Introduction
Les lésions des ischio-jambiers (IJ) sont les blessures musculaires les plus répandues recensées dans le sport. Ces blessures à elles seules représentent entre 6% à 29% de l’ensemble des blessures signalées dans le football, le football australien, le rugby, le basket-ball, le cricket et le sprint.
Les lésions des IJ ont également un taux de récidive important. D’importants efforts de recherche au cours des 10 dernières années ont été réalisés sur les méthodes de prévention et sur le retour au sport. La forte prévalence de ces blessures de 2001 à 2008 suggère que ces programmes traditionnels de prévention et de réadaptation ne sont pas encore optimaux.
La ligue de football australien (Australian Football League : AFL) a publié dernièrement un rapport sur les 21 dernières saisons confirmant que les blessures musculaires aux ischio-jambiers étaient les blessures les plus fréquentes avec une moyenne de 16,5% de l’ensemble des nouvelles blessures et un taux de récidive de 20% au cours des 10 dernières saisons.
Dans le rapport des blessures annuelles, l’impact de ces blessures est exprimé par le nombre de matchs manqués au cours de la saison régulière en raison de ces blessures. Cependant, le coût financier de ces indisponibilités n’a pas été étudié. Les clubs de la AFL paient aux athlètes un salaire annuel. Par conséquent, un athlète qui n’est pas en mesure de jouer en raison d’une blessure sera, d’un point de vue économique strict, un moins bon investissement financier pour les clubs.
L’objectif de cette étude était d’examiner, en utilisant des informations publiquement disponibles, le coût financier des athlètes ne participant pas à certaines rencontres de la saison régulière en raison d’une blessure aux ischio-jambiers au cours des 10 dernières saisons au sein des clubs de l’AFL.
Cette information a des implications importantes pour l’AFL et pour les autres organisations sportives de haut niveau qui sont tenues d’évaluer le rapport bénéfice / coût des investissements et qui négligent souvent l’impact financier d’une blessure.
Méthodes
Les statistiques sur les blessures aux ischio-jambiers et les salaires moyens des joueurs de 2003 à 2012 ont été recueillies. Le salaire moyen hebdomadaire a été déterminé en divisant la rémunération moyenne annuelle de l’athlète par le nombre de matchs à jouer durant la saison régulière. Le coût financier moyen annuel par club des matchs manqués en raison d’une lésion aux ischio-jambiers a été calculé en multipliant le nombre total des matchs manqués durant la saison (en raison d’une blessures aux ischio-jambiers) par le salaire hebdomadaire moyen de l’athlète.
Le coût financier moyen d’une seule blessure aux ischio-jambiers a été calculé en multipliant le nombre de matchs moyens manqués par le salaire hebdomadaire moyen de l’athlète.
Résultats
Le coût financier annuel moyen des matchs manqué pour chaque club de l’AFL a augmenté de 71% entre 2003 et 2012 (Fig. 1). En comparaison, la rémunération moyenne annuelle des athlètes de l’AFL n’a augmenté que de 43% entre 2003 et 2012 (Fig. 1). Alors que l’augmentation du salaire annuel des joueurs a augmenté de façon quasi linéaire, le coût financier annuel des blessures aux ischio-jambiers a été beaucoup plus volatile car influencé par la variation d’année en année de la prévalence de ces blessures. Par exemple en 2008, le coût financier annuel était 17% plus important que le salaire annuel moyen d’un athlète en raison de la prévalence élevée des blessures cette année là. En moyenne, le coût financier annuel des lésions aux IJ est relativement similaire au salaire annuel moyen d’un athlète.
Le coût financier moyen d’une seule blessure aux IJ a augmenté de 56% entre 2003 et 2012 (Fig. 2). Cette augmentation des coûts est à constater malgré une prévalence moyenne par saison plutôt stable entre 2003 et 2012.
Discussion
La principale conclusion de ce rapport est que malgré le peu de changement dans la prévalence des lésions aux IJ, le coût financier de ces blessures pour les clubs de l’AFL a augmenté entre 2003 et 2012. Il est intéressant de constater que chaque club de l’AFL perd en moyenne l’équivalent du salaire annuel moyen d’un joueur en raison de l’indisponibilité provoquée par les blessures aux IJ. Ce coût relativement élevé est en grande partie dû au fait que le taux des blessures aux IJ n’a pas diminué pendant que le salaire des joueurs à lui continué d’augmenter.
En raison de la nature variable de la prévalence des blessures aux IJ, ce coût peut être particulièrement élevé comme en 2008 dans le cas présent. Par conséquent, la budgétisation des coûts liés aux blessures aux IJ pour les clubs est une tâche difficile et risquée.
