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Effets de différentes techniques de stretching sur l'extensibilité et l'activité musculaires des ischio-jambiers et sur l'équilibre



Effets de différentes techniques de stretching sur l'extensibilité et l'activité musculaires des ischio-jambiers et sur l'équilibre
Introduction
 
Une réduction de la souplesse musculaire ne réduit pas seulement le niveau fonctionnel mais cause également des atteintes au musculo-squelettique à cause de la sur-utilisation [1-4]. De telles atteintes apparaissent principalement sur les muscles poly-articulaires ayant notamment un pourcentage important de fibres rapides, et les ischio-jambiers (IJ) ont été rapportés comme étant les muscles poly-articulaires les plus fréquemment atteints dans le corps humain [5].
 
Les techniques de stretching sont des traitements utilisés pour améliorer l’extensibilité musculaire afin d’améliorer les amplitudes articulaires, et peuvent aider à prévenir les atteintes au cours de la vie quotidienne ou des activités sportives, réduire les douleurs musculaires et améliorer les capacités musculaires et les performances athlétiques [6-12].
 
Les techniques de stretching sont divisées en stretching statique, stretching dynamique, auto-stretching actif, stretching balistique, stretching PNF (Proprioceptive Neuromuscular Facilitation) etc. [6,13-15]. Les techniques les plus fréquemment utilisées sont le stretching statique et les techniques de PNF.
Le stretching statique est la méthode la plus répandue pour augmenter la longueur musculaire par une inhibition autogénique excitant l’organe tendineux de Golgi, et son effet a été prouvé par plusieurs études [2,16-18]. La résistance à l’étirement musculo-tendineux implique non seulement  les propriétés visco-élastiques du muscle et du tissu conjonctif, mais aussi les réflexes neurologiques et les composantes volontaires de la contraction musculaire. La technique de stretching PNF augmente les amplitudes articulaires en effectuant une contraction musculaire volontaire et en favorisant un relâchement musculaire avant étirement de manière à réduire les composantes réflexes causant la contraction musculaire [19].
 
Bien que les effets à la fois du stretching statique et des techniques de stretching PNF sur l’extensibilité musculaire aient été prouvés, leurs effets sur le relâchement musculaire restent très ouverts à la discussion. De nombreuses études ont comparé le stretching statique à la technique PNF en termes d’extensibilité musculaire, d’activité musculaire et de génération de force, mais peu d’études ont démontré leurs effets sur les personnes ayant une raideur au niveau des IJ. De même, les recherches par rapport aux effets des techniques de stretching  sur l’équilibre sont actuellement insuffisantes. Les fibres intrafusales, l’organe tendineux de Golgi et d’autres éléments proprioceptifs assurent les rôles de détection de la position du corps et de gestion de l’équilibre. Les changements de longueur et de raideur des unités tendineuses du muscle modifient la proprioception qui, à son tour, détecte les changements environnementaux et initie les réponses musculaires correspondantes, et par conséquent influe sur l’équilibre. 
Il existe un manque de recherche sur la manière dont le stretching influence l’équilibre des patients avec des IJ raides. 
L’étude présentée ici a pour objectif de découvrir les effets de différents types de techniques de stretching sur l’extensibilité musculaire, l’activité musculaire et l’équilibre d’adultes avec une extensibilité des IJ réduite.
 
 
 
Sujets et méthodes
 
Cette expérimentation a été conduite comme un essai contrôlé randomisé avec un schéma expérimental de modèle mixte de mesures répétées.
Les sujets étaient des hommes d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années dont les systèmes nerveux et musculo-squelettique ne présentaient aucune anomalie pouvant affecter l’extensibilité des IJ et dont l’extensibilité des IJ était réduite de plus de 20°, mesurée par le test d’extension active du genou (TEAG). Les personnes avec un antécédent de blessure ayant pu affecter l’extensibilité des IJ, tel qu’une hernie discale, une atteinte des ligaments croisés, du quadriceps ou des IJ, une sciatique, etc., de même que les personnes présentant un antécédent de chirurgie des systèmes nerveux ou musculo-squelettique au cours des 5 dernières années ou celles participant actuellement à des activités telles que du stretching, du yoga, Pilates, etc. en vue d’améliorer leur souplesse, ont été exclues.
 
