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Etirement passif et actif : quelle solution est la meilleure ?



Les étirements et particulièrement ceux concernant le membre inférieur, sont souvent utilisés dans le traitement de patients lombalgiques ou ayant d’autres pathologies diverses touchant le bas du corps. Utilisés comme moyen d’augmenter l’amplitude articulaire en diminuant la raideur de muscles entourant une articulation, ils sont également mis en place chez des sportifs ou au sein de la population en général dans des programmes individuels prophylactiques (entretien de la souplesse, prévention, optimisation de la performance) [1-3]. Une variété de méthodes d’étirement a vu le jour depuis quelques décennies incluant, en chaine ou de façon analytique, les étirements passifs, actifs, activo-passifs (méthodes PNF) ou balistiques.
 
Bien que ces différents types d’étirements aient démontré leur intérêt dans l’augmentation de l’amplitude articulaire suite à un gain d’extensibilité musculaire [4,5,6], de récentes études n’ont toujours pas montré chez ces derniers d’effet significatif dans la  prévention des blessures chez une population saine [7,8].
 
La longueur musculaire est connue pour un être un élément pouvant affecter les propriétés contractiles d’un muscle car un muscle raccourci ou trop étiré peut ne pas développer sa tension maximale si sa longueur de repos a été altérée [9,10]. Cette notion pouvant être ainsi intéressante à prendre en compte dans l’utilisation des étirements passif ou actif. White and Sahrmanns ont évoqué à ce propos l’utilisation des étirements actifs comme un moyen combiné d’augmenter l’extensibilité musculaire tout en améliorant la fonction musculaire du muscle antagoniste [11]. Ainsi la contraction musculaire du muscle antagoniste permettra tout en améliorant sa fonction contractile de faire gagner en souplesse au niveau du muscle agoniste tout en lui faisant garder une « longueur fonctionnelle ». Ceci n’est évidemment pas possible avec des étirements uniquement passifs qui agissent sur une seule composante : le muscle agoniste. Cela dit, bien que l’étirement actif pourrait jouer un rôle dans l’amélioration de la fonction du muscle antagoniste, il n’a pour l’instant pas été démontré supérieur à l’étirement passif dans l’amélioration de l’extensibilité musculaire [12].
 
De précédentes études [4, 13, 14, 6] ont démontré l’efficacité des étirements passifs dans l’augmentation de l’amplitude d’extension de hanche chez des patients ayant une raideur ou des douleurs qui n’interféraient pas avec la marche ou la course. Mais jusqu’à preuve du contraire, aucune étude a rapporté aujourd’hui les effets d’un programme d’étirement actif sur les fléchisseurs de hanche chez des patients souffrant du bas du dos ou ayant des troubles musculo-squelettiques du membre inférieur.
 
Le but de cet essai clinique randomisé présenté ci-dessous [15] est donc de déterminer s’il existe une différence de résultats dans l’amélioration de l’amplitude d’extension de hanche entre un protocole d’étirement passif ou actif chez des sujets présentant des douleurs lombaires ou du membre inférieur et ayant probablement une raideur des fléchisseurs de hanche. Un panel de 45 patients répondant à ces critères cliniques ont été inclus dans l’étude mais seulement 33 ont mené à terme le protocole (déménagement, blessure ou incapacité de poursuivre les exercices). D’âge moyen de 23,6 ans, ils ont été répartis de façon randomisée soit dans un groupe d’étirement passif soit dans un groupe d’étirement actif.
L’amplitude d’extension de hanche a été mesurée par le Thomas Test modifié au début de l’étude puis à 3 et 6 semaines. Les sujets étaient considérés comme ayant une raideur des fléchisseurs de hanche si leur cuisse était au-dessus de 0 degré (plan de la table). La hanche démontrant la plus grande perte d’amplitude en extension servait de référence pour l’étude et si une différence ne pouvait être repérée, la « hanche référence » était tirée au sort. Bien entendu un examen neurologique a été réalisé avant le début de l’étude pour éviter tout biais (testing musculaire et sensitif, réflexes). 
Etirement passif et actif : quelle solution est la meilleure ?

Les mesures articulaires ont été réalisées par un goniomètre universel (moyenne de trois mesures successives) et les examinateurs ont été formés à la prise de mesure avant l’étude sur des sujets sains. Pendant celle-ci, les valeurs de mesure et de prise des données ont été réalisées par des opérateurs différents (valeurs du goniomètre masquées) et ignorants le groupe de travail sur lequel ils travaillaient (passif ou actif).
Les sujets ont donc été répartis dans deux groupes distincts comprenant soit des étirements passifs, soit actifs.
 
Le groupe « passif » devait exécuter de façon quotidienne deux exercices et ce, dix fois chacun pendant 30s (temps de repos entre les répétitions de 8s). Les exercices étaient la fente avant en chevalier servant et la posture allongée sur le ventre avec une serviette roulée sous la hanche à étirer.
 

