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Est-ce que la thérapie manuelle améliore la douleur et la fonction chez les patients atteints de fasciite plantaire ? Un examen systématique.



Fraser JJ et al. 
 

Introduction


La douleur plantaire est une affection musculo-squelettique fréquente qui touche environ 1 à 2 millions de personnes par an aux États-Unis (1-3) et environ 10% de la population à un moment ou à un autre de leur vie (4). Parmi les étiologies potentielles, la fasciite plantaire (PF) est la plus fréquente (5-7).
Le PF est un état clinique marqué par des douleurs aiguës à partir du bord médial de l'aponévrose plantaire, continuant jusqu’au niveau de la tubérosité médiale du calcanéum. La douleur est souvent provoquée par la mise en charge et lors des premières étapes qui suivent les périodes d'inactivité, tels que lors des premiers pas suivant le réveil et est souvent augmentée en fin de journée (5,7,8).
Les symptômes associés à PF sont fréquemment attribués à l'inflammation de l'aponévrose plantaire. D'autres preuves ont suggéré un mécanisme alternatif (9). Dans la fasciose plantaire, des modifications dégénératives et une déchirure microscopique (9) peuvent conduire à un épaississement du fascia plantaire (10,11).

Les preuves actuelles suggèrent plusieurs facteurs de risques intrinsèques et extrinsèques tels que la position debout prolongée, des chaussures inappropriées, des blessures antérieures, une dorsiflexion limitée de la cheville, l'hyperpronation du pied, la faiblesse de la musculature du triceps sural, le vieillissement et l'augmentation de l'indice de masse corporelle (12,13).
L'altération de la biomécanique cheville-pied résultant d'une limitation des tissus mous ou des articulations est supposée contribuer au développement de la FP (7,14-16) et peut être corrigée à partir de traitements tels que la thérapie manuelle (MT).
Plus d'un million de visites de soins ambulatoires sont effectuées annuellement pour l'évaluation et le traitement de la PF aux États-Unis (3,17). Il est important que les cliniciens soient en mesure de traiter ces patients de façon complète en utilisant des interventions fondées sur des données probantes. Des recommandations pour l'utilisation de la MT, tels que la mobilisation des tissus mous et la mobilisation ou la manipulation des articulations, dans le traitement conservateur ont été récemment rapporté.

Dans un guide de pratique clinique publié en 2014 par la section orthopédique de l'American Physical Therapy Association, recommande la MT dans les soins aux patients PF avec une note de «A», indiquant une forte recommandation basée sur une multitude d'études de niveau I et II dans la littérature (19). L'utilisation de la MT par les physiothérapeutes dans les soins aux patients atteints de PF a progressivement augmenté ces dernières années et semble entraîner une baisse des coûts et durée de la prise en charge (3).
 
La présente revue systématique visait à comparer les essais contrôlés randomisés (RCT) de la MT, incluant la mobilisation des tissus mous et la mobilisation ou manipulation articulaire, avec des interventions de contrôle sur les résultats de la douleur rapportée par le patient, la fonction rapportée par le patient et les seuils de douleur à la pression (PPT) mesurée par algométrie chez les patients avec PF.
 

Méthode


Une revue systématique de tous les RCT étudiant les effets de la MT dans le traitement des patients atteints de PF, de fasciose plantaire et de douleur au talon, publiée en anglais sur les bases de données PubMed, CINAHL, Cochrane et Web of Science a été réalisé. La qualité de la recherche a été évalué à l'aide de l'échelle PEDro (Tableau 1). Les dimensions de l'effet D de Cohen (ES) et les intervalles de confiance à 95% (IC) associés ont été calculé entre les groupes de traitement.
Est-ce que la thérapie manuelle améliore la douleur et la fonction chez les patients atteints de fasciite plantaire ? Un examen systématique.

Résultats


Sept RCT qui utilisaient la MT comme principale variable indépendante et la douleur et fonction comme des variables dépendantes ont été sélectionné. L'inclusion de la MT dans le traitement a donné lieu à une amélioration plus importante de la fonction (6 des 7 études, IC n'ayant pas dépassé zéro dans 14 des 25 variables, ES = 0,5-21,5) et de l'algométrie (3 des 3 études, IC n'ayant pas franchi zéro dans 9 des 10 variables, ES = 0,7-3,0) de 4 semaines à 6 mois par rapport à des interventions telles que l'étirement, le renforcement ou d’autres modalités.
Bien que la douleur se soit améliorée avec l'inclusion de la MT, les calculs ES ont favorisé MT dans seulement 2 des 6 études et étaient par ailleurs équivalents en termes d'efficacité aux interventions de comparaison.

Figure 1 : Taille de l'effet et IC à 95% des mesures de la douleur rapportées par les patients comparant la thérapie manuelle aux interventions de contrôle chez les patients atteints de fasciite plantaire.

Figure 2 : La taille de l'effet et les IC à 95% des mesures des résultats rapportés par les patients comparant la thérapie manuelle aux interventions de contrôle chez les patients atteints de fasciite plantaire.

