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Entrainement Neuro-musculaire chez le jeune sportif et stratégie préventive



Depuis de nombreuses années, les stratégies préventives se sont développées dans le monde du sport amateur et professionnel. Des entités issues des fédérations internationales, ont même mis en place des stratégies préventives à grande échelle (F-MARC, FIFA 11+ en football) pour diminuer le risque de blessures chez les sportifs amateurs et professionnels.
Le modèle de Van Mechelen (schéma ci-dessous) développé en 1992, demeure à ce jour toujours d’actualité pour évaluer les stratégies de prévention des blessures dans le sport
Entrainement Neuro-musculaire chez le jeune sportif et stratégie préventive

Le taux de pratique sportive chez les jeunes est élevé. La pratique du sport est un facteur prépondérant dans le maintien d'une bonne santé chez les jeunes. Elle entraine des bénéfices en particulier sur l'estime de soi, le développement des habiletés motrices, la socialisation et la réduction du stress.
Malgré cela, le sport est la cause principale de blessures chez les jeunes. En effet, les études récentes répertorient un taux supérieur à 30% de blessures chez l’adolescent dans un nombre important de pays. L’incidence des blessures chez le jeune sportif nécessitant une attention médicale, est estimée à 35 blessures pour 100 athlètes à l’année (tranche d’âge 11-18 ans). Les blessures du membre inférieur sont les plus communes, elles représentent plus de 60% du total des blessures chez le jeune sportif.  La contraction d’une blessure durant l’année, réduit la pratique des activités physiques et affectent par conséquence la santé des jeunes sportifs.
En effet, une étude de Richmond et al. parue en 2013 dans le JOSPT, montre que la diminution de participation au sport due aux blessures chez le jeune athlète est associée avec toutes les causes de morbidité confondues, le surpoids et l'obésité, et l'arthrose post-traumatique à long terme.
De précédentes études de Emery et al. montrent que le taux le plus important de blessures chez les jeunes, est répertorié dans les équipes sportives.
Pour les garçons, il est attribué aux sports suivants : hockey sur glace, football, rugby, basket-ball, course à pied et football américain.
Chez les filles, le taux le plus élevé de blessures est retrouvé en basket-ball, football, hockey sur glace, handball et course à pied.
La diminution du risque de blessures chez le jeune sportif, est donc un sujet essentiel dans l’objectif de l’amélioration de la santé des jeunes et également dans l’objectif de diminution des dépenses de santé publique.
Dans cette idée, il est donc essentiel d’évaluer l’intérêt et l’efficacité des stratégies de prévention, pour améliorer la précision de l’implémentation des méthodes préventives.
Un certain nombre d’études et cela depuis une vingtaine d’années maintenant, s’est focalisé sur l’impact de la pratique d’un entrainement neuro-musculaire, sur les facteurs de risques de blessures du membre inférieur. Nous savons par exemple aujourd’hui, qu’un entrainement neuro-musculaire focalisé sur le tronc améliore la force des abducteurs de hanche, et agit ainsi sur l’angle Q, en diminuant le valgus dynamique du genou. La connaissance du valgus dynamique du genou comme facteur de risque de lésion du LCA, en particulier chez la jeune athlète, permet à ce jour d’adapter nos programmes préventifs en lien avec cette blessure.
Le constat est similaire, lorsque l’on sait que la pratique d’un entrainement neuro-musculaire axé sur le tronc, le bassin et la hanche, améliore les résultats fonctionnels et de reprise de l’activité en compétition, chez les athlètes avec AGP (Athletic Groin Pain).
L’étude de Emery, Roy, Whittaker et al, parue en en Mai 2015 dans le BJSM, (Neuromuscular training injury prevention strategies in youth sport : a systematic review and meta-analysis) avait pour but d'évaluer l’efficacité des stratégies préventives, incluant des entrainements neuro-musculaires, chez le jeune sportif. L’objectif mené est de mettre en place des recommandations pour de meilleures pratiques et de futures recherches.
Dans leur revue systématique et méta-analyse, les auteurs ont inclus un ensemble de 25 études qui ont été catégorisées par sport. Au total, 13 études incluaient exclusivement  des athlètes féminines, 5 études des jeunes sportifs exclusivement masculins et 7 études les 2.
 
Résultats
Les résultats des différentes études montrent, que la mise en place d’un programme d’entrainement neuro-musculaire quelque soit la forme utilisée (travail de l’équilibre, force, agilité) en pré-saison et/ou durant l’échauffement, réduit l’incidence des blessures de 28 à 80% dans les sports comme le football, le football américain, le handball et le basketball. De plus, les programmes d’entrainement neuro-musculaires auraient un effet sur la diminution du risque de blessure du genou de 45 à 83%, et sur la cheville de 44 à 86%.
Peu d’études montrent que l’entrainement neuro-musculaire n’a pas d’effet préventif  chez les jeunes sportifs.
L’étude de Emery et al. nous montre que l’entrainement neuro-musculaire a un effet préventif sur le risque de blessure du membre inférieur chez le jeune athlète (IRR = 0,64 (95% CI 0,49 à 0,84)) ou qu’il entrainerait une diminution de 36% du risque de blessure du membre inférieur (figure 2 ci-dessous).
 

