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Efficacité des exercices thérapeutiques dans le traitement du syndrome fémoro-patellaire : une revue systématique



Introduction
 
Le syndrome fémoro-patellaire (SFP) est un désordre structural de l’articulation fémoro-patellaire dont les principales caractéristiques sont des douleurs péri-patellaires, antérieures et même rétro-patellaires qui augmentent avec la flexion et l’extension du genou (ex. actions telles que la course, la montée et descente des escaliers, la marche, les squats, ou les postures prolongées comme position assise ou à genoux) [1,2]. Des crépitements articulaires lors des mouvements de flexion ainsi qu’une instabilité lors des actions en charge sont également fréquentes [2].
Les facteurs qui contribuent aux SFP sont peu clairs. De nombreux auteurs ont suggéré des facteurs de risque, dont une faiblesse des muscles extenseurs, en particulier du vaste médial [3], un indice de masse corporelle (IMC) important [4], un mauvais alignement des membres inférieurs, et une pronation excessive du pied faisant tourner le tibia en interne et augmentant le valgus du genou [2] ; cependant certaines preuves scientifiques suggèrent que ce ne sont pas forcément des facteurs de risque [2-4].
Etant donné que le SFP est une pathologie non dégénérative, une prise en charge conservatrice résulte souvent en une récupération complète, en particulier chez les jeunes patients [2]. Cependant, l’approche clinique appropriée pour ce syndrome reste à clarifier du fait de la variété des traitements qui sont appliqués et des études ayant analysé la pathologie  du SFP.
Bien que certaines revues à propos du SFP aient été menées, aucun auteur n’a encore fait une revue de toutes les méthodes d’exercices physiques pour les patients avec SFP [5-8]. Ainsi cette étude a pour objectif de réaliser une revue systématique pour déterminer si les traitements conservateurs qui incluent des exercices physiques améliorent la douleur et la fonction des patients avec SFP.
 
Sujets et méthodes
 
Les essais cliniques relatifs au SFP ont été considérés s’ils incluaient des exercices physiques comme prise en charge conservatrice et s’ils incluaient des outils de mesure de la douleur, tels que des échelles de douleurs, et de la fonction. Aucune limitation d’année n’a été posée pour éviter l’exclusion de résultats pertinents. Les langues considérées étaient l’anglais, l’espagnol, le français et le portugais. Les études ont été exclues si la population analysée incluait des individus souffrant d’autres pathologies associées.
La recherche a été effectuée dans PubMed, la Cochrane Library, PEDro et la base de données de l’University Library of the city. Les mots-clés suivants ont été utilisés : “patellofemoral pain syndrome” [MeSH], “physical therapeutic modalities” [MeSH], “physical therapy” [MeSH], et “physical exercise” [MeSH]. Le Critical Appraisal Skills Program en espagnol (CASPe) [9] a été a été l’échelle employée pour mesurer la qualité méthodologique et la validité des articles sélectionnés. Trois investigateurs ont évalué à indépendamment chaque article.
 
Résultats
 
La stratégie de recherche a initialement identifié 90 articles. Après analyse, 10 études ont été considérées comme remplissant les critères d’inclusion. Il y a eu un accord par rapport au score des toutes les études entre les trois investigateurs qui ont évalué les études d’après l’échelle CASPe. Le plus haut score était de 10/10, et la moyenne était de 8,5.
Les 10 études incluaient 420 sujets, avec un âge le plus fréquemment situé entre 18 et 35 ans (Table 2).
L’outil d’évaluation de la douleur était l’Echelle Visuelle Analogique (EVA) dans la majorité des études, le NRPS (Numeric Pain Rating Scale), l’AKPS (Anterior Knee Pain Scale), et le MPQ (McGill Pain Questionnaire) ont aussi été employés. Les outils d’évaluation de la fonction  étaient variés et concernaient l’état de santé général (HS : Health Status, WOMAC : Western Ontario ans McMaster Universities Osteoarthritis Index, FIQ : Functional Index Questionnaire, SF36 : Short form 36 Health Survey) et la fonction locale du genou (KES : Knee Extension Strength, LEFS : Lower Extremity Function Scale, ISM : Isometric Strength Measurement, PFJES : Patello-femoral Joint Evaluation Scale).
En ce qui concerne l'intervention, deux études ont employé des exercices pour les muscles extenseurs du genou, sept études ont inclus des exercices pour les rotateurs latéraux et les abducteurs de hanche, et une étude a considéré les exercices de stretching en plus des exercices physiques (Table 2). Les études des interventions qui incluaient des exercices des extenseurs du genou ont rapporté une réduction de la douleur et une amélioration de la fonction de genou due à une amélioration de la force des extenseurs et des amplitudes articulaires du genou chez les patients avec SFP. Les études qui ont inclus des exercices pour les rotateurs latéraux (RL) et les abducteurs de hanche ont rapporté que la combinaison du renforcement des RL, des abducteurs et du quadriceps permettait une baisse de la  douleur et une amélioration de la fonction plus précoces que dans le cadre d’un renforcement isolé du quadriceps. L’étude qui a inclus des exercices de stretching a révélé des améliorations de la douleur, de la fonction et des amplitudes articulaires du genou, mais ces résultats ont été observés lorsque le protocole de stretching incluait des techniques de PNF (proprioceptive neuromuscular facilitation) (Table 2).