Figure 3 : Tailles d'effet et IC à 95% des seuils d'algométrie/pression-douleur comparant la thérapie manuelle avec des interventions de contrôle chez les patients atteints de fasciite plantaire.
 

Discussion


Les patients qui ont reçu des interventions de MT en combinaison avec des exercices d'étirement ou de renforcement ont généralement rapporté une amélioration plus importante de la fonction et des PPT au cours de l'évaluation algométrique par rapport aux patients dont les traitements ne comprenaient pas de MT.

Une seule étude a démontré une ES importante qui favorisait l'inclusion de la MT (mobilisation des articulations et des tissus mous) dans les soins de routine (étirement, flexion plantaire extrinsèque et renforcement intrinsèque du pied et ultrasons) (29). Alors que les améliorations supérieures observées dans le groupe MT sont probablement attribuées à l'approche de traitement multimodal utilisée dans cette étude, ces résultats doivent être interprétés avec prudence.

Étant donné que cette étude n'utilisait pas d'insu, il y a un risque de biais qui peut avoir influencé les résultats.

L'effet de la MT sur la douleur était équivalent aux interventions de comparaison dans deux études malgré des améliorations de la fonction aux mêmes moments (23, 24). Il est probable que les patients ayant présenté une amélioration de la fonction auto-déclarée en réponse au traitement peuvent également présenter une augmentation de la douleur associée à une activité accrue.
 
Les patients auxquels on a administré un traitement de MT, en particulier la mobilisation articulaire des articulations talo-crurale, sous-talienne et du médio-pied, ont montré des ES équivalents à 4 semaines après le traitement lorsque les PPT étaient mesurés au point le plus sensible du pied (23).
 
De grands ES pour PPT ont été observé 4 semaines et 3 mois après l'intervention dans des études de patients PF traités avec libération myofasciale (27) ou trigger point MT (25) lorsque le PPT a été mesuré à des sites standardisés sur le calcanéum, le soléaire et les gastrocnémiens. Il est possible que les plus grands effets de la MT dans ces études soient le résultat d'une évaluation algométrique dans des régions éloignées du générateur de douleur, mais qui partagent une innervation cutanée commune. Un test PPT à distance d'un générateur de douleur a déjà été recommandé comme méthode d'évaluation de la sensibilisation au niveau de la colonne vertébrale (33).
Les zones évaluées dans ces études sont innervées par des branches du nerf tibial et des dermatomes L5-S2, le même que le fascia plantaire. La génération de douleur dans le PF peut faciliter la sensibilisation centrale des fibres afférentes du nerf tibial et avoir ainsi un effet d'hypersensibilisation secondaire dans le nerf sural. Fait intéressant, l'amélioration des PPT dans l'étude menée par Ajimsha et ses collègues (27) a persisté pendant au moins 3 mois après le traitement.
 
En ce qui concerne l'efficacité clinique, il est difficile de savoir s'il existe une technique de MT qui est supérieure pour améliorer la douleur et la fonction chez les patients atteints de PF. Il est recommandé que les cliniciens envisagent d'utiliser à la fois la mobilisation articulaire de la cheville et des pieds et les techniques de mobilisation des tissus mous en incluant le traitement des trigger points, le massage profond et la libération myofasciale en conjonction avec l'étirement et le renforcement.
 

Conclusion


Sur la base des sept RCT qui répondaient aux critères d'évaluation, l'inclusion de la MT dans un plan de traitement améliore le PPT et la fonction de manière efficace.

Les techniques de MT pour le complexe cheville-pied utilisées dans les études comprenaient des mobilisations articulaires (glissement antérieur tibio-fibulaire proximal de grade V, glissements fibulaires postérieurs de grade III-IV, distraction de l'arrière-pied de grade I-V, glissements latéraux sous-taliens de grade I-IV, glissements postérieurs talo-cruraux en charge et en décharge de grade I-V, glissement dorsal cuboïde de grade V, mobilisations inter-tarsiennes de grade III-IV, glissements dorsal du premier tarsométatarsien de grade I-II et mobilisations de pied arrière non spécifiées de grade II et IV) et des techniques ciblant les tissus mous (mobilisation des trigger points des gastrocnémiens, massage profond du triceps sural, libération myo-fasciale du fascia gastrocnémien, soléaire et fascia plantaire, et mobilisation non précisée des tissus mous dans le fascia plantaire) appliquée pendant 1,5-10 min en 6-16 séances de traitement.

Compte tenu du faible risque et des avantages potentiels d'une amélioration de la douleur et de la fonction autodéclarées et mesurées cliniquement, il est recommandé d'inclure la MT dans un programme complet de réadaptation, y compris l'étirement et l'exercice, pour le traitement de ces patients.
 

Article de référence


Fraser JJ et al. Does manual therapy improve pain and function in patients with plantar fasciitis? A systematic review.  Journal of Manual & Manipulative Therapy.
 DOI: 10.1080/10669817.2017.1322736
 
 
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