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Facteurs pronostiques de la douleur pelvienne durant la grossesse (PPGP : Pregnancy-related Pelvic Girdle Pain)



INTRODUCTION
 
La douleur de la ceinture pelvienne est une plainte fréquente durant la grossesse, affectant entre 23% à 65% des femmes en fonction de la façon dont elle est mesurée et définie (Albert et al., 2002, Robinson et al., 2010a, Kovacs et al., 2012). Bien que de nombreuses femmes ne se plaignent plus après la naissance, environ un tiers des femmes continuent d'avoir des symptômes à trois mois post-partum (Gutke et al., 2011) et 8,5% ont des douleurs significatives deux ans après (Albert et al., 2001). La plupart des femmes attendent avec impatiences la naissance en pensant que la douleur disparaitra forcement après celle-ci (Elden et al., 2013). Elles disent également dans cette étude, souffrir d’un manque d’information concernant les facteurs de risques. La connaissance des facteurs pronostiques pour la PPGP peut fournir une meilleure compréhension de la maladie et peut aider à détecter les femmes à risque de chronicité le plus tôt possible durant la grossesse. De plus, les facteurs pronostiques modifiables pourraient être ciblés dans l’élaboration de stratégies de préventions.
 

METHODE
 
Pour cette étude, les bases de données PubMed, Embase, CINAHL, PsycINFO, MIDIRS, et ClinicalTrial.gov ont été utilisées. La population était composée de femmes qui ont eu des douleurs pendant leur grossesse et qui ont été suivies après l’accouchement. Ils ont défini la PPGP comme une douleur rapportée pendant la grossesse entre la crête iliaque postéro-supérieure et la partie inférieure du pli fessier, en particulier au voisinage des articulations sacro-iliaques, qui peuvent produire des douleurs irradiantes dans la partie postérieure de la cuisse et/ou dans la symphyse pubienne. Les études traitantes des douleurs lombaires ont été exclues. Ils ont examiné les PPGP persistantes qui ont été définies comme des douleurs présentes durant la grossesse et en post-partum (allant d’immédiatement après la naissance et jusqu’à 12 mois après la naissance).

RESULTATS
 
Durant les recherches dans les bases de données, 3790 études ont été enregistrées. 881 doublons ont été retirés et 2909 dossiers ont été examinés par titre. Par la suite, 318 dossiers ont été examinés par leur résumé et 244 par la lecture intégrale. Au total, trois études ont été inclus dans la méta-analyse. 584 études de ClinicalTrials.gov ont été identifiées mais aucun résultat correspond aux critères d'inclusions. Le processus de recherche et de sélection est présenté à la figure 1.
Trois études de cohortes prospectives ont été inclues, leurs caractéristiques sont présentées dans le tableau 2. Deux études ont été menées sur la même cohorte (norvégienne), mais les deux ont été incluses, car elles ont cherché à examiner différents facteurs de risques (Bjelland et al., 2013a, Bjelland et al., 2013b). Sur les trois études, deux examinaient le Pelvic Girdle Syndrome (PGS) pendant la grossesse et six mois après l'accouchement (Bjelland et al., 2013a, Bjelland et al., 2013b), qui est défini comme une douleur dans les deux articulations sacro-iliaques et à la symphyse pubienne (Albert et al., 2002). Robinson et al. (2010b) ont inclus un examen physique pour identifier les femmes avec PPGP au début de l'étude et ont inclût la douleur, l’invalidité et la non guérison à 12 semaines après l'accouchement. Les trois études ont inclus les femmes primipares et multipares mais n'ont pas noté les résultats séparément pour ces groupes, une analyse des sous-groupes n’a donc pas pu être faite. De même, les études incluses ne font pas de distinctions pour les femmes avec ou sans antécédents de douleurs au bas du dos ou de la ceinture pelvienne. La méta analyse et l’analyse de sensibilité́ n’ont donc pas pu être faites en raison de données cliniques limitées et l’hétérogénéité méthodologique.
Vingt-six facteurs pronostiques potentiels ont été inclus et examinés dans les trois études. Cinq facteurs pronostiques physiques des douleurs qui persistent à 12 semaines post-partum ont été examinés dans une étude (Robinson et al., 2010b). Les résultats sont détaillés dans le tableau 3. Les femmes souffrant de douleurs dans trois à quatre régions de la ceinture pelvienne durant leur grossesse avaient des douleurs plus intenses à 12 semaines post-partum, (et étaient moins susceptibles de récupérer). Les femmes ayant un indice de masse corporelle de 25 ou plus étaient plus susceptibles d'avoir des douleurs persistantes 12 semaines après l'accouchement. De plus, les femmes ayant des antécédents de lombalgie en pré-grossesse avaient un handicap plus important 12 semaines après l'accouchement.
Vingt et un facteurs physiques et deux facteurs psychologiques pronostiques ont été examinés en fonction de leur impact sur la récupération du post-partum PPGP à six mois. Les résultats des facteurs physiques sont présentés dans le tableau 4 . Les femmes qui ont dû utiliser des béquilles pendant la grossesse avant la semaine 30 étaient plus susceptibles d'avoir un PGS persistant et sévère six mois après l'accouchement. En outre, les femmes souffrant de douleurs dans trois endroits de la ceinture pelvienne, étaient plus susceptibles de continuer à avoir un PGS et des douleurs plus intenses six mois après la naissance, par rapport à celles qui en avaient dans un ou deux endroits. Les femmes qui ont utilisé des béquilles avant la semaine 30 de grossesse et ayant eu un accouchement avec aide instrumentale ont été associées à un risque accru de douleurs persistantes à six mois post-partum par rapport à un accouchement par voie vaginale sans aide. De même, les femmes qui ont utilisé des béquilles avant ou pendant la semaine 30 de grossesse, avec une césarienne programmée ou en urgence ont été́ associées à un risque accru de la persistance des symptômes à six mois (Bjelland et al., 2013b).
Les femmes obèses étaient plus susceptibles d'avoir PGS persistants et PGS sévères. Le tabagisme occasionnel a été associé à un PGS persistant (Bjelland et al., 2013a). Les femmes ayant eu leurs règles avant l’âge de 11 ans étaient plus susceptibles de continuer d'avoir un PGS post-partum pendant six mois par rapport à celles ayant eu leurs règles après 13 ans. Les complications obstétriques, la naissance du nourrisson, un poids de moins de 3000 grammes et un poids à la naissance du nourrisson de plus de 4500 grammes ne sont pas des facteurs pronostiques significatifs.
En terme de facteurs psychologiques, les femmes en détresse émotionnelle à un moment donné au cours de la grossesse, étaient plus susceptibles d'avoir des PGS persistants et PGS graves pendant six mois après l'accouchement. Aucun des facteurs sociaux n’ont été examinés en tant que facteurs pronostiques potentiels pour un PPGP.