Discussion
 
Le principal résultat de cette revue systématique est que les protocoles d’exercices thérapeutiques basés sur des exercices de renforcement des rotateurs latéraux et des abducteurs de hanche résultent en de meilleures améliorations de la douleur chez les patients avec SFP que les protocoles basés uniquement sur des exercices de renforcement du quadriceps [10,11].
Les exercices d’étirement des muscles du genou et de la hanche améliorent aussi la fonction, la douleur et les amplitudes articulaires des patients avec SFP, et le PNF était le type d’exercice d’étirement le plus approprié à ajouter aux exercices actifs.
Précédemment, le renforcement du quadriceps a été rapporté comme diminuant la douleur et permettant des bénéfices par rapport à la fonction dans le cadre du SFP [2,10,20,21] car un mauvais alignement patellaire peut être induit par une force plus importante du vaste médial [22,23]. Cependant, une étude de Syme et al. [11] a montré que des exercices spécifiques du vaste médial résultaient au même niveau de soulagement de la douleur que des exercices généraux pour le quadriceps [11]. Supportant ces résultats, Cowan et al. [24] ont rapporté une différence non significative entre les activations du vaste médial et du vaste latéral, ce qui suggère la difficulté d’une activation sélective du vaste médial seul [24].
Aussi, les auteurs ont statué sur le fait que la réalisation isolée des exercices du quadriceps pendant la phase initiale de la rééducation du SFP pouvait irriter les structures fémoro-patellaires à cause des effets des hauts niveaux de pression et de force lors des exercices ciblant les extenseurs faibles [11]. De plus, plusieurs auteurs ont récemment ajouté des exercices pour les rotateurs latéraux et les abducteurs de hanche dans les protocoles de traitement du SFP [12,13,15-18] du fait des influences biomécaniques de ces muscles sur l’alignement du fémur : un manque de contrôle moteur des rotateurs latéraux et des abducteurs de hanche augmenterait la rotation du fémur sous la patella lors de la position debout. De plus, la réalisation des exercices de renforcement du quadriceps avec une faiblesse de cette musculature des extenseurs augmente la pression et la force sur les structures fémoro-patellaires [25]. Nagakawa et al. [14] et Fukuda et al. [13] ont rapporté un meilleur soulagement de la douleur lorsque les patients ont réalisé une combinaison d’exercices des rotateurs latéraux, des abducteurs et du quadriceps comparée à des exercices du quadriceps seul [13,14]. Nagakawa a également rapporté une meilleure activation électromyographique du moyen fessier, qui est directement relié au soulagement de la douleur et aux améliorations fonctionnelles [14]. Ce résultat peut expliquer le soulagement de la douleur qui a été ressenti par les patients lors de la descente des escaliers [13] (situation dans laquelle les muscles de la hanche sont nécessaires au contrôle moteur [25,26] dans l’étude de Fukuda et al. [13]. De manière similaire, Dolak et al. ont rapporté un soulagement de la douleur plus précoce lorsque les patients ont réalisé 4 semaines d’exercices pour les rotateurs latéraux et les abducteurs de hanche comparés aux exercices pour le quadriceps ; ces 2 programmes ont été réalisés antérieurement aux 4 semaines de rééducation fonctionnelle [12]. En outre, Khayambashi et al. ont rapporté que la réalisation d’un renforcement isolé des muscles de la hanche réduisait l’intensité de la douleur et améliorait l’état de santé comparé à une intervention placebo [25]. Plus tard, Khayambashi et al. [16,17] ont démontré que les exercices des muscles postéro-latéraux de hanche produisaient une amélioration de la douleur plus importante et un meilleur état de santé que les exercices du quadriceps, et ces améliorations ont été maintenues après 6 mois [16,17].
De plus, les étirements des muscles du genou et de la hanche peuvent aider à améliorer la douleur, la fonction et les amplitudes articulaires des patients avec SFP. Cependant, parmi les exercices de stretching, le type PNF semble être le plus efficace par rapport à des étirements classiques, en termes de soulagement de la douleur, d’améliorations fonctionnelles et d’amplitudes articulaires du genou [19].
 
Bien que de nombreux auteurs aient examiné les influences des rotateurs latéraux et des abducteurs de hanche dans la prise en charge du SFP [13-18], l’étiologie de ce syndrome reste peu clair. De futures recherches sont nécessaires pour identifier les mécanismes étiologiques  et créer des traitements plus adéquats. Aussi, la grande variété des méthodes pour évaluer la douleur utilisées par les auteurs des études incluses dans cette revue entravent la comparaison des résultats. Alors que la majorité des études utilisent l’EVA comme instrument pour déterminer les niveaux de la douleur, le McGill Pain Questionnaire et l’Anterior Knee Pain Scale ont été également fréquemment employés pour évaluer la douleur. Concernant la fonction, la variété est plus importante, ce qui rend la comparaison des résultats très difficile.
 
La prise en charge la plus efficace du SFP inclut des exercices de renforcement des rotateurs latéraux et des abducteurs de hanche, du fait de leur rôle dans la biomécanique du genou. L’addition d’exercices pour les extenseurs de genou ainsi que du PNF améliorent le soulagement de la douleur chez les patients avec SFP.
 
Article de référence
 
Alba-Martín P, Gallego-Izquierdo T, Plaza-Manzano G, Romero-Franco N, Núñez-Nagy S, Pecos-Martín D
 
Références
 
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