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Effets à long terme des exercices thérapeutiques médicaux chez des patients avec syndrome fémoro-patellaire

Résultats d'un essai contrôlé randomisé en simple aveugle avec 12 mois de suivi



Revenons ici sur le syndrome fémoro-patellaire (SFP), bien connu des kinésithérapeutes. Rappelons-en le symptômes principal : la douleur, aboutissant le lus souvent à une altération de la fonction. Basés sur des concepts théoriques sous-jacents et sur de précédentes recherches, plusieurs facteurs ou déficiences tels que la faiblesse musculaire, les altérations structurelles et biomécaniques des extrémités inférieures, la qualité du mouvement ou encore les facteurs psychologiques ont été suggérés comme contributifs à l'occurrence du SFP. Il n'y a aucun accord sur l'étiologie du SFP ou du traitement le plus approprié, mais il existe un consensus général comme quoi l'approche préférentielle en tant que traitement est non chirurgicale [1].
 
Plusieurs approches de traitement ont été étudiées, montrant des résultats fructueux à court terme. Cependant, il semble qu'il y ait un manque de résultats à long terme lors du traitement du SFP. Il est rapporté qu'environ 25% des patients continuent de présenter des douleurs et des dysfonctions un an ou plus après avoir bénéficié de séances de physiothérapie, et la physiothérapie est le traitement conservateur le plus communément utilisé pour le SFP [2].
 
Cette étude [3] est le suivi à un an d'un précédent essai contrôlé randomisé (ECR) multicentrique [4], qui a évalué deux différents programmes d'exercices thérapeutiques chez des patients avec SFP. L'ECR initial a révélé des différences cliniquement importantes et statistiquement significatives entre les deux groupes après une période d'intervention de 12 semaines, indiquant que les exercices thérapeutiques médicaux (ETM) à haute dose et à haute fréquence sont plus efficaces qu'à base dose et à faible fréquence dans ce groupe de patients.
 
Méthodes
 
Design de l'étude
L'étude originale était un ECR multicentrique, dont la description incluait un an de suivi. La présente étude est l'étude du suivi.
 
Sélection des patients
Lors de l'ECR de départ, les patients ont été recrutés selon les critères suivants : 
- critères d'inclusion :
- douleur antérieure ou rétropatellaire pendant au moins deux des activités suivantes : station assise prolongée, montée des escaliers, squat, course, position à genoux et saut,
- apparition insidieuse de symptômes sans relation avec un incident traumatique,
- présence de douleurs à la palpation des facettes patellaires ou tests physiques positifs lors du grinding de la patella, du test de Clarke (grinding de la patella avec contraction du quadriceps), crépitement de la patella.
- âge entre 16 et 50 ans avec un SFP non traité  et des symptômes depuis au moins deux mois.
 
- critères d'exclusion : arthrose de genou, épisode antérieur de blessure au genou, opération du genou, tendinopathie patellaire, maladie d'Osgood Sclatter, autres pathologies du genou.
 
Randomisation
 
Les patients ont été randomisés dans le groupe contrôle ou dans le groupe expérimental, par la méthode des blocs. L'aveuglement a été conservé pour les participants et les thérapeutes jusqu'au début du traitement.
 
Taille de l'échantillon
 
Elle a été calculée sur la base d'une différence prédéterminée entre les deux groupes de traitement de 20 % de changement au niveau de la douleur sur l'échelle visuelle analogique.
Cet effet est considéré par rapport à une différence minimum cliniquement importante basée sur les résultats d'études comparatives préalables. 
Le calcul de la taille de l'échantillon avec un écart type de 2 cm, a montré que 17 participants étaient nécessaires dans chaque groupe pour avoir une puissance de 80 % pour détecter une différence de 20 %  en tant que statistiquement significative à 5 %.
 
Pour le propos du suivi de cette étude, tous les participants ayant réalisé l'intervention et les procédures pré- et post- intervention dans l'ECR de départ et ayant été ainsi inclus dans l'analyse, ont été invités à passer le test de suivi.
 
Interventions
 
Les deux groupes ont réalisé des ETM de manière plus ou moins importante : à haute dose et haute fréquence pour le groupe expérimental / à basse dose et basse fréquence pour le groupe contrôle. Le terme "haute dose haute fréquence" fait référence à un plus grand nombre d'exercices, à un plus grand nombre de répétitions et de séries, et à un  taux considérable d'exercices en aérobie / en global par l'utilisation d'un vélo fixe dans le groupe expérimental. Pour le groupe contrôle, les sujets ont eu un nombre moindre d'exercices, de répétitions et de séries, ainsi que des séquences courtes d'exercices en aérobie / en global. Les paramètres de dosage dans le groupe contrôle ont été mesurés en accord avec les principes traditionnels d'exercices de renforcement, couramment prescrits pour les patients avec SFP. 
 
Pour les patients des deux groupes, la charge et l'amplitude ont été mesurées de manière à rendre le programme approprié et faisable avec le moins d'inconfort possible.
Les individus ont réalisé les exercices spécifiques à leur groupe de manière individuelle 3 fois par semaine pendant 12 semaines, toujours sous surveillance du même thérapeute. Le nombre d'exercices, de répétitions, de séries et la durée des exercices en aérobie ont été maintenus constants dans les deux groupes tout au long de l'étude.
 