DISCUSSION


L’étude a identifié 26 facteurs pronostiques potentiels, examinés dans trois études. La qualité́ des résultats de tous les facteurs a été jugée faible ou très faible. Cela laisse planer une incertitude sur les résultats, en particulier pour la recherche d'observation qui est par nature sujette à des biais. Ceci étant, il semble que les femmes ayant des antécédents de lombalgies, les femmes qui ont des douleurs dans trois à quatre endroits du bassin, ou qui sont en surpoids sont moins susceptibles de récupérer après 12 semaines après l'accouchement. Six mois après l'accouchement, le PGS est plus susceptible de persister chez les femmes qui ont utilisé des béquilles ou avaient des douleurs intenses dans trois endroits pelviens pendant la grossesse. Les femmes en surpoids, celles ayant eu leurs règles jeunes et celles ayant des antécédents de lombalgie sont également plus susceptibles d’avoir des douleurs persistantes. Le poids du bébé à la naissance et les complications obstétricales ne sont pas associées à la persistance des symptômes. Le mode de naissance semble avoir un impact sur la récupération et les preuves concernant le tabagisme sont sujet à des conflits.
La détresse émotionnelle pendant la grossesse a également été associée à la persistance de PGS six mois après la naissance. Cela souligne l'importance de prendre le modèle biopsychosocial en compte dans la gestion des PPGP. Les modifications physiques, l'évolution des rôles sociaux et des éventuelles difficultés avec les soins du nourrisson peuvent conduire à une perte de confiance en soi et de frustration, qui sont les principaux symptômes des femmes ayant des troubles dépressifs et anxieux (Highet et al., 2014). Cela pourrait donc par conséquence nuire à la récupération.
Les femmes avec des PPGP persistantes après une naissance disent qu'elles aimeraient avoir plus d’informations sur le cours de PPGP et les facteurs ayant une incidence sur la récupération (Wuytack et al., 2015b). Malheureusement, ce travail a révélé qu'il y a un manque d’études portant sur la question, et souligne que la période post-partum est l'objet de recherches (Organisation mondiale de la Santé, 2010). Elle insiste également sur l’importance de l'information cohérente et des conseils avant et après la naissance.
Cette méta-analyse a inclus des études qui ont examiné les facteurs pronostiques jusqu'à 12 mois après l'accouchement, mais pas au-delà. Le nombre limité d'études identifiées montre la nécessité de réaliser plus d’études longitudinales sur la persistance de PPGP après une naissance pour améliorer la compréhension de celles-ci dans le temps et de son impact pronostique. Il est important pour les études à venir de fournir des définitions claires sur les facteurs pronostiques examinés. Cela permettra la mise en commun des données pour fournir des estimations des effets plus précis en méta-analyse.

ANNEXES

Facteurs pronostiques de la douleur pelvienne durant la grossesse (PPGP : Pregnancy-related Pelvic Girdle Pain)

Article original
 
Title: Prognostic factors for Pregnancy-related Pelvic Girdle Pain, a Systematic Review
Authors: Francesca Wuytacka, PhD, Deirdre Dalya, PhD, Elizabeth Curtisa, PhD, Cecily Begleya,b, PhD
Authors’ affiliations: aSchool of Nursing & Midwifery, Trinity College Dublin, Dublin, Ireland
bInstitute of Health and Care Sciences, Sahlgrenska Academy, University of Gothenburg, Gothenburg, Sweden
https://doi.org/10.1016/j.midw.2018.07.012
PPGP: Pregnancy-related Pelvic Girdle Pain
PGS: Pelvic Girdle Syndrome

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