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Fracture de stress du pédicule sacré chez un athlète adolescent afro-américain de basketball et athlétisme, avec antécédent de fracture fémorale : un rapport de cas



Creighton A et al.

INTRODUCTION

Une étude récente a évalué la prévalence des fractures de stress lombo-sacré liés au sport chez 312 adolescents de moins de 18 ans souffrant depuis au moins 7 jours [1]. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) de ces athlètes a révélé des lésions de stress lombaire dans 33% des cas et des lésions de stress sacrées chez 1,6% des personnes [1].
Les sites de fracture de stress les plus fréquents sont le segment jambier (40,3%), le pied (34,9%) et la colonne lombaire et le pelvis (15,2%) [2]. Plus de 65% des fractures de stress ont entraîné une indisponibilité minimum de 3 semaines [2]. Dans d'autres populations, une étude portant sur plus d'un million de soldats de l'armée américaine a révélé qu'il existait également une différence de fractures de stress en termes d’ethnie. Les caucasiens étant les plus exposés [3]. La présente étude rapporte un cas épidémiologiquement inhabituel de fracture de stress du sacrum chez un patient ayant des antécédents de fracture fémorale.

PRESENTATION DU CAS :

Un athlète afro-américain de basketball et d'athlétisme âgé de 15 ans, avec un IMC de 25,37 kg / m2, s'est présenté à une clinique d'orthopédie pour une lombalgie (LBP) de plus de 5 mois du côté gauche. Le patient avait des antécédents de fracture de Saltar Harris du fémur gauche géré de manière conservatrice il y à 1,5 ans. On a également signalé une progression de la courbe scoliotique de 5 à 15 degrés au cours des 8 mois précédant la visite. Sa douleur avait augmenté de façon fortuite 4 mois avant (1 mois après le début de la douleur) au cours d'un passage de relais lorsqu'il tendait le bras droit pour saisir le témoin et frappa le sol avec le pied controlatéral. La douleur a été décrite comme « aiguë » avec des irradiations occasionnelles à la fesse et à aux ischio-jambiers gauche. La douleur était aggravée par la flexion, l'extension, la course et le saut. Le repos, l'ibuprofène et la glace offraient un léger soulagement. Sur une échelle de douleur numérique de 10 points, il a rapporté une note numérique moyenne de 7 et une douleur extrême de 8. Aucune paresthésie, faiblesse des membres inférieurs, modification de la fonction urinaire ou intestinale, douleur à l'aine ou à la hanche n’a été rapporté. L’épreuve de Valsalva n’avait pas d’influence sur les symptômes. L'examen physique une asymétrie de hauteur des crêtes iliaques présente lors de la marche avec un ilium gauche tombant par rapport au côté droit pendant la phase d’appui. Il a signalé des douleurs à l’extension et la flexion lombaire active, et à la palpation au niveau de l'épine iliaque postérieure gauche et des sulcus. Le membre inférieur gauche était plus court de 1,5 cm. Les tests spéciaux suivants étaient positifs à gauche : Thigh thrust, FADIR, FABER, slump sit et hop test.
En courant, le patient avait une posture droite avec une attaque au sol avec le talon. Les radiographies antérieures de la colonne lombaire 2 mois auparavant révélaient un sacrum en nutation, une lévoscoliose légère en L3 et aucun signe de spondylolyse ou de spondylolisthésis. Le taux de vitamine D était de 33 ng / ml (intervalle normal de 30 à 100 ng / ml), le taux de calcium de 9,3 mg / dL (intervalle normal de 8,6 à 10,2 mg / dL) et l'hormone parathyroïdienne à 30 pg / ml (intervalle normal de 15 à 65 pg / ml).
Le diagnostic initial était un dysfonctionnement de l'articulation sacro-iliaque gauche causé par la différence de longueur des membres inférieurs. Des études complémentaires ont été recommandées en raison de l'intensité persistante de la douleur malgré le repos et un traitement conservateur préalable.

L'IRM de la colonne lombaire avec un protocole spécifique incluant des coupes axiales de 2 mm à travers L4, L5 et S1 a révélé une fracture de stress extra-articulaire non déplacée au niveau du pédicule gauche de S1. Cette fracture était considérée comme secondaire à une surcharge répétitive avec asymétrie en raison de la différence de longueur des membres inférieurs du patient et du faible taux de vitamine D.
 
Fracture de stress du pédicule sacré chez un athlète adolescent afro-américain de basketball et athlétisme, avec antécédent de fracture fémorale : un rapport de cas

L’approche thérapeutique comportait de multiples facettes.
  • Une talonnette visant à corriger l’inégalité de longueur des MI.
  • Une thérapie physique ciblant la stabilisation lombaire et de hanche.
  • Une supplémentation en vitamine D.
  • Tout exercice de course, saut et port de charge était proscrit pendant 8 semaines.
Au suivi à huit semaines, le patient ne ressentait aucune douleur liée à la flexion ou à l’extension lombaire active, était capable de sauter sans douleur et son taux de vitamine D avait augmenté à 40 ng / ml.
Le patient a ensuite participé à un programme combiné de thérapie physique et de course à pied en trois phases sous la direction d'un thérapeute expérimenté.
  • La phase 1 (8 à 12 semaines après le diagnostic de fracture), impliquait l'amélioration de la force des abducteurs et rotateurs externes de hanche, à la fois par le renforcement musculaire isolé et par des renforcements dans des positions fonctionnelles. Au cours de cette phase, l’amélioration de la gestuelle de course en optimisant l’attaque au sol du sportif fut réalisée ainsi qu’une amélioration de la gestuelle spécifique à l’activité ciblant une meilleure utilisation des hanches (Figure 2). À ce stade, les exercices spécifiques à la pratique sportive étaient réalisés en ligne droite.
·         La phase 2 (12 à 16 semaines après le diagnostic), impliquait une progression vers des exercices de type plyométrique. Les changements de direction avec une intensité de 60-80%, des sauts sur box et des exercices d’agilité avec échelle de rythme ont été intégré. ·         La phase finale (plus de 16 semaines après le diagnostic), impliquait une progression vers des exercices d'équilibre dynamique de haut niveau axés sur des mouvements spécifiques au basketball. 18 semaines après le diagnostic de fracture, le patient avait repris son premier match de basketball.