Il est possible que ce rapport sous-estime le coût financier en raison des informations publiques recueillies. L’utilisation du salaire moyen peut sous-estimer le véritable coût financier des lésions aux IJ. Il faut également intégré le fait que les joueurs les plus anciens et expérimentés sont susceptibles d’avoir un salaire plus élevé mais sont également plus à risque de blessures aux IJ. Au sein de l’AFL il a ainsi été constaté que les joueurs âgés de plus de 26 ans sont plus à risque de blessures aux IJ que des joueurs plus jeunes. Ainsi lorsque ces joueurs manquent un match, l’impact financier est plus élevé pour les clubs.
Par ailleurs, ce rapport ne tient pas compte des coûts financiers liés au diagnostic et la prise en charge de la blessure (imagerie, soins, interventions chirurgicales, coût des thérapeutes). Une étude plus détaillée devrait examiner ces coûts et avoir accès aux salaires individuels des joueurs afin de déterminer le coût financier total.
L’impact économique des blessures aux IJ dans d’autres sports tels que le football américain ou le football peut être encore plus élevé en raison des salaires moyens plus importants.
Ce rapport est à la connaissance des auteurs le premier à estimer l’impact économique des blessures aux IJ dans le sport professionnel et devrait présenter un intérêt pour les clubs et les organisations sportives devant justifier les investissements financiers pour atteindre les objectifs sportifs. Ce désir de réussite sur le terrain peut parfois se faire au détriment de la sécurité des joueurs et de la prévention des blessures.
Il faut ainsi mettre en avant les avantages économiques obtenus par les fédérations et les clubs investissant sur un staff renforcé et des programmes de prévention des blessures ainsi que la corrélation entre faible taux de blessures et succès sur le terrain (étude sur le football européen).
Conclusion
Bien qu’il existe une demande pour augmenter les connaissances scientifiques de l’étiologie des blessures sportives, les financements sont limités surtout par rapport aux investissements pour la santé publique et pour les maladies chroniques. Une plus grande sensibilisation de l’impact financier des blessures sportives pourra aider à mettre en évidence la nécessité de recherches plus approfondies dans ce domaine.
Un financement parrainé par les clubs, cherchant un obtenir un avantage sur ses concurrents en améliorant les connaissances sur la prévention des blessures, permettrait de réduire l’impact financier de ces blessures au fil du temps.
Par Erwann Le Corre
Article original
Hickey J, et al. The financial cost of hamstring strain injuries in the Australian Football League. Br J Sports Med 2014;48:729–730. doi:10.1136/bjsports-2013-092884
Bibliographie
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Les lésions des ischio-jambiers (IJ) sont les blessures musculaires les plus répandues recensées dans le sport. Ces blessures à elles seules représentent entre 6% à 29% de l’ensemble des blessures signalées dans le football, le football australien, le rugby, le basket-ball, le cricket et le sprint.
Les lésions des IJ ont également un taux de récidive important. D’importants efforts de recherche au cours des 10 dernières années ont été réalisés sur les méthodes de prévention et sur le retour au sport. La forte prévalence de ces blessures de 2001 à 2008 suggère que ces programmes traditionnels de prévention et de réadaptation ne sont pas encore optimaux.
La ligue de football australien (Australian Football League : AFL) a publié dernièrement un rapport sur les 21 dernières saisons confirmant que les blessures musculaires aux ischio-jambiers étaient les blessures les plus fréquentes avec une moyenne de 16,5% de l’ensemble des nouvelles blessures et un taux de récidive de 20% au cours des 10 dernières saisons.
Dans le rapport des blessures annuelles, l’impact de ces blessures est exprimé par le nombre de matchs manqués au cours de la saison régulière en raison de ces blessures. Cependant, le coût financier de ces indisponibilités n’a pas été étudié. Les clubs de la AFL paient aux athlètes un salaire annuel. Par conséquent, un athlète qui n’est pas en mesure de jouer en raison d’une blessure sera, d’un point de vue économique strict, un moins bon investissement financier pour les clubs.
L’objectif de cette étude était d’examiner, en utilisant des informations publiquement disponibles, le coût financier des athlètes ne participant pas à certaines rencontres de la saison régulière en raison d’une blessure aux ischio-jambiers au cours des 10 dernières saisons au sein des clubs de l’AFL.
Cette information a des implications importantes pour l’AFL et pour les autres organisations sportives de haut niveau qui sont tenues d’évaluer le rapport bénéfice / coût des investissements et qui négligent souvent l’impact financier d’une blessure.
Méthodes
Les statistiques sur les blessures aux ischio-jambiers et les salaires moyens des joueurs de 2003 à 2012 ont été recueillies. Le salaire moyen hebdomadaire a été déterminé en divisant la rémunération moyenne annuelle de l’athlète par le nombre de matchs à jouer durant la saison régulière. Le coût financier moyen annuel par club des matchs manqués en raison d’une lésion aux ischio-jambiers a été calculé en multipliant le nombre total des matchs manqués durant la saison (en raison d’une blessures aux ischio-jambiers) par le salaire hebdomadaire moyen de l’athlète.
