KINESPORT KINESPORT


   



Epicondylalgie latérale et bracelet de force



L’épicondylalgie latérale, célébrement connue sous le nom de « Tennis Elbow », est présente chez 0,8 à 3% de la population générale [1-3], 15% chez ceux qui ont une tâche répétitive [4-6] et 50% chez les tennismen [7]. Une sensation douloureuse au niveau de la région latérale du coude durant la préhension peut affecter de manière importante les tâches quotidiennes et professionnelles [8-10]. L’épicondylalgie latérale implique communément le court extenseur radial du carpe (CERC) et les tendons des extenseurs communs des doigts à leur insertion d’origine, et affecte le plus souvent le côté dominant chez des sujets de 35 à 55 ans [11-13]. L’examen clinique de cette pathologie micro-traumatique montre une diminution de la force de préhension infra-douloureuse [14], une palpation hyperalgique et punctiforme de l’épicondyle latérale [14,15] de même que des déficits neuromusculaire [16,17]. Le management thérapeutique du « tennis elbow » implique de manière générale une combinaison de strapping, bracelet compressif, thérapie manuelle et exercices de renforcement [18, 19].
 
En pratique, le bracelet compressif ou « bracelet de force » est utilisé pour réduire la sévérité de la douleur et aider à l’introduction précoce d’exercices infra-douloureux dans le processus thérapeutique. Il consiste en une simple sangle qui s’enroule autour de la partie proximale de l’avant-bras juste en dessous de l’insertion des extenseurs du poignet et qui aurait pour rôle de disperser les tensions tendineuses (effet shunt) crées par la contraction musculaire de ces derniers [20, 21] permettant ainsi de réduire l’inhibition douloureuse et permettant au patient de contracter plus efficacement ses muscles. De plus, le contact du bracelet avec la peau et les tissus sous-jacents peuvent faciliter la contraction musculaire grâce à la stimulation sensitive et/ou la pression sur le muscle lui-même [22].
 
Un autre bracelet disponible commercialement dans certains pays (Australie, Canada, Royaume Uni et USA) est un bracelet en tout point identique à ceux vendus classiquement  sur le marché mais disposant en plus d’une lanière additionnelle qui s’enroule au-dessus du coude. Le but de cette dernière étant de permettre une décharge plus importante au niveau de l’épicondyle latéral en comprimant les insertions tendineuses et empêchant l’extension complète du coude. Cependant, bien que l’efficacité du bracelet de force dans sa forme simple ait été évaluée dans des études précédentes avec une efficacité plus ou moins démontrée [19, 23-26], le bracelet avec bande additionnelle doit être évalué quant à sa capacité à diminuer les symptômes douloureux et améliorer la fonction. 
 
L’objectif principal de cette étude présentée dans le Journal of Orthopaedic Sport and Physical Therapy (JOSPT) en février 2014 [27] était donc de comparer l’efficacité immédiate de ces deux types de bracelet de force (Thermoskin tennis elbow strap® pour le bracelet classique et Go-strap® pour le bracelet avec maintien du coude) sur la diminution de la douleur et amélioration de la fonction chez les patients atteints d’épicondylalgie latérale du coude.
 
La force de préhension (infra-douloureuse), les seuils de douleurs à la pression et l’angle du poignet durant une tâche de préhension furent mesurés sur 34 patients avec un diagnostic d’épicondylalgie latérale du coude (âge moyen 47.8 ans +/- 8.5). Les critères d’inclusion étaient basés sur un examen clinique démontré aujourd’hui comme le gold standard de l’évaluation de cette pathologie. Etait considéré comme épicondylalgie latérale tout «douleur au niveau de l’épicondyle latéral depuis au moins 6 semaines et qui augmente avec la palpation, la préhension ou l’extension résistée du poignet ou du 2 ou 3ème doigt ». Etait exclu tout patient ayant des symptômes bilatéraux, radiculopathie cervicale, pathologie articulaire du coude, neurologique périphérique, antécédents chirurgicaux du coude, fracture, rupture tendineuse, pathologie de l’épaule, poignet ou main, désordre d’origine centrale ou systémique, injection de corticostéroïdes dans les 6 mois précédents ou traitement kinésithérapique dans les 3 mois avant l’étude.
 