Entre l'après-intervention et le suivi, aucune intervention n'a été rajoutée. L'activité générale des participants pendant cette période d'un an n'a pas été contrôlée.
 
Mesure des résultats
 
Il s'agit des mêmes mesures réalisées lors du premier ECR, à savoir la douleur en tant que résultat principal (sur l'EVA). Un changement de 1 à 2 / 10 a été considéré comme une différence cliniquement importante.
Le résultat secondaire était la fonction, mesurée par le test de descente des escaliers et avec le "modified Functional Index Questionnaire" (FIQ).
 
Le test de descente des escaliers est un test unilatéral réalisé sur une marche de 20 cm de haut, et correspond à une descente jusqu'à ce que le talon frôle le sol, puis retour en extension de genou, avec comptage du nombre de répétitions réalisées en 30 secondes.
Le FIQ comprend 8 questions faisant référence aux activités qui sont en général problématiques chez les patients avec SFP, chaque activité étant notée sur une échelle de trois points (0 = infaisable, 1 = possible avec difficultés, 2 = sans problème). Le modified FIQ, appliqué ici, comprend une catégorie supplémentaire. Un changement de "un" à deux questions ou de "2" à une question est considéré comme une différence cliniquement importante.
 
L'investigateur principal de l'étude (qui n'était pas l'un des thérapeutes lors de l'entraînement) était en aveugle des processus de recrutement, d'inclusion, d'intervention et d'évaluation. Il en a été de même lors de l'étude à un an.
 
Les deux genoux ont été testés, mais c'est le genou présentant le plus haut niveau de douleur qui a été conservé pour les évaluations.
 
Résultats
 
Dans les deux groupes, certains participants ont été perdus de vus. Mais comme les groupes restaient encore comparables en ce qui concerne les facteurs en question avec un nombre égal de participants (14), les analyses comparatives ont été effectuées.
 
Caractéristiques à la base et comparabilité
 
Les deux groupes ont été déterminés comme comparables au départ au niveau des variables démographiques et des variables de résultats.
 
Mesure des résultats
 
Les deux groupes ont montré une réduction de la douleur après trois mois de traitement. Plus précisément, il y avait des différences significatives (p < 0,05) entre les groupes, en faveur du groupe expérimental. 
Les résultats après suivi montrent que les différences entre les groupes ont été maintenues après un an et même améliorées pour la douleur moyenne et pour la descente des escaliers avec des différences significatives : -1,8 pour la douleur moyenne (IC 95 % -2,7 à -1) et 4,5 pour la descente des escaliers (IC 95 % 2,4 à 6,5). Pour le FIQ, les résultats objectivent une différence de 1,1 (IC 95 % -1,1 à 3,3).
 
Discussion
 
Les résultats indiquent une amélioration continue dans le groupe expérimental et une dégradation dans le groupe contrôle entre l'évaluation post -test et l'évaluation à un an.
Les différences entre les groupes démontrées en post-intervention ont été maintenues et même améliorées un an après réalisation de l'intervention.
 
Limites
 
Une limite évidente de cette étude réside dans les abandons, malgré l'utilisation d'une méthode statistique appropriée. Il reste incertain de savoir si les abandons se seraient distingués du reste du groupe à un an de suivi à l'égard des mesures de résultats.
Il reste également difficile d’évaluer  ce qui s'est passé pour les participants entre l'évaluation post-intervention et le suivi, car l'étude n'a pas eu de contrôle ou de mesure de l'activité au cours de cette période. Il aurait été possible de réaliser cette étude de façon rétrospective, par exemple par un questionnaire donné à chacun des participants ayant terminé les tests de suivi.
 
Conclusion
 
Il semblerait que la réalisation d'exercices thérapeutiques médicaux à haute dose et à haute fréquence ait des effets à long terme chez les patients présentant un SFP par rapport à des mesures de douleur et de fonction. Un an après réalisation du test post-intervention, les différences entre les groupes sont maintenues et même améliorées (plus précisément amélioration pour le groupe expérimental contre dégradation pour le groupe contrôle).
 
 
 
Aurélie MORICHON

 
[1] Bolgla LA, Boling MC. An update for the conservative management of patellofemoral pain syndrome: a systematic review of the literature from 2000 to 2010. Int J Sports Phys Ther 2011;6(June (2)):112–25.
 
[2] Piva SR, Fitzgerald GK, Irrgang JJ, Fritz JM, Wisniewski S, McGinty GT, et al. Associates of physical function and pain in patients with patellofemoral pain syndrome. Arch Phys Med Rehabil 2009;90(2):2852–95.
 
[3] Østerås B, Østerås H, Torstensen TA. Long-term effects of medical exercise therapy in patients with patellofemoral pain syndrome: results from a single-blinded randomized controlled trial with 12 months follow-up. Physiotherapy. 2013 Dec;99(4):311-6. doi: 10.1016/j.physio.2013.04.001. Epub 2013 Jun 10.
 
[4] Østerås B, Østerås H, Torstensen TA, Vasseljen O. Dose–response effects of medical exercise therapy in patients with patellofemoral pain syndrome: a randomised controlled clinical trial. Physiotherapy 2013;99(June (2)):126–31.
 
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