«La première fois que le Shakhtar m'a contacté, j'ai envoyé un mail à Amandine, mon épouse, en lui disant qu'un grand club m'avait fait une proposition. Elle a pensé à l'Espagne, je lui ai dit que c'était l'Ukraine. Là, elle a pris une aspirine ! » A 30 ans, Clément Hazard, kinésithérapeute de profession, spécialisé en pathologies du sport, a choisi l'aventure à Donetsk, grande cité minière aux confins de l'Ukraine et de la Russie, connue surtout des accros de la Ligue des Champions, qui savent qu'il n'est jamais bon d'affronter le champion d'Ukraine.
Né en 1982, Clément Hazard a le sport dans la peau, et le foot en particulier, lui qui vénérait le FC Nantes durant son adolescence. Une passion qui le poursuit dans le sud-ouest lorsque sa famille s'installe à Rivière-Saas-et-Gourby, près de Dax. « J'ai joué au foot à Saint-Geours-de-Maremne, une équipe aux mêmes couleurs que le Shakhtar ! », rappelle-t-il.
Le bac en poche, Clément entame des études de sport en filière Staps, à Angers puis à Tarbes, et obtient un diplôme de kinésithérapeute en 2006 à Louvain-le-Neuve, en Belgique, spécialisation en nutrition, réathlétisation et pathologies du sport. Il intègre alors le Centre européen de rééducation du sportif, à Capbreton. « J'y ai touché à tous les types de pratiques sportives, rugby, foot, sports de montagne, énumère Clément, mais que du genou, j'ai fait 100 % de ligaments croisés. »
Un passage à Clairefontaine
Clément devient alors spécialiste d'une technique émergente, l'iso-cynétisme. « Le principe d'une machine iso-cynétique, c'est d'imposer une vitesse au lieu d'une force en musculation. C'est une machine qui coûte entre 70 000 et 1 000 000 euros, il y en a quatre au CERS et trois à Clairefontaine. C'est très utilisé pour les tests de force musculaire, l'équilibre et la musculation. »
En 2009, un représentant du Shakhtar Donetsk vient visiter les installations du CERS et recherche quelqu'un pour structurer le secteur médical du club. Clément, qui souhaite devenir préparateur physique, est intéressé, mais l'affaire ne se conclut pas immédiatement. Il rejoint donc à l'été 2009 le centre de Clairefontaine, dépendant de la Fédération française de football. Des clubs pros effectuent à Clairefontaine leurs tests de pré-saison, tandis que plusieurs éclopés de renom comme Hatem Ben Arfa ou Sylvain Marveaux, viennent confier leur genou à Clément.
À l'été 2011, ce dernier intègre le staff de Francis Smerecki, sélectionneur et entraîneur de l'équipe de France des moins de 20 ans, qui dispute la Coupe du Monde de la catégorie, où les Lacazette, Kakuta et consors finissent quatrième. À la clé pour Clément, « une super expérience, trois semaines de préparation en altitude à Tignes, puis un mois en Colombie. » Durant la compétition, le Shakhtar relance Clément. Trois semaines après son retour en France, le jeune kiné prend l'avion pour Donetsk, bientôt rejoint par son épouse et leur petite fille, décidé à tenter l'aventure pour un an. « Je me suis demandé où je pourrai bien aller après, si je refusais un club qui joue la Ligue des Champions », mesure-t-il a posteriori.
Pas de kiné en Ukraine
À Donetsk, le défi de Clément est de faire progresser le club en matière de préparation sportive. « Il n'y a pas de machines iso-cynétiques en Ukraine, relève-t-il. Or, c'est un moyen fantastique pour montrer au joueur où il en est, pour effectuer les tests en début et en milieu de saison et faire du renforcement musculaire. » En attendant la livraison de la machine, Clément Hazard s'occupe de la réathlétisation des blessés. « En Ukraine, ce n'est pas dans la mentalité des joueurs de travailler avec des kinés. D'ailleurs, il n'existe pas de formations en kinésithérapie en Ukraine. »
Sept jours sur sept, Clément est à la disposition du staff de l'entraîneur roumain du Shakhtar, Mircea Lucescu, en cas de pépin physique des joueurs de l'équipe. Il commence petit à petit à distiller auprès de ses nouveaux collègues ses compétences accumulées à Capbreton et à Clairefontaine. « Avec les masseurs de l'Académie du Shakhtar, j'ai commencé par l'anatomie, la réathlétisation, décrit-il. Ils savaient masser, mais ils ne savaient pas ce qu'il y avait sous la peau, ne connaissaient pas tous les muscles, les tendons, les ligaments. »
Alors que la saison se termine en Ukraine, avant que le pays accueille l'Euro 2012, le Shakhtar s'apprête à remporter un nouveau titre de champion d'Ukraine, tandis que Clément envisage de re-signer pour un an à Donetsk, afin d'aller au bout de cette expérience, et de regoûter à nouveau à la petite musique de la Ligue des Champions. Ensuite ? « Travailler dans un club de Ligue 1, ce serait super, mais les places sont très chères. »
Source sudouest
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