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EXISTE-T-IL UN LIEN ENTRE LE DYSFONCTIONNEMENT DE L’EPAULE ET L’INSTABILITE DU TRONC ?



 
RESUME
Souvent, la plupart des athlètes se blessent au niveau de l’articulation gléno-humérale à cause d’une instabilité. Cependant, on a peu de connaissances actuellement sur le lien possible entre le gainage et la pathologie de l’épaule chez les athlètes.

Objectif: le but de cette étude fut d’analyser la différence entre des athlètes sains et ceux ayant un dysfonctionnement de l’épaule en ce qui concerne les mesures de la stabilité. Le second but fut d’explorer la relation entre les mesures de la stabilité et les mesures du dysfonctionnement de l’épaule.

Méthode: les athlètes participants étaient 28 hommes et 33 femmes ayant pour moyenne d’âge 19,3 (1.1) ans, de poids moyen 78,7 ± (16,7) kg, de taille moyenne 1,72 (8,9)m. On a évalué les différents scores des questionnaires fonctionnels (Kerlan-Jobe Orthopaedic Clinical Scale [KJOC] et le QuickDASH sports module) ainsi que le Single-Leg Stance Balance Test (SLBT), Double Straight Leg Lowering Test (DLL), Sorenson Test, et Modified Side Plank Test.

Résultats: le MANOVA était intéressant (p = .038) pour la comparaison entre le groupe expérimental et le groupe contrôle pour les scores du Right SLBT. Le groupe expérimental avait beaucoup moins d’équilibre que le groupe contrôle avec des moyennes de 10.14 ± (5.76) secondes et 18.98 ± (15.22) secondes respectivement. De plus, un lien positif a été trouvé entre le DLL et le KJOC (r = .394, p > .05) et un lien négatif entre le Right SLBT et le Quick DASH sports module (QD) de (r = –.271, p > .05).


Discussion et Conclusion:

Un déficit de stabilité a été retrouvé chez les athlètes ayant un dysfonctionnement de l’épaule. Appuyé par cette étude, plus le dysfonctionnement de l’épaule est grand, plus la stabilité et l’équilibre sont déficients. Les thérapeutes et les entraineurs devront intégrer l’entrainement de l’équilibre comme une partie fondamentale du gainage lors de la rééducation des athlètes souffrant de pathologie d’épaule.

 
 
INTRODUCTION

Les athlètes effectuant des mouvements au dessus de la tête requiert un geste de grande qualité à très haute vitesse. Pour cela, il est nécessaire souplesse, force musculaire, coordination, synchronisation et contrôle neuromusculaire de l’ensemble de l’épaule. 1  
En considérant la grande sollicitation de l’épaule lors de ces mouvements aériens, elle est par conséquent l’une des zones du corps humain la plus lésée.1
Les blessures de l’épaule comprennent les conflits (impigement syndrome), les pathologies de la coiffe des rotateurs, la tendinopathie du long biceps, et les atteintes du labrum. 2
Afin de maintenir une stabilité fonctionnelle du membre lors du mouvement, il est nécessaire d’avoir une force musculaire adéquate et endurante au niveau de la colonne lombaire. Cette zone est le centre et inclut antérieurement les muscles abdominaux, sur le plan postérieur les paravertébraux et les fessiers, sur le plan supérieur le diaphragme, et inférieur le plancher pelvien et la musculature de la hanche.3
Cette musculature est activée par le « feed-forward » lors du mouvement du membre supérieur.4  Ce mécanisme se déclenche afin de préparer l’organisme à une éventuelle perturbation de la stabilité de la colonne vertébrale au début des mouvements. 4 Dans les sport, la qualité du geste sportif est primordiale, où le centre est le lien de base entre tous les muscles des membres supérieurs et inférieurs.5 Certains liens ont été fait également entre le gainage et la performance physique. 3  Cette stabilité a prouvé être un élément essentiel de l’efficacité biomécanique, permettant à l’athlète de produire un maximum de force tout en minimisant la charge appliquée au niveau des articulations périphériques. Ceci est très important lors des mouvements complexes tels que : courir, sauter, nager,  et lancer.6  A cause de la nature tridimensionnelle des mouvements complexes, les athlètes doivent avoir une force adaptée afin de développer une parfaite stabilité lors d’une grande variété de mouvements. 7,8
Le gainage devient un sujet populaire lors de la recherche en kinésithérapie pour la prévention des pathologies de la colonne vertébrale et des membres inférieurs. L’équilibre est une composante intégrale du gainage. La plupart des déséquilibres neuromusculaires se déroulent entre les muscles synergiques et antagonistes. Ceci est caractérisé par une activation tardive des muscles du tronc et un refus de l’activation des muscles agonistes. Ce déséquilibre provoque une instabilité et un mouvement excessif de l’articulation lors du geste aérien. 10  Ce schéma mal exécuté peut provoquer un grand traumatisme sur l’articulation, mais également augmenter le risque de dysfonctionnement et apparition de la douleur. 10  Si ce déséquilibre s’installe durablement, on retrouvera des mouvements compensatoires permettant de retrouver une mobilité correcte, résultant le plus souvent sur des atteintes tissulaires. 10
Il existe très peu de publications sur les pathologies de l’épaule et le gainage. Vu le grand nombre de blessures de cette articulation chez les athlètes pratiquant des gestes répétitifs aériens, on se doit d’examiner la corrélation entre ces pathologies et le gainage au niveau de la force et de l’équilibre. L’objectif de cette étude fut d’analyser la différence des athlètes sains et ceux atteints d’un dysfonctionnement de l’épaule à partir des données de gainage. Le second objectif fut de rechercher le lien entre les données de gainage et les données de dysfonctionnement de l’épaule.