De manière à observer les effets de chaque technique de stretching, les 48 sujets ont été randomisés équitablement en 3 groupes : un groupe contrôle (n = 16), un groupe avec stretching statique (n = 16) et un groupe avec stretching PNF (n = 16).
Toutes les techniques de stretching ont été appliquées aux IJ en une seule fois. Afin d’assurer un temps égal entre les périodes pré-test et post-test au sein de chaque groupe, le groupe contrôle a respecté un temps de repos de 30 secondes après  le pré-test. Après que les techniques de stretching ont été effectuées, l’angle d’extension active du genou, l’activation musculaire pendant une contraction volontaire isométrique maximale (CVIM) et l’équilibre statique ont été mesurés.
 
Les techniques de stretching ont été appliquées de la manière suivante.
- Pour les techniques de stretching statique, les sujets ont été allongés sur le dos et en position relâchée. Ensuite, le bassin et la cuisse opposée au membre inférieur testé ont été fixés à la table. Les genoux en extension et la hanche fléchie au maximum par rapport à son amplitude, l’articulation de la hanche a ensuite été fléchie davantage jusqu’à étirement des IJ avec douleur légère et tolérable, et la position a été maintenue pendant 30 secondes. Après application de la technique de stretching, l’angle d’EAG et la CVIM ont été remesurés.
 
- Pour les techniques de stretching PNF, la position du sujet était la même, avec les mêmes fixations pour éviter les compensations. En gardant le genou du sujet tendu, le thérapeute a fléchi la hanche le plus possible jusqu’à ce que les IJ médiaux soient étirés avec une douleur légère et tolérable. Puis à partir de cette position, il a été demandé au sujet de tendre la hanche et de fléchir le genou afin de contracter les ischio-jambiers, et ce pendant 6 secondes. Le membre inférieur a ensuite été relâché sur la table pendant 5 secondes. La manœuvre a été répétée trois fois. Les mesures ont ensuite été reprises.
 
Le TEAG mesure l’extensibilité des IJ. Pendant que le sujet est en décubitus sur une table, une ligne reliant la malléole latérale à l’apex de la fibula est tracée. Le sujet doit ensuite fléchir la hanche jusqu’à 90° et tendre son genou au maximum, tout en ayant le membre inférieur opposé ainsi que le bassin fixés à la table. Ensuite, le sujet doit étendre sa hanche au maximum à 6 reprises pour prévenir les tremblements musculaires.. Lors de la 6e extension, l’angle entre la ligne tracée et l’axe vertical perpendiculaire au sol est mesuré. Une forte diminution de cet angle indique une meilleure extensibilité des IJ.
 
Pour mesurer l’activité musculaire pendant la CVIM, les contractions des IJ ont été mesurées par électromyogramme de surface (EMGs).
 
L’équilibre statique a été évalué par l’utilisation d’une plateforme de force, comportant 1504 capteurs de pression espacés d’un centimètre d’intervalle sur une surface de 32 par 47 cm. Les sujets ont du se tenir debout pieds nus sur la plateforme en plaçant leurs pieds dans la position la plus confortable. Le balancement postural a été mesuré pendant 30 secondes. L’effet de la fatigue musculaire a été minimisé en permettant un temps de repos de 3 minutes entre chaque mesure. Trois mesures ont été réalisées. La moyenne des trois a été calculée.
 
Le risque alpha a été établi à 0,05.
 
 
Résultats

 
Les caractéristiques des sujets au départ n’ont montré aucune différence statistiquement significative.
 
