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EXCLUSIVITE : Synthèse 6th Muscle Tech Network Barcelona

Arnaud douville de Franssu, représentant de Kinesport lors de ce congrès, nous livre sa synthèse riche d'enseignements.



 Introduction


L’importance des lésions musculaires dans le sport et particulièrement dans le football est malheureusement un fait et n’est plus à démontrer. Un tiers des blessures dans le football sont des lésions musculaires (Andersen 2004, Ekstrand 2013) et bien que le corps humain possède environ 200 muscles, 95% de celles-ci sont réparties chez 4 muscles (Ischio-jambiers 37%, adducteurs 28%, quadriceps 17% et triceps sural 13%) (J. EKSTRAND).

Synthèse du colloque

Le football devance le handball, le rugby, l’athlétisme et le basket. Ces 5 sports représentant le « top five » des sports où l’on retrouve des lésions importantes des ischio-jambiers. Même si les raisons ne sont pas évidentes et scientifiquement prouvées, on peut avancer le niveau de professionnalisme qui a entrainé chez ce quintet une charge plus intense de travail sur les organismes tant au niveau de la force que de la vitesse. En effet, il existe une relation entre le niveau d’expertise du club et le taux de blessures musculaires (exemples Manchester United, Arsenal, PSG, Barça… ?). De même, le rôle « délétère » d’un encadrement médical omniprésent sur lequel pèsent des pressions quotidiennes peut jouer un rôle par la précipitation des décisions de remise sur le terrain. Ceci se retrouve peu dans le sport semi-professionnel ou amateur (L.TIL).
Les données épidémiologiques montrent également un pic de blessures entre 12-25 ans et selon le mois de la saison. Ainsi 2 hausses de blessures aux ischio-jambiers sont retrouvées en octobre et en avril (L.TIL). Peuvent-elles être expliquées respectivement par la hausse de la charge d’entrainement dû à la reprise du championnat et par le début des phases finales de coupes (fatigue et intensité de la compétition)? Aucunes réelles explications n’est avancées.
Un fait intéressant est rapporté par C. EIRALE (Aspetar) qui note que bien que les localisations, le taux de blessures musculaires (50% des blessures totales) et le moment d’occurrence prédominant (match) soient en tous points similaires entre le football européen et asiatique (Qatar), le temps de récupération est plus long dans la « Qatar Stars League » mais le taux de récidive est plus bas. Cela étant dû à une réhabilitation moins agressive (moins de pression sur le staff médical ?) et plus de conformité entre les clubs dans les recommandations thérapeutiques avant le retour sur le terrain. Il met également en exergue le fait qu’un haut degré de température n’a pas d’influence spécifique sur le taux de blessures aux ischio-jambiers mais peut engendrer, par la fatigue centrale créée, des blessures aux localisations différentes (cheville, genou, épaule…).

C. ASKLING différencie au travers d’études randomisées contrôlées (RCT) 2 mécanismes de blessures qui provoquent 2 localisations lésionnelles différentes sur les ischio-jambiers : le « sprinting type » et le « stretching-type » (overstretching) qui arrivent, comme précédemment énoncé, majoritairement en match (80%).
Le sprinting type, comme son nom l’indique survient chez les sprinters ou tout sportif impliqué dans une course à haute vitesse. Si la lésion ne survient pas en match, elle est provoquée presque la moitié du temps par des « high speed drills » à la fin d’un entrainement. Celle-ci  touche majoritairement la longue portion du biceps fémoral (79%) à son insertion haute (7.4 cm de la tubérosité ischiatique) sur une longueur moyenne de 14,7 cm. Le moment de la blessure correspond à la phase finale de la phase oscillante du sprint (late phase swing) où la force excentrique appliquée aux ischio-jambiers est maximale. Bien que Mann (1981) supposait que la lésion des ischio-jambiers arrivait lors du contact initial avec le sol (early ground phase) dû aux moments de force maximaux du genou et de la hanche en concentrique, Lieber et al (1993) ont montré au contraire que la contrainte maximale sur le muscle était lors de l’application d’une force externe soit lors du mouvement excentrique. Lors de la phase oscillante, l’étirement des ischio-jambiers n’est pas maximal. Ce n’est donc pas l’étirement à proprement dit qui cause la blessure mais le pic de force excentrique appliqué au muscle qui tant bien que mal essaie de garder sa vitesse (B. HEIDERSCHEIT). E. WITVROUW précise même que les deux muscles les plus sollicités lors de cette phase oscillatoire sont le biceps fémoral et le semi-tendineux. Le biceps fémoral est activé de façon prédominante dans l’amplitude moyenne (à externe) de la phase oscillatoire (Higashihara et al. 2010, Schache et al. 2013) tandis que le semi-tendineux est plutôt l’acteur principal de l’amplitude terminale (Onishi et al. 2002, Higashihara et al. 2010, Schache et al. 2013). Le biceps fémoral n’étant pas fait pour ce type de travail excentrique intense (petite longueur de fascicule), il sera alors plus prédisposé à lâcher. Il est important également de savoir que le semi-tendineux est le muscle des ischio-jambiers à l’activité métabolique la plus intense. Or, on retrouve chez les joueurs blessés une baisse significative de l’activité métabolique de ce dernier au profit d’une augmentation de celle du  biceps fémoral (système d’auto-régulation). Ceci amène à une baisse préalable de l’efficacité excentrique des ischio-jambiers dans la phase finale oscillatoire du sprint et provoque une lésion musculaire du biceps fémoral, pauvre victime de la baisse d’activité du semi-tendineux.

