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IMPACT DU SEXE DES ATHLETES SUR LES BLESSURES : SURVEILLANCE DE 14 COMPETITIONS INTERNATIONALES DE 2007 A 2014



Introduction
Lors des compétitions internationales d’athlétisme de haut niveau, le risque de blessures était d’environ 100 blessures pour 1000 athlètes, pour les compétitions en plein air et d’environ 63 blessures pour 1000 athlètes lors des compétitions en salle (indoor) [1].
 
Près de la moitié de ces blessures entraînent une perte de temps dans le retour  à la compétition [1]. La connaissance de ces données épidémiologiques est la première étape dans la prévention des blessures [2]. La deuxième étape consiste à déterminer les facteurs de risque afin d’identifier et développer des stratégies de prévention dans le but de protéger la santé des athlètes [2-4].
 
Le sexe des athlètes est un facteur de risque de blessures lors des compétitions internationales. En effet, il a été rapporté que les athlètes masculins ont subi plus de blessures que les athlètes féminines lors des derniers championnats du monde et européens (en plein air) [5-7]. Des différences spécifiques, selon le sexe des athlètes, telles que la localisation des blessures et le type de blessures, ont été signalées lors de certaines compétitions [5-9]. Cependant, ces publications prennent en compte un seul championnat par étude, avec des résultats parfois contradictoires. Une revue bibliographique récente sur les blessures contractées lors de 13 compétitions internationales d’athlétisme n’a pas montré de différence en fonction du sexe des athlètes [1].
 
L’objectif de la présente étude était de comparer l’incidence et les caractéristiques des blessures lors de compétitions internationales d’athlétisme de 2007 à 2014 entre les athlètes hommes et femmes afin de mieux évaluer l’impact du genre comme facteur de risque de blessures et de fournir des renseignements nécessaires pour élaborer des recommandations spécifiques pour la prévention des blessures.
 
Résultats et Discussion
Les principales conclusions de la présente étude étaient que les athlètes masculins avaient un risque majoré de 25% par rapport aux athlètes féminines lors des championnats internationaux d’athlétisme de haut niveau et que le risque de blessures des athlètes masculins et féminines diffèrent au niveau de la localisation des blessures, du type et des patho-mécanismes.
 
Différences des facteurs de risque des blessures liées au sexe des athlètes :  
Les études antérieures se sont intéressées à la comparaison entre les sexes au sein d’une seule et même épreuve. L’étude présentée aujourd’hui a combiné les données de 14 championnats internationaux. Ainsi, les athlètes masculins avaient un risque environ 25% plus élevé de subir une blessure que les athlètes féminines. Les athlètes masculins avaient un risque de blessures de 24% et 35% plus élevé lors des championnats internationaux en plein air et indoor que les athlètes féminines. On ignore encore si le risque des blessures en fonction du sexe est liée à des différences anatomiques et physiologiques entre les athlètes ou reflète simplement des différences entre les groupes, (technique, stratégie d’entraînement, concurrence, niveau….), les patterns de mouvements ou encore des comportements (comme la prise de risque).
 
Les études épidémiologiques antérieures ont apporté des résultats contradictoires sur l’impact du sexe des athlètes comme facteur de risque de blessures [16-18]. Des études prospectives sur une plus grande cohorte d’athlètes sur toute une saison avec une même méthode validée [14], devraient aider à mieux déterminer et comprendre le facteur de risque « sexe » [14, 21].
 
Des différences liées au sexe ont également étaient mises en avant dans d’autres sports. Il a été montré que le risque des blessures des athlètes masculins était plus élevé lors des coupes du monde de football [22], pour les combattants de taekwondo lors des Jeux Olympiques 2012 [13], et pour les skieurs élites [23]. Il était par contre supérieur pour les athlètes féminines pour les sports aquatiques lors des championnats du monde FINA 2009 [24], au snowboard lors des JO de 2010 [25], ainsi qu’au football lors des JO de 2012 [13]. 
 
En pratique, la connaissance du risque de blessures pour chaque sport selon le sexe des athlètes est importante dans le dépistage des facteurs de risque.
 
Différences des caractéristiques des blessures liées au sexe des athlètes :
Lors des championnats internationaux d’athlétisme, les caractéristiques des blessures tels que la localisation et le type ont varié selon les sexes des athlètes. Les blessures  à la cuisse étaient plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes, ce qui est cohérent avec les données des rapports précédents [5-7]. En 2011, à l’occasion des championnats du monde de Daegu, les athlètes masculins ont souffert de plus lésions musculaires et de crampes  que les femmes [6]. Fait intéressant, les athlètes masculins avaient environ deux fois plus de risque de lésions musculaires de la cuisse que les athlètes féminines, bien que ce soit la lésion la plus fréquente pour les deux sexes.
 
