Etiologic factors associated with selected running injuries,” Medicine and Science in Sports and Exercise, vol. 20, no. 5, pp. 501–505, 1988.
 
[5] J. E. Taunton, M. B. Ryan, D. B. Clement, D. C. McKenzie, D. R. Lloyd-Smith, and B. D. Zumbo, “A retrospective casecontrol analysis of 2002 running injuries,” British Journal of Sports Medicine, vol. 36, no. 2, pp. 95–101, 2002.
 
[6] J. W. Orchard, P. A. Fricker, A. T. Abud, and B. R. Mason, “Biomechanics of iliotibial band friction syndrome in runners,” American Journal of SportsMedicine, vol. 24, no. 3, pp. 375–379, 1996.
 
[7] C. Beals, D. Flanigan. A Review of Treatments for Iliotibial Band Syndrome in the Athletic Population. Journal of Sports Medicine Volume 2013, Article ID 367169, 6 pages http://dx.doi.org/10.1155/2013/367169
 
[8] M. P. van derWorp, N. van der Horst, A. de Wijer, F. J. Backx, and M. W. Nijhuis-van der Sanden, “Iliotibial band syndrome in runners: a systematic review,” Journal of SportsMedicine, vol. 42, no. 11, pp. 969–992, 2012.
 
[9] R.Pinshaw,V.Atlas, andT.D.Noakes, “Thenature andresponse to therapy of 196 consecutive injuries seen at a runners’ clinic,” South African Medical Journal, vol. 65, no. 8, pp. 291–298, 1984.
 
[10] M. Martens, P. Libbrecht, and A. Burssens, “Surgical treatment of the iliotibial band friction syndrome,” American Journal of Sports Medicine, vol. 17, no. 5, pp. 651–654, 1989.
 
[11] F. Michels, S. Jambou, M. Allard, V. Bousquet, P. Colombet, and C. De Lavigne, “An arthroscopic technique to treat the iliotibial band syndrome,” Knee Surgery, Sports Traumatology, Arthroscopy, vol. 17, no. 3, pp. 233–236, 2009.
 
[12] J. O. Drogset, I. Rossvoll, and T. Grøntvedt, “Surgical treatment of iliotibial band friction syndrome: a retrospective study of 45 patients,” Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, vol. 9, no. 5, pp. 296–298, 1999.
 
[13] J. Fairclough, K. Hayashi, H. Toumi et al., “Is iliotibial band syndrome really a friction syndrome?” Journal of Science and Medicine in Sport, vol. 10, no. 2, pp. 74–76, 2007.
 
[14] C. Muhle, J. M. Ahn, L. Yeh et al., “Iliotibial band friction syndrome: MR imaging findings in 16 patients and MR arthrographic study of six cadaveric knees,” Radiology, vol. 212, no. 1, pp. 103–110, 1999.
 
[15] S. Hariri, E. T. Savidge, M. M. Reinold, J. Zachazewski, and T. J. Gill, “Treatment of recalcitrant iliotibial band friction syndrome with open iliotibial band bursectomy: indications, technique, and clinical outcomes,” American Journal of Sports Medicine, vol. 37, no. 7, pp. 1417–1424, 2009.