METHODES

61 athlètes (28 hommes et 33 femmes), ont été choisies pour participer à cette étude. Leur âge était de 19.3 ± (1.1) ans, leur poids de 78.7 ± (16.7) kg., et leur taille de 172.2 ± (8.9) cm en moyenne.  Il y avait 6 footballeurs, 7 nageurs, 3 joueurs de water-polo, 31 joueurs de lacrosse, un joueur de baseball, 6 de softball, 6 lanceurs de javelot, et 6 basketteurs). 48 de ces athlètes étaient sains, et 14 présentés un dysfonctionnement de l’épaule. Les sujets étaient considérés comme ayant un dysfonctionnement de l’épaule s’ils n’avaient pas eu de traumatisme direct et avaient un score au test KJOC inférieur à 80. 11  On a exclut de l’étude les athlètes en phase aigue de leur blessure.
Après avoir récolté les données des athlètes grâce au KJOC et aux échelles QD, les sujets ont réalisé les tests de gainage suivants : Single-Leg Stance Balance Test (SLBT), Double Straight Leg Lowering Test (DLL), Sorensen Test, et Modified Side Plank Test.
Lors du SLBT, le participant essayer de se maintenir en équilibre sur une seule jambe avec les yeux fermés, les bras croisés sur la poitrine, avec la jambe controlatérale fléchie, et le pied à hauteur de la cheville opposée. Le test était ensuite répété sur l’autre membre inférieur avec le même procédé.  On retenait le meilleur score après trois essais. 12

Lors du DLL, on testait la force musculaire abdominale. Les participants s’allongeaient sur le dos, en flexion de hanche à 90 degrés et les genoux fléchis bien dans l’axe. On demandait alors une expiration afin de réduire la courbure lombaire, on mesurait l’angle de flexion de hanche avec un goniomètre à partir duquel le sujet commencer à décoller la courbure lombaire du sol.  Pour le test de Sorenson, on testait la musculature dorsolombaire. Et enfin pour le Modified Side Plank Station, on testait la musculature latérale du tronc  (image 1) en demandant à l’athlète de décoller le bassin le plus haut possible.

RESULTATS

Les six variables différentes ont été analysées (le test de Sorensen, le DLL test, droite et gauche Side Plank tests, droite et gauche SLBT) entre les sujets sains (groupe contrôle n = 47) et les sujets ayant un dysfonctionnement de l’épaule (groupe expérimental n = 14). MANOVA était intéressant p = .038 lors de la comparaison entre les deux groupes pour le SLBT droit. Le groupe expérimental avait un équilibre très inférieur comparé au groupe contrôle avec des moyennes ± (SD) de 10.14 ± (5.76) et 18.98 ± (15.22) respectivement. Aucune autre différence statistique significative n’a été trouvée entre les autres variables dépendantes (voir tableau 1). Un lien positif modéré a été retrouvé entre le Double Leg Lowering Test et le questionnaire KJOC avec r = .394, p > .05. Egalement, un lien négatif a été trouvé entre le Test right single leg Balance et le QuickDASH sports module avec r = –.271, p > .05. Ces deux liens nous permettent d’affirmer qu’un plus grand dysfonctionnement de l’épaule est associé à un plus grand déficit d’équilibre et de stabilité.