D’autres études devraient faire la distinction entre les lésions du quadriceps et celles des ischio-jambiers et s’intéresser au niveau de gravité des lésions afin de déterminer si les différences liées au sexe peuvent être appliquées à toutes les lésions musculaires ou seulement à certains groupes musculaires spécifiques de la cuisse. Déterminer l’origine de ces différences permettrait d’aider à développer des mesures de prévention.
 
D’autres caractéristiques comme les caractéristiques morphologiques et physiologiques (masse musculaire [26], force [26], puissance [27], activités [28, 29], fatigue [29], la raideur [31], la morphologie pelvienne [32]…), le sprint, et la biomécanique de course [30, 33] ou encore d’autres facteurs (techniques, nombre d’évènements durant l’épreuve, distance parcourue …) ont été rapportés et devraient être analysées à l’avenir pour les lésions touchant la cuisse.
Un risque plus élevé de fractures de fatigue a été rapporté pour les athlètes féminines [34] ainsi que dans les autres sports d’une façon plus générale [35]. Bien que les fractures de fatigue représentent un faible pourcentage des blessures (2,9% dans la présente étude  de l’ensemble des blessures et de 4,9% des blessures en compétitions entraînant une indisponibilité), elles ne doivent pas être négligées car elles pourraient être un symptôme de la triade de l’athlète féminine (maintenant appelée déficit énergétique [36]). Ces fractures peuvent être un signal d’avertissement permettant un diagnostic et un traitement précoce.

 

Différences des mécanismes et des évènements liées au sexe des athlètes :
Des différences sur l’incidence des blessures  ont été observées en fonction de certaines activités spécifiques. Un risque plus élevé de blessures chez les hommes que chez les femmes a été observé chez les sprinters, lors des courses sur des distances moyennes,  pour la marche athlétique et lors des sauts. Pour la marche athlétique, la différence peut s’expliquer par  les distances qui ne sont pas les mêmes (20km pour les femmes, 50km pour les hommes). Pour les autres activités, l’exposition est comparable mais d’autres facteurs doivent être étudiés : anatomiques, physiologiques, biomécaniques, psychologiques. 

A retenir :
  • Les athlètes masculins  ont un risque significativement plus élevé  que les femmes de se blesser lors des compétitions sportives internationales.
 
  • Le risque de blessure diffère entre les hommes et les femmes, particulièrement en ce qui concerne la localisation, le type et l’activité.
 
 
  • Les athlètes masculins ont plus soufferts de lésions musculaires de la cuisse et moins de fractures de fatigue que les femmes. 

Erwann Le Corre
MK du Stade Français Rugby
Formateur chez KINESPORT
 
Article Original
Edouard P, et al. Sex differences in injury during top-level international athletics championships: surveillance data from 14 championships between 2007 and 2014. Br J Sports Med 2015;49:472–477. doi:10.1136/bjsports-2014-094316


Bibliographie
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3 Bahr R, Krosshaug T. Understanding injury mechanisms: a key component of preventing injuries in sport. Br J Sports Med 2005;39:324–9.
4 Engebretsen L, Bahr R, Cook JL, et al. The IOC Centres of Excellence bring prevention to sports medicine. Br J Sports Med 2014;48:1270–5.
5 Alonso JM, Tscholl PM, Engebretsen L, et al. Occurrence of injuries and illnesses during the 2009 IAAF World Athletics Championships. Br J Sports Med 2010;44:1100–5.
6 Alonso JM, Edouard P, Fischetto G, et al. Determination of future prevention strategies in elite track and field: analysis of Daegu 2011 IAAF Championships injuries and illnesses surveillance. Br J Sports Med 2012;46:505–14.
7 Edouard P, Depiesse F, Branco P, et al. Analyses of Helsinki 2012 European Athletics Championships injury and illness surveillance to discuss elite athletes risk factors. Clin J Sport Med 2014;24:409–15.
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10 Junge A, Engebretsen L, Alonso JM, et al. Injury surveillance in multi-sport events: the International Olympic Committee approach. Br J Sports Med 2008;42:413–21.
11 Edouard P, Jacobsson J, Timpka T, et al. Extending in-competition Athletics injury and illness surveillance with pre-participation risk factor screening: a pilot study. Phys Ther Sport 2014. pii: S1466-853X(14)00036-4.
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