Concernant le mécanisme lésionnel mentionné précédemment, il en est de même pour la lésion du triceps sural qui survient au contact du sol lors d’un retour d’appui ou de saut. Celle-ci se déclare à l’image des ischio-jambiers juste avant la fin d’amplitude lors d’une phase « semi-isométrique » entre la fin de la phase excentrique de réception (énergie cinétique emmagasinée) et la phase concentrique de propulsion (énergie cinétique restituée).
Un aparté est fait sur le moment de blessure du quadriceps qui a contrario serait lors de la phase de frappe du ballon, soit un mouvement concentrique, donc de raccourcissement du muscle. Cependant, il s’avère que la lésion survienne non pas en réalité dans des frappes « statiques » (coup franc, dégagement) mais plus dans des frappes « dynamiques » suivant un sprint. Les lésions quadricipitales seraient donc plus en relation avec une vitesse de course suivie d’un appui bref préparant la frappe (décélération brutale) qu’une distance de frappe. 

C. ASKLING et A. SHIELD précisent que suite à une lésion musculaire du biceps fémoral, on retrouve très fréquemment une inhibition de la force excentrique de ce dernier (Greig 2008). Ainsi, lors de la réhabilitation, on constate une difficulté à  « réactiver » la longue portion du biceps fémoral au profit d’une haute activité du court biceps fémoral qui provoquera à terme une dis-balance musculaire entre les deux portions. Il faut donc se focaliser sur le renforcement spécifique de la longue portion du biceps fémoral par des exercices d’extension de hanche avec le genou fléchi et en rotation latérale (le pont fessier unilatéral surélevé en est un bon exemple contrairement au biceps curl ou le nordic hamstring (Arnasson 2008) qui renforceront principalement le court biceps et le semi-tendineux). Le « good morning » avec barre ou tirante musculador en sont deux autres exercices adéquats.

En effet, après une lésion, le biceps fémoral peut garder jusqu’à 6 mois, si la réhabilitation n’est pas axée fortement sur la longue portion, une faiblesse importante en excentrique contrairement au semi-tendineux et membraneux qui maintiennent leur force (Croisier et Crielaard 2000, Opar et al 2013). A l’IRM, B. HEIDERSCHEIT constate que l’architecture du muscle se modifie également par une diminution de la longueur des fascicules (et donc de la longueur optimale à freiner le mouvement) et une amyotrophie du long biceps (environ 12%) au profit d’une augmentation de volume du court biceps (environ 22%). Le muscle devient plus graisseux et le tendon s’élargit avec une mobilité réduite du tissu musculaire aux abords de la cicatrice (Slider et al. 2008. Skel Radiol). Un pourcentage d’environ 20% de muscles atteints  garde même des traces d’œdèmes au retour du joueur sur le terrain. Et malgré ces changements anatomiques notables, et c’est là un détail important, la biomécanique du cycle de course du joueur ne change pas. C’est-à-dire que rien ne peut cliniquement, du moins à l’observation, différencier un joueur blessé d’un joueur non blessé dans sa course sur le terrain. Et c’est là le danger et la raison de nombreuses récidives. Si le joueur n’effectue pas de « tests feu vert » (contrôle IRM, isocinétisme…) et garde une certaine inhibition de sa longue portion du biceps fémoral (déficit de force de 10%) alors même que cliniquement tout semble aller parfaitement bien (compensation entre les différents chefs des ischio-jambiers), il sera à risque de récidive dans le futur. A 6 mois post-lésion, on constate toujours à l’IRM des traces cicatricielles mais une disparition de l’œdème et un retour à une force égale par rapport à l’ischio-jambier controlatéral si la réhabilitation a été bien menée.
Le « stretching-type », quand à lui, survient lors d’un étirement excessif et rapide des structures myo-conjonctives chez les danseurs ou sur le terrain de sports collectifs. La lésion touche majoritairement le semi-membraneux (76%) à son insertion haute (2.2 cm de la tubérosité ischiatique) au niveau de son tendon libre et sur une longueur moyenne de 20cm. Le temps de réhabilitation est plus long que pour les « sprinting-types ». Ce type de blessure par « over stretching » arrive majoritairement durant la phase d’échauffement et/ou lors d’étirements  passifs avec aide externe et lors d’entrainement intense.