Des différences significatives ont été trouvées pour l’amplitude d’EAG après application des techniques de stretching (p < 0,05). Les deux groupes ont montré des augmentations significatives de ce paramètre comparés au groupe contrôle (p < 0,05). Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe stretching statique et le groupe stretching PNF.
L’activité musculaire pendant la CVIM n’a montré aucune différence statistiquement significative après application des techniques de stretching au sein des groupes. Elle a seulement augmenté dans le groupe stretching statique (p < 0,05). Une diminution de l’activation musculaire pendant la CVIM indique un relâchement musculaire. Dans cette étude, seule la longueur des IJ a augmenté.
Il n’y avait pas de différence significative d’équilibre entre les groupes. L’équilibre statique n’a montré aucune différence significative entre avant et après l’application du stretching dans aucun des groupes.
 
 
Discussion
 
La durée et la fréquence précises sont très importantes lors de l’application de techniques de stretching. Bandy et Irion [16] ont statué qu’appliquer une technique de stretching en une fois pendant 30 secondes était la durée la plus efficace, car l’extensibilité n’était pas plus améliorée lors d’applications plus longues que 30 secondes [17]. Dans cette étude, les auteurs ont examiné les effets sur l’extensibilité musculaire d’applications de techniques de stretching pendant 30 secondes en une fois chez des adultes présentant une raideur au niveau des IJ. Les deux méthodes ont provoqué des augmentations significatives d’extension du genou comparées au groupe contrôle. Une étude comparant les effets à long terme du stretching statique, de l’auto-stretching actif et des techniques de stretching PNF chez des adultes avec raideur des IJ a rapporté que seul le groupe ayant reçu du stretching statique a montré  une différence significative par rapport au groupe contrôle, et que l’application d’auto-stretching actif et de techniques de PNF 3 fois par semaine en suivant  la même organisation que les techniques en statique n’était pas suffisante pour l’étirement d’un muscle IJ contracté [14]. A contrario, plusieurs recherches ont statué sur le fait que les techniques de PNF sont plus efficaces pour augmenter la mobilité que le stretching statique [25].
Les changements neurologiques après application de techniques de stretching peuvent être confirmés par l’activité isométrique musculaire [24,26,27], l’activité musculaire pendant le stretching [28] et le réflexe H [29].  Les effets sur l’activité musculaire de chaque type de stretching ont été comparés dans cette étude, mais les techniques de stretching n’ont montré aucune différence d’effet.
L’équilibre est permis par l’interaction entre les réflexes automatiques de posture et les mouvements volontaires [32,33]. Sur une surface instable, les mouvements volontaires du corps et des membres, s’ajustant aux changements posturaux, deviennent plus importants. Dans la présente étude, contrairement aux résultats de précédentes études, le stretching n'augmente pas le balancement postural des patients avec des IJ raccourcis ; ce balancement a plutôt une tendance à la diminution, bien que cela ne soit pas statistiquement significatif. Cela signifie que l'application de stretching peut produire un effet opposé dépendant des conditions des sujets, et un entraînement approprié doit être conduit pour produire un effet d'échauffement. Les auteurs ont considéré que l'effet sur l'équilibre des techniques de stretching n'était pas observé dans leur étude, car la fréquence et la durée de l'étirement étaient insuffisantes.
 
 
Conclusion
 
En se basant sur les résultats de cette étude, l'application de techniques de stretching statique ou de techniques de stretching PNF pour des muscles IJ raccourcis est efficace pour augmenter l'extensibilité musculaire sans réduire l'activité musculaire, sans qu'aucune différence significative ne soit trouvée entre ces deux techniques. Malgré les résultats d'études précédentes qui ont appliqué des techniques de stretching à des adultes normaux, le balancement postural n'a pas été augmenté après application de stretching à des patients avec raccourcissement des IJ. Les résultats de cette étude devraient apporter des données utiles à l'amélioration de l'état fonctionnel dans le cadre de plusieurs maladies causant une raideur des IJ.
 
 
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Article de référence : Lim KI, Nam HC, Jung KS. Effects on hamstring muscle extensibility, muscle activity, and balance of different stretching techniques. J Phys Ther Sci. 2014 Feb;26(2):209-13.