DISCUSSION

Le diagnostic, les antécédents, l’examen physique et l’approche thérapeutique sont significatifs dans le cas de patients présentant initialement une douleur unilatérale au bas du dos et aux fesses. Souvent, la cause des fractures de stress est multifactorielle [4]. La première étape de l’élaboration d’un plan de traitement consiste à identifier ces facteurs de risque. [5] Dans le cas présent, une différence de longueur des MI et un taux de vitamine D bas, associés à une posture droite pendant la course, étaient considérés comme les principaux facteurs de fracture de stress [6]. Korpelainen et al [6] ont étudié les fractures de stress chez les personnes d’inégalité de longueur des MI. Ils ont révélé que les fractures de stress se produisaient plus souvent au niveau du membre plus court, avec une différence de longueur moyenne de 1,3 cm. En Finlande, une étude sur les fractures de stress chez plus de 750 recrues des forces armées âgées de 18 à 28 ans a révélé que la concentration sérique moyenne en vitamine D était significativement plus basse dans le groupe lésé [7]. Enfin, un récent essai contrôlé randomisé a montré que deux semaines de rééducation de la marche utilisant un retour visuel en temps réel non seulement réduisaient les contraintes d'impact chez les coureurs débutants, mais également réduisaient de 62% le risque de blessures [8]. Étant donné que la modification de la marche visait à moduler la rigidité lors de l’attaque au sol, il est souvent nécessaire de modifier le schéma de course du patient pour qu’il adopte une attaque au sol avec le médio-pied. La rééducation de la marche a spécifiquement encouragé le patient à éviter une posture trop érigée en se penchant légèrement en avant, ce qui a entraîné une meilleure utilisation des fléchisseurs de la hanche, une augmentation de la flexion du genou et un contact au sol avec la médio-pied. Ces changements visaient à réduire la charge verticale dans la région pelvienne.
 

CONCLUSION :

Ce cas met en évidence l’importance de considérer des diagnostics peu communs, tels qu’une fracture de stress sacrée. Cette considération est encore plus importante lorsque la douleur persiste dans le temps malgré le traitement. Il était important de modifier le pattern de course de ce patient dans un objectif curatif mais également prophylactique d’autres blessures [8]. Le programme de traitement multifactoriel a finalement été couronné de succès car ce patient n’a plus aucune douleur et a repris son activité sportive sans récurrence des symptômes plus de deux ans après le début de la douleur.

Article original :

Creighton, A., Holtzman, G., Ziegler, C., & Prather, H. (2019). Sacral Pedicle Stress Fracture in an African‐American Male, Adolescent, Competitive Basketball and Track and Field Athlete with a Prior Femoral Physeal Injury: A Case Report. PM&R

Référence :
  1. Kaneko, H., M. Murakami, and K. Nishizawa, Prevalence and clinical features of sports-related lumbosacral stress injuries in the young. Arch Orthop Trauma Surg, 2017. 137(5): p. 685-691. 
  2. Changstrom, B.G., L. Brou, M. Khodaee, C. Braund, and R.D. Comstock, Epidemiology of stress fracture injuries among US high school athletes, 2005-2006 through 2012-2013. Am J Sports Med, 2015. 43(1): p. 26-33. 
  3. Bulathsinhala, L., J.M. Hughes, C.J. McKinnon, et al., Risk of Stress Fracture Varies by Race/Ethnic Origin in a Cohort Study of 1.3 Million US Army Soldiers. J Bone Miner Res, 2017. 32(7): p. 1546-1553. 
  4. Boissonnault, W.G. and J.M. Thein-Nissenbaum, Differential diagnosis of a sacral stress fracture. J Orthop Sports Phys Ther, 2002. 32(12): p. 613-21. 
  5. Haun, D.W., N.W. Kettner, T.R. Yochum, and R.L. Green, Sacral fatigue fracture in a female runner: a case report. J Manipulative Physiol Ther, 2007. 30(3): p. 228-33. 
  6. Korpelainen, R., S. Orava, J. Karpakka, P. Siira, and A. Hulkko, Risk factors for recurrent stress fractures in athletes. Am J Sports Med, 2001. 29(3): p. 304-10. 
  7. Ruohola, J.P., I. Laaksi, T. Ylikomi, et al., Association between serum 25(OH)D concentrations and bone stress fractures in Finnish young men. J Bone Miner Res, 2006. 21(9): p. 1483-8. 
  8. Chan, Z.Y.S., J.H. Zhang, I.P.H. Au, et al., Gait Retraining for the Reduction of Injury Occurrence in Novice Distance Runners: 1-Year Follow-up of a Randomized Controlled Trial. Am J Sports Med, 2018. 46(2): p. 388-395. 
Liem, B.C., H.J. Truswell, and M.A. Harrast, Rehabilitation and return to running after lower limb stress fractures. Curr Sports Med Rep, 2013. 12(3): p. 200-7.