Discussion
La revue systématique et méta-analyse de Emery et al. montre, que les programmes  d’entrainement neuro-musculaire à visée préventive chez les jeunes sportifs, entrainent une diminution du risque de blessure du membre inférieur et suggèrent également un effet sur la diminution des blessures au genou.
L’étude suggère donc, d’implanter la pratique de l’entrainement neuro-musculaire pour diminuer le risque de blessures chez les jeunes sportifs, dans des sports avec appui comme le football, le basket-ball, le handball et le football américain.
Un des points importants que les auteurs font remarquer, est que la majorité des programmes d’entrainement inclut le travail de l’équilibre, de la force et de l’agilité.
En effet, la difficulté dans la mise en place de tels programmes, est d’évaluer la contribution de chaque composante, sur l’influence qu’il peut avoir sur la diminution du risque de blessures. En d’autres termes, la connaissance de l’impact de chaque facteur, nous permettra de préciser la mise en place de nos programmes et d’améliorer leur efficacité.
Dans cette voie, Lauersen et al. en 2014 dans le BJSM (The effectiveness of exercise interventions to prevent sports injuries: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials), montrent sur une population d’adultes et de jeunes sportifs, l’effet préventif positif de l’entrainement neuro-musculaire sur le risque de blessures, lorsque que ce dernier inclut du travail de force et d’équilibre proprioceptif, contrairement à la mise en place de programme incluant des exercices d’étirements.
Même constat pour Rossler et al. en 2014 dans Sport Medicine (Exercise-based injury prevention in child and adolescent sport: a systematic review and meta-Analysis), qui montrent un effet bénéfique de l’entrainement neuro-musculaire sur le risque de blessure du membre inférieur chez le jeune sportif. Ces derniers démontrent également des effets bénéfiques sur la diminution du risque de blessure du genou (RR = 0,32 (95% CI 0,15 à 0,68)) ainsi que sur la diminution du risque de lésion de la cheville (RR = 0,51 (95% CI 0,31 à 0,81)). Un point qui attire notre attention est que les effets bénéfiques du programme d’entrainement sont supérieurs, lorsqu’ils incluent des sauts et/ou de l’entrainement pliométrique.
Au final, il existe une certaine uniformité dans la littérature, qui supporte l’effet préventif de l’entrainement neuro-musculaire incluant la force, l’équilibre et l’agilité, pour diminuer le risque de blessure du membre inférieur chez les jeunes sportifs.
 
Conclusion
Au regard de cette étude, il nous paraît donc nécessaire de veiller à mettre en place des programmes neuro-musculaires bien orientés et adaptés, pour potentialiser nos stratégies préventives chez le jeune sportif.
Les revues systématiques et méta-analyses, permettent au fil du temps d'investiguer les notions de spécificités, en lien avec le type de population (jeunes sportifs, athlète amateur, athlète professionnel) et le type de sport. Cette démarche permet de rendre les programmes d'entrainements préventifs plus adaptés et précis.
Cependant, l'un des soucis récurrents, dans l'efficacité des programmes neuro-musculaires, réside dans la qualité de l’implémentation du programme et dans l'observance des sujets. Dans ce contexte, le rôle du coach est primordial, car ce dernier aura la plus grande influence sur la mise en place d'un programme préventif.
Steffen et al. en 2013 dans le BJSM, montrent qu’il existe une amélioration de la mise en place d'un programme préventif d'entrainement neuro-musculaire, lorsque que les coachs ont préalablement suivi des ateliers visant à améliorer leur compréhension des stratégies préventives en question.
Les auteurs concluent, qu'il est important d'évaluer et d'insister sur l'implémentation des programmes, pour déplacer les connaissances et changer les comportements.
Une grande attention devra donc être mise sur les changements de comportement chez les jeunes sportifs, mais également sur leur entourage (parents, coach, éducateur), où le coach joue un rôle fondamental dans la prévention des blessures.
Ce que nous pouvons dire à ce jour, est que l'implémentation d'un programme d'entrainement neuro-musculaire a un effet sur la réduction des blessures chez le jeune sportif, mais qu'il est nécessaire d'essayer de modifier le comportement des acteurs du sport et d'améliorer leur connaissance, pour améliorer les stratégies préventives d’un point de vue global.
 

Bibliographie
 
1 - Emery CA, et al. Neuromuscular training injury prevention strategies in youth sport: a systematic review and meta-analysis Br J Sports Med 2015;49:865–870.
2 - Richmond S, Fukuchi R, Ezzat A, et al. Are joint injury, sport activity, physical
activity, obesity, or occupational activities predictors for osteoarthritis? A systematic
review. J Ortho Sport Phys Ther 2013;43:515–24.
3 - Schiff MA, Caine DJ, O’Halloran R. Injury prevention in sports. Am J Life style Manag 2010;4:42–64.
4 - Lauersen JB, Bertelsen DM, Andersen LB. The effectiveness of exercise interventions to prevent sports injuries: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. Br J Sport Med 2014;48:871–7.
5 - Herman K, Barton C, Malliaras P, et al. The effectiveness of neuromuscular warm-up strategies that require no additional equipment, for preventing lower limb injuries during sport participation: a systematic review. BMC Medicine 2012;10:75.
6 - Emery CA, Meeuwisse WH. The effectiveness of a neuromuscular prevention strategy to reduce injuries in youth soccer: a cluster-randomised controlled trial. Br J Sports Med 2010;44:555–62.
7 - Hägglund M, Atroshi I, Wagner P, et al. Superior compliance with a neuromuscular training programme is associated with fewer ACL injuries and fewer acute knee injuries in female adolescent football players: secondary analysis of an RCT. Br J Sports Med 2013;47:986–91.
8 - Steffen K, Meeuwisse WH, Romiti M, et al. Evaluation of how different implementation strategies of an injury prevention programme (FIFA 11+) impact team adherence and injury risk in Canadian female youth football players: a cluster-randomised trial. Brit J Sports Med 2013;47:480–7.
9 -  Walden M, Atroshi I, Magnusson H, et al. Prevention of acute knee injuries in adolescent female football players: cluster randomised controlled trial. BMJ 2012;344:3042.