Les mesures ont été prises sans le bracelet et immédiatement avant et après l’application des deux types de bracelet de force. Chaque condition a été testée au cours d’une session distincte, avec un minimum de 48h entre chaque session. Les modèles d’analyse de la variance ont été utilisés pour tester les différences entre ces deux conditions expérimentales. 

Les résultats de l’étude ont démontré une amélioration faible mais significative de la force de préhension infra-douloureuse (17.2 N; 95% confidence interval: 7.5, 26.8) et des seuils de pression douloureuse (42.2 kPa; 95% confidence interval: 16.5, 68.0) au niveau du membre supérieur atteint immédiatement après les interventions. Cela dit, l’amélioration fut également présente chez les sujets sans bracelet de force. Il n’y avait donc aucune différence significative à court terme sur les résultats entre le port ou non de bracelet de force (quel que soit sa forme).
 
De même, le résultat était étonnamment le même dans la condition expérimentale sans bracelet. Cela montre finalement que ces résultats peuvent n’être en fin de compte que des erreurs de mesure du à la faible puissance statistique (taille de l’échantillon) que de véritables changements cliniques à court terme. Cependant, il serait intéressant dans le futur de reprendre cette étude avec un suivi à long terme car le port d’un bracelet de force peut être néanmoins plus qu’utile dans la gestion quotidienne des symptômes douloureux de l’épicondylalgie latérale chez les travailleurs de force. Cette étude nous démontre enfin que l’addition d’une lanière prenant le coude n’a pas démontré plus d’intérêt et ne mérite donc pour l’instant une utilisation préférentielle. 
 
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
 
[1] Shiri R, Varonen H, Heliövaara M, Viikari- Juntura E. Hand dominance in upper extrem­ity musculoskeletal disorders. J Rheumatol. 2007; 34:1076-1082.
 
[2] Verhaar JA. Tennis elbow. Anatomical, epide­miological and therapeutic aspects. Int Orthop. 1994;18:263-267.
 
[3] Walker-Bone K, Palmer KT, Reading I, Coggon D, Cooper C. Occupation and epicondylitis: a pop­ulation-based study. Rheumatology (Oxford). 2012; 51:305-310. http://dx.doi.org/10.1093/ rheumatology/ker228
 
[4] Chiang HC, Ko YC, Chen SS, Yu HS, Wu TN, Chang PY. Prevalence of shoulder and upper-limb disorders among workers in the fish-pro­cessing industry. Scand J Work Environ Health. 1993;19:126-131.
 
[5] Gold JE, d’Errico A, Katz JN, Gore R, Punnett L. Specific and non-specific upper extremity musculoskeletal disorder syndromes in auto­mobile manufacturing workers. Am J Ind Med. 2009; 52:124-132. http://dx.doi.org/10.1002/ ajim.20653
 
[6] Kurppa K, Viikari-Juntura E, Kuosma E, Huus­konen M, Kivi P. Incidence of tenosynovitis or peritendinitis and epicondylitis in a meat-pro­cessing factory. Scand J Work Environ Health. 1991;17:32-37.
 
[7] Abrams GD, Renstrom PA, Safran MR. Epide­miology of musculoskeletal injury in the tennis player. Br J Sports Med. 2012;46:492-498. 
 
[8] Bot SD, van der Waal JM, Terwee CB, et al. Incidence and prevalence of complaints of the neck and upper extremity in general practice. Ann Rheum Dis. 2005;64:118-123. http://dx.doi. org/10.1136/ard.2003.019349
 
[9] Levin D, Nazarian LN, Miller TT, et al. Lateral epi­condylitis of the elbow: US findings. Radiology. 2005;237:230-234. http://dx.doi.org/10.1148/ radiol.2371040784
 
[10] Walker-Bone K, Palmer KT, Reading I, Cog­gon D, Cooper C. Prevalence and impact of musculoskeletal disorders of the upper limb in the general population. Arthritis Rheum. 2004;51:642-651. http://dx.doi.org/10.1002/ art.20535
 
[11] Haker E. Lateral epicondylalgia: diagnosis, treat­ment and evaluation. Crit Rev Phys Rehabil Med. 1993;5:129-154.
 