DISCUSSION

D’après les résultats de cette étude,  l’équilibre était statistiquement plus faible chez les participants ayant un dysfonctionnement de l’épaule comparé aux sujets sains. Sachant que l’équilibre est une des composantes du gainage, on peut en déduire que les athlètes « overhead » pathologiques qui ont participé à cette étude n’ont pas eu une bonne stabilité comparés aux sujets sains. En accord avec Gribble et Hertel, le SLBT était utilisé comme instrument de mesure du contrôle postural statique. La posture est essentielle chez les athlètes, car il indique la qualité de la fonction neuromusculaire et de la stabilité, très importants dans la prévention et la rééducation.  Le SLBT Test est très facile à mettre en application et permet une parfaite évaluation du gainage. D’ailleurs, Cosio-Lima, Reynolds, Winter, Paolone, et Jones17  recommandent ce test pour évaluer la stabilité du tronc chez des patients lombalgiques. On n’a pas retrouvé de différence intéressante entre le groupe contrôle et le groupe expérimental pour les scores du Side Bridge Test. L’utilisation du test de Sorensen pour mesurer le gainage en sollicitant l’endurance isométrique des extenseurs du tronc est souvent mentionnée dans la littérature. C’est le meilleur test utilisé pour mesurer les muscles extenseurs du tronc. On n’a pas retrouvé de résultats différents entre les deux groupes lors de cette étude. Pour les muscles stabilisateurs fléchisseurs, on a utilisé le DLL Test, et l’on a retrouvé un score plus faible chez les sujets atteints de lombalgie comparé au groupe sans douleur. 
Les résultats de cette présente étude confirment que les résultats du KJOC étaient modérément liés aux scores du DLL.
 
Bien qu’il existe un large éventail de preuves pour valider le lien entre un problème de l’épaule et le gainage, il existe des informations pour montrer comment la musculature est activée pendant les mouvements des membres supérieurs. 4  Les résultats de la présente étude sont en accord avec Brumitt and Dale, qui recommandaient l’intégration d’exercices de gainage lors des protocoles de rééducation des pathologies de l’épaule des athlètes.4
Les conclusions précédentes sont cliniquement correctes mais statistiquement insignifiantes à la vue des données recueillies sur le lien entre le gainage et la pathologie d’épaule. Cela est vrai pour plusieurs raisons, la plupart des tests utilisés lors de cette étude ont été modifiés afin de réduire la tension et la pression sur le complexe articulaire de l’épaule. Deuxièmement, la batterie de tests utilisée doit être adaptée à la population générale et non pas aux individus ayant un dysfonctionnement de l’épaule. Et dernièrement, les sujets pathologiques, n’étaient pas en phase aigue et avaient tous des scores élevés lors des questionnaires fonctionnels.


LIMITES DE CETTE ETUDE
Une des limitations de cette étude est le faible nombre de participants ayant un dysfonctionnement de l’épaule, les critères d’inclusions strictes, et l’absence de tests dynamiques multidimensionnels. Enfin, le fait d’avoir modifier le Side Plank Test afin de réduire la gêne des sujets pendant leur réalisation, a sûrement annulé la validité de son utilisation.
 
CONCLUSION

Les résultats de cette étude ont démontré que les athlètes « overhead » ayant une atteinte de l’épaule, avaient un déficit d’équilibre comparé aux athlètes sains. De plus, on a retrouvé un lien entre cette pathologie et une diminution de la performance au niveau du gainage de ces athlètes. Ces résultats devront inciter à intégrer l’entrainement de l’équilibre et du gainage lors des protocoles de rééducation des athlètes atteints de pathologies d’épaules.
 
 
 
 
 Par Jérémy DA SILVA

BIBLIOGRAPHIE
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