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Hypertrophie musculaire et occlusion vasculaire : partie 1



Hypertrophie musculaire et occlusion vasculaire : partie 1
Quelque soit le domaine d’action et quelque soit leur efficacité, il semble exister dans la littérature scientifique deux types de techniques. Celles réalisables et celles « non réalisables » sur le terrain. Les premières, celles que tout le monde fait, sont acceptées par tous, transmises de génération en génération de thérapeutes, parfois sans vraiment connaitre leur réel fondement scientifique. Les US, le nombre de séries en musculation, le recentrage actif de la tête humérale par les abaisseurs longs peuvent en être des exemples. Les autres, « non réalisables », sont le fruit de recherche scientifique mais sont difficilement applicable en pratique et ce pour diverses raisons : implication trop exigeante pour le patient, protocole long, temps de repos trop court entre les entrainements, ouverture d’esprit peu importante ou peur de changer du thérapeute, techniques hasardeuses, voir risquées… Celle présentée ci-dessous répond de la dernière remarque. Difficilement applicable en cabinet, je l’avoue, elle mérite néanmoins qu’on y réfléchisse quelques instants. Elle part du postulat qu’un entraînement en résistance de faible intensité avec occlusion vasculaire peut hypertrophier le muscle et améliorer sa force et son endurance.
La littérature a déjà démontré la possibilité d’améliorer certaines adaptations physiologiques par la combinaison d’une ischémie et d’un entraînement en résistance. Dans ces conditions, la densité des capillaires, le glycogène musculaire, le volume, la grosseur et le nombre des mitochondries étant grandement augmentés. Depuis plus d'une dizaine d'années et dernièrement en 2012, des études ont montré également que réaliser des exercices de musculation en ischémie avec une charge relativement faible (e.g., entre 20 et 50% du 1RM) permettait des gains en terme de force et d'hypertrophie musculaire quasiment identique à ceux obtenus avec un entraînement avec une charge relativement lourde (i.e., 80% du 1RM) [1]. Combinés, l'exercice même à faible intensité et l'occlusion vasculaire provoqueraient une très forte augmentation de la concentration plasmatique d'hormone de croissance et un recrutement important des fibres musculaires de type II. Cependant les mécanismes liés à l'hypertrophie lors de l'entraînement avec occlusion vasculaire ne sont pas encore totalement compris. 
L’objectif de l’expérience japonaise ci-dessous parue dans l'European Journal Applied Physiology en 2002 [2] était de déterminer ces changements physiologiques pouvant survenir au niveau du muscle suite à un entraînement en résistance de faible intensité combiné avec une ischémie musculaire créée artificiellement par une occlusion vasculaire. L’analyse des résultats a permis d’observer une augmentation de la force, de l’endurance musculaire à haute intensité ainsi qu’une hypertrophie musculaire.
 
L’expérience a duré 8 semaines à raison de 2 séances par semaine et impliquait 23 joueurs de rugby. Les sujets étaient divisés en un groupe contrôle non entraîné (n=12), un groupe entraîné sans occlusion (n=6) et un groupe entraîné avec occlusion (LIO) à 200 mm Hg (n=5). L’extension du genou devait se faire à une amplitude comprise entre 0 et 90 degrés, à une intensité de 50% de 1 RM, à vitesse constante et en position assise pendant 10 min en 4 séries de 16,3 répétitions espacées de 30 s de repos. L’occlusion vasculaire était maintenue pendant toute la session (10 min) et retirée immédiatement après. Les sessions étaient précédées par un échauffement de 10 minutes sur ergocycle et par une série d’étirements. Le groupe entraîné sans occlusion a fait le même volume d'entraînement que le groupe avec occlusion.
 
Le groupe avec occlusion (LIO) a obtenu, sur un dynamomètre isocinétique, une augmentation significative de la force isométrique et isocinétique à toutes les vitesses étudiées alors qu’aucun changement notable n’est apparu pour les deux autres groupes. Un test de résonance magnétique passé aux LIO à permis de conclure que les changements dans la force sont dus à une hypertrophie musculaire et non à une adaptation neuromotrice puisque la force relative par unité de surface était restée la même. Le test d‘endurance consistait en 50 répétitions concentriques à une vitesse angulaire de 180 degrés sur le dynamomètre isocinétique avant et après la durée de l’étude. Les résultats en endurance sont les mêmes qu’en force pour tous les groupes.
 
Les sujets étaient des athlètes de haut niveau dont le programme habituel en entraînement en résistance ne devait pas provoquer d’amélioration dans la force et dans la grosseur du muscle. Les résultats obtenus après 8 semaines suggèrent que la restriction du débit sanguin pendant l’exercice induit un plus grand recrutement des unités motrices afin de maintenir le bon niveau de force. Ceci a donc eu comme effet d’améliorer l’activité électrique musculaire favorable à l’hypertrophie du muscle. L’augmentation de l’endurance aurait été causée par une adaptation musculaire, c’est-à-dire, par une plus grande capacité du métabolisme oxydatif plutôt que par une amélioration de la résistance à la fatigue du système nerveux. Ces conclusions ont été tirées parce que les données sur l’EMG sont restées les mêmes avant et après entraînement pour les 10 premières et pour les 10 dernières répétitions combinées.
 
La conclusion de cette étude serait utile pour un patient désirant améliorer sa force musculaire mais qui physiquement, ne peut soulever de lourdes charges comme par exemple un sportif en début de phase de réhabilitation après une blessure. Ou alors un manque de charges suffisantes disponibles (pas assez de poids) ou la volonté de limiter les risques physiques inhérents au port de très lourdes charges en musculation. On pourrait peut-être aussi faire un plus grand volume d’entraînement et éviter les DOMS souvent induites par les exercices excentriques à grande intensité. 
Par contre, et c’est là que le bât blesse, les séances d’entraînement devront se faire sous haute supervision pour calculer la pression de ralentissement du flux artériel nécessaire, contrôler la durée de l’occlusion, le positionnement du brassard et pour surveiller la pression artérielle. Ce qui en fait donc, pour reprendre malheureusement l’introduction, une technique « non réalisable » !
 
Article écrit par A. Douville de franssu

Source: Texte réalisée avec source : http://www.sci-sport.com/
[1] Laurentino GC, Ugrinowitsch C, Roschel H, Aoki MS, Soares AG, Neves Jr M, Aihara AY, Da Rocha Correa Fernandes A and Tricoli V. Strength training with blood flow restriction diminishes myostatin gene expression. Med Sci Sports Exerc 44 (3): 406-412, 2012. 
[2] Takarada Y, Sato Y, Ishii N. Effects of resistance exercice combined with vascular occlusion on muscle function in athletes. European Journal Applied Physiology 2002; 86:308-14.


Partie 2. semaine prochaine.