Le coût financier moyen d’une seule blessure aux ischio-jambiers a été calculé en multipliant le nombre de matchs moyens manqués par le salaire hebdomadaire moyen de l’athlète.
Résultats
Le coût financier annuel moyen des matchs manqué pour chaque club de l’AFL a augmenté de 71% entre 2003 et 2012 (Fig. 1). En comparaison, la rémunération moyenne annuelle des athlètes de l’AFL n’a augmenté que de 43% entre 2003 et 2012 (Fig. 1). Alors que l’augmentation du salaire annuel des joueurs a augmenté de façon quasi linéaire, le coût financier annuel des blessures aux ischio-jambiers a été beaucoup plus volatile car influencé par la variation d’année en année de la prévalence de ces blessures. Par exemple en 2008, le coût financier annuel était 17% plus important que le salaire annuel moyen d’un athlète en raison de la prévalence élevée des blessures cette année là. En moyenne, le coût financier annuel des lésions aux IJ est relativement similaire au salaire annuel moyen d’un athlète.
Le coût financier moyen d’une seule blessure aux IJ a augmenté de 56% entre 2003 et 2012 (Fig. 2). Cette augmentation des coûts est à constater malgré une prévalence moyenne par saison plutôt stable entre 2003 et 2012.
Discussion
La principale conclusion de ce rapport est que malgré le peu de changement dans la prévalence des lésions aux IJ, le coût financier de ces blessures pour les clubs de l’AFL a augmenté entre 2003 et 2012. Il est intéressant de constater que chaque club de l’AFL perd en moyenne l’équivalent du salaire annuel moyen d’un joueur en raison de l’indisponibilité provoquée par les blessures aux IJ. Ce coût relativement élevé est en grande partie dû au fait que le taux des blessures aux IJ n’a pas diminué pendant que le salaire des joueurs à lui continué d’augmenter.
En raison de la nature variable de la prévalence des blessures aux IJ, ce coût peut être particulièrement élevé comme en 2008 dans le cas présent. Par conséquent, la budgétisation des coûts liés aux blessures aux IJ pour les clubs est une tâche difficile et risquée.
Il est possible que ce rapport sous-estime le coût financier en raison des informations publiques recueillies. L’utilisation du salaire moyen peut sous-estimer le véritable coût financier des lésions aux IJ. Il faut également intégré le fait que les joueurs les plus anciens et expérimentés sont susceptibles d’avoir un salaire plus élevé mais sont également plus à risque de blessures aux IJ. Au sein de l’AFL il a ainsi été constaté que les joueurs âgés de plus de 26 ans sont plus à risque de blessures aux IJ que des joueurs plus jeunes. Ainsi lorsque ces joueurs manquent un match, l’impact financier est plus élevé pour les clubs.
Par ailleurs, ce rapport ne tient pas compte des coûts financiers liés au diagnostic et la prise en charge de la blessure (imagerie, soins, interventions chirurgicales, coût des thérapeutes). Une étude plus détaillée devrait examiner ces coûts et avoir accès aux salaires individuels des joueurs afin de déterminer le coût financier total.
L’impact économique des blessures aux IJ dans d’autres sports tels que le football américain ou le football peut être encore plus élevé en raison des salaires moyens plus importants.
Ce rapport est à la connaissance des auteurs le premier à estimer l’impact économique des blessures aux IJ dans le sport professionnel et devrait présenter un intérêt pour les clubs et les organisations sportives devant justifier les investissements financiers pour atteindre les objectifs sportifs. Ce désir de réussite sur le terrain peut parfois se faire au détriment de la sécurité des joueurs et de la prévention des blessures.
Il faut ainsi mettre en avant les avantages économiques obtenus par les fédérations et les clubs investissant sur un staff renforcé et des programmes de prévention des blessures ainsi que la corrélation entre faible taux de blessures et succès sur le terrain (étude sur le football européen).
Conclusion
Bien qu’il existe une demande pour augmenter les connaissances scientifiques de l’étiologie des blessures sportives, les financements sont limités surtout par rapport aux investissements pour la santé publique et pour les maladies chroniques. Une plus grande sensibilisation de l’impact financier des blessures sportives pourra aider à mettre en évidence la nécessité de recherches plus approfondies dans ce domaine.
Un financement parrainé par les clubs, cherchant un obtenir un avantage sur ses concurrents en améliorant les connaissances sur la prévention des blessures, permettrait de réduire l’impact financier de ces blessures au fil du temps.
Par Erwann Le Corre
Article original
Hickey J, et al. The financial cost of hamstring strain injuries in the Australian Football League. Br J Sports Med 2014;48:729–730. doi:10.1136/bjsports-2013-092884
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