[12] Hamilton PG. The prevalence of humeral epicon­dylitis: a survey in general practice. J R Coll Gen Pract. 1986;36:464-465.
 
[13] Roquelaure Y, Ha C, Leclerc A, et al. Epidemio­logic surveillance of upper-extremity muscu­loskeletal disorders in the working population. Arthritis Rheum. 2006;55:765-778. http://dx.doi. org/10.1002/art.22222
 
[14] Stratford PW, Levy DR, Gowland C. Evaluative properties of measures used to assess patients with lateral epicondylitis at the elbow. Physio­ther Can. 1993;45:160-164
 
[15] Wright A, Thurnwald P, O’Callaghan J, Smith J, Vicenzino B. Hyperalgesia in tennis elbow pa­tients. J Musculoskelet Pain. 1994;2:83-97.
 
[16] Bisset LM, Coppieters MW, Vicenzino B. Sen­sorimotor deficits remain despite resolution of symptoms using conservative treatment in patients with tennis elbow: a randomized con­trolled trial. Arch Phys Med Rehabil. 2009;90:1- 8. http://dx.doi.org/10.1016/j.apmr.2008.06.031
 
[17] Bisset LM, Russell T, Bradley S, Ha B, Vicenzino BT. Bilateral sensorimotor abnormalities in unilateral lateral epicondylalgia. Arch Phys Med Rehabil. 2006;87:490-495. http://dx.doi. org/10.1016/j.apmr.2005.11.029
 
[18] Bisset L, Beller E, Jull G, Brooks P, Darnell R, Vicenzino B. Mobilisation with movement and exercise, corticosteroid injection, or wait and see for tennis elbow: randomised trial. BMJ. 2006;333:939. http://dx.doi.org/10.1136/ bmj.38961.584653.AE
 
[19] Struijs PA, Smidt N, Arola H, van Dijk CN, Buchbinder R, Assendelft WJ. Orthotic devices for the treatment of tennis elbow. Cochrane Da­tabase Syst Rev. 2002:CD001821. http://dx.doi. org/10.1002/14651858.CD001821
 
[20] Takasaki H, Aoki M, Oshiro S, et al. Strain reduction of the extensor carpi radialis brevis tendon proximal origin following the application of a forearm support band. J Orthop Sports Phys Ther. 2008;38:257-261.
 
[21] Wuori JL, Overend TJ, Kramer JF, MacDermid J. Strength and pain measures associated with lateral epicondylitis bracing. Arch Phys Med Rehabil. 1998;79:832-837.
 
[22] Wadsworth C, Nielsen DH, Burns LT, Krull JD, Thompson CG. Effect of the counterforce arm­band on wrist extension and grip strength and pain in subjects with tennis elbow. J Orthop Sports Phys Ther. 1989;11:192-197.
 
[23] Altan L, Kanat E. Conservative treatment of lateral epicondylitis: comparison of two different orthotic devices. Clin Rheumatol. 2008;27:1015-1019.
 
[24] Garg R, Adamson GJ, Dawson PA, Shankwiler JA, Pink MM. A prospective randomized study comparing a forearm strap brace versus a wrist splint for the treatment of lateral epicondylitis. J Shoulder Elbow Surg. 2010;19:508-512.
 
[25]   Jafarian FS, Demneh ES, Tyson SF. The im­mediate effect of orthotic management on grip strength of patients with lateral epicondylosis. J Orthop Sports Phys Ther. 2009;39:484-489.
 
[26]  Shamsoddini A, Hollisaz MT, Hafezi R, Amanel­lahi A. Immediate effects of counterforce fore­arm brace on grip strength and wrist extension force in patients with lateral epicondylosis. Hong Kong J Occup Ther. 2010;20:8-12.
 
[27] Bisset L.M, Collins N.J., Offord S. S. Immediate Effects of 2 Types of Braces on Pain and Grip Strength in People With Lateral Epicondylalgia: A Randomized Controlled Trial. J Othop Sports Phys Ther. Feb 2014, vol 44, number 2.