Le groupe « actif » devait exécuter également deux exercices à la même fréquence (30s d’étirement, 10 répétitions) mais le temps de repos était de 30s au lieu de 8. Les sujets étaient autorisés à revenir à la position initiale si la durée de maintien était trop longue ou d’abréger la fin des séries s’ils étaient trop fatigués. Les exercices comprenaient une extension de hanche allongée sur le ventre avec le genou fléchi puis tendu.
 
Des examinateurs vérifiaient la bonne exécution des mouvements au début de l’étude puis à 7 jours. 

Parce que la littérature scientifique reste imprécise quant à la durée et la fréquence des étirements, les auteurs ont utilisés les recommandations de l’American College of Sports Medicine (ACSM) [1, 7, 8, 16].
 
Les résultats de l’étude ont démontré que tant les sujets qui ont reçu le traitement avec des étirements passifs que ceux qui ont reçu des étirements actifs ont augmenté leur amplitude d’extension de hanche au bout de 6 semaines de traitement. Et aucune différence clinique ou statistique significative n’a été trouvée entre ces deux groupes à 3 ou 6 semaines. Suite au sérieux du protocole expérimental, l’effet bénéfique sur l’amplitude articulaire de la hanche en extension est dû, pour les auteurs, aux étirements.
 
Si les méthodes d’étirement différent dans la pratique clinique d’aujourd’hui avec des méthodes actives ou passives, la littérature scientifique doit se pencher dans le futur afin d’identifier lesquelles de ces techniques sont le plus efficaces dans le gain d’extensibilité musculaire. L’étude présentée ci-dessus y a répondu un petit peu en se basant sur des résultats expérimentaux qui démontrent que les deux types de méthode (actif vs passif) sont efficaces pour augmenter l’extensibilité musculaire. Les étirements actifs pourraient également améliorait la fonction du muscle antagoniste bien qu’aucune donnée scientifique ne puisse encore le prouver actuellement. Des études ultérieures pourraient ainsi mesurer le couple de force et l’endurance musculaire pour définir plus précisément cette hypothèse. De plus, ils seraient également intéressant de contrôler dans de prochaines études si le gain d’extensibilité musculaire perdure après l’arrêt des étirements et si oui, combien de temps.
 
Texte écrit par Arnaud Douville de Franssu
 
[1] Kottke FJ, Pauley DL, Ptak RA. The rationale for prolonged stretching for correction of shortening of connective tissue. Arch Phys Med Rehabil. 1966;47:345–352.
[2] Offierski CM, MacNab I. Hip-spine syndrome. Spine. 1983;8:316–321.
[3] Ingber RS. Iliopsoas myofascial dysfunction: a treatable cause of “failed” low back syndrome. Arch Phys Med Rehabil. 1989;70:382–386.
[4] Godges JJ, MacRae PG, Engelke KA. Effects of exercise on hip range of motion, trunk muscle performance, and gait economy. Phys Ther. 1993;73:468–477.
[5] Sady SP, Wortman M, Blanke D. Flexibility training: ballistic, static or proprioceptive neuromuscular facilitation? Arch Phys Med Rehabil. 1982;63:261–263.
[6] Tanigawa MC. Comparison of the hold-relax procedure and passive mobilization on increasing muscle length. Phys Ther. 1972;52:725–735.
[7] Pope RP, Herbert RD, Kirwan JD, Graham BJ. A randomized trial of preexercise stretching for prevention of lower-limb injury. Med Sci Sports Exerc. 2000;32:271–277.
[8] Herbert RD, Gabriel M. Effects of stretching before and after exercising on muscle soreness and risk of injury: systematic review. BMJ. 2002;325:468–472.
[9] Gossman MR, Sahrmann SA, Rose SJ. Review of length-associated changes in muscle: experimental evidence and clinical implications. Phys Ther. 1982;62:1799–1808.
[10] Williams PE, Goldspink G. Changes in sarcomere length and physiological properties in immobilized muscle. J Anat. 1978;127:459–468.
[11] White SG, Sahrmann SA. A movement system balance approach to management of musculoskeletal pain. In: Grant R, ed. Physical Therapy of the Cervical and Thoracic Spine. New York, NY: Churchill Livingstone Inc; 1994:339–357.
[12] Bandy WD, Irion JM, Briggler M. The effect of static stretch and dynamic range of motion training on the flexibility of the hamstring muscles. J Orthop Sports Phys Ther. 1998;27:295–300.
[13] Godges JJ, MacRae PG, Longdon C, et al. The effects of two stretching procedures on hip range of motion and gait economy.
J Orthop Sports Phys Ther. 1989;10:350–357.
[14] Link CS, Nicholson GG, Shaddeau SA, et al. Lumbar curvature in standing and sitting in two types of chairs: relationship of hamstring and hip flexor muscle length. Phys Ther. 1990;70:611–618.
[15] [Winters MV, Blake CG, Trost JS, et al. Passive versus active stretching of hip flexor muscles in subjects with limited hip extension: a randomized clinical trial. Phys Ther. 2004;84:800–807.]
[16] Taylor DC, Dalton JD Jr, Seaber AV, Garrett WE Jr. Viscoelastic properties of muscle-tendon units: the biomechanical effects of stretching. Am J Sports Med. 1990;18:300–309.