La classification des lésions musculaires est un phénomène en constante évolution. B. HAMILTON nous présente une revue de littérature (Classification and Grading of Muscle Injuries : A Narrative Review. Hamilton B, Valle X, Rodas G, Til L, Pruna R, Rincon J, Tol J. Submitted BJSM) et rappelle que définir un grade de blessure, c’est donner un degré de sévérité sur la pathologie grâce à des critères cliniques et d’imagerie et cela dans le but de donner un délai de retour sur le terrain du sportif. Il souligne que depuis 1966 (Rachun A. Standart Nomenclature of Athletic Injuries. American Medical Association), des classifications ont été bien établies mais qu’un consensus mériterait d’être fait aujourd’hui car malgré le fait que la classification de Munich (Mueller-Wohlfahrt et al. BJSM 2013) soit la plus répandue, une incompréhension peut néanmoins persister avec les classifications des radiologues. Cependant, la classification de Munich, émanant d’un consensus d’expert, a le mérite de différencier lors d’une atteinte musculaire intrinsèque, les désordres fonctionnels (métabolique, DOMS, neuromusculaire en relation avec la colonne vertébrale) des atteintes structurelles (rupture partielle et totale). Cependant, et contrairement à la classification de Rodineau et Durey (JAMA 1990) beaucoup utilisée en France, elle ne différencie pas dans les atteintes structurelles le degré d’atteinte conjointe du tissu musculaire, du tissu conjonctif de soutien et/ou la présence d’un œdème. Comme toute classification, elle a donc  ses points fort et ses points faibles.

Concernant les techniques d’imagerie, les intervenants rappellent l’intérêt combiné de l’échographie et de l’IRM dans la détection et l’évaluation de la sévérité d’une blessure musculaire mais des divergences sont notées dans l’intérêt de l’IRM seul dans les lésions aigues (O. CHAN). Les radiologues utilisent une classification de la lésion par IRM avec 4 grades : un grade 0 (normal IRM : 12% des lésions IJ, 1 semaine de traitement), grade I (œdème et absence de désordre architectural : 58%, 2 semaines), grade II (rupture partielle : 27%, 3-4 semaines) et grade III (rupture totale : 3%, 6 semaines et plus) (PEETRONS 2002). On peut appliquer également ici la règle de 2 qu’avaient présentés Brasseur et Renoux dans leur présentation de classification échographique à l’INSEP en 2013. Ces derniers avaient proposé une classification en 4 stades des lésions myo-conjonctives et conjonctives pures. Nous avions pour les lésions myo-conjonctives un grade 0 (DOMS), 1 (nuage hyperéchogène sans désorganisation architecturale), 2m (nuage hyperéchogène avec désorganisation architecturale) et 3m (décollement myo-aponévrotique avec collection à l’interface). Pour les lésions purement aponévrotiques, il n’existe pas de grade O et 1 (par définition) mais un grade 2c (épaississement flou d’une cloison conjonctive ou d’une aponévrose) et un grade 3c (disparition, rupture partielle ou hématome d’une cloison conjonctive).

Néanmoins, au-delà du fait de donner des délais qui simplifient souvent la réalité biologique de la lésion (O. CHAN), la notion de « time to return to play » apporté par les classifications est une notion délicate à aborder car elle dépend aussi beaucoup du sport pratiqué. Un grade 2 sur le biceps fémoral d’un basketteur n’est pas identique à un même grade chez un sprinter qui sollicite bien plus intensément ce muscle et chez qui le délai de reprise sera retardé. Les classifications sont donc utiles pour définir un langage commun et un axe temporel de travail mais doivent être utilisé avec précaution. La classification radiologique quant à elle,  peut aussi devenir un outil intéressant pour « protéger » le joueur d’un retour trop précoce en match et « calmer » ainsi les attentes trop pressantes d’un staff médical.
On constate dans la littérature qu’environ 70% des lésions musculaires des IJ (stade 0-I) sont responsable de plus de 50%  des absences  dans les clubs. A l’image des entorses latérales de cheville de gravité légère à moyenne (stade I, II) qui ont un fort taux de récidive dû à leur « non considération », ce sont les petites lésions qui entrainent, également ici, la raison d’indisponibilité la plus fréquente.

Malgré un pourcentage et une localisation musculaire lésionnelle différente (biceps fémoral (83%), semi-membraneux (12%) ou semi-tendineux (5%)), la durée moyenne de traitement d’une lésion musculaire des ischio-jambiers reste sensiblement la même pour les grades I (15j) et II (21j) que l’on retrouve majoritairement dans le sport professionnel (grade 3 rare). Il en va de même pour la taille de l’œdème et la localisation de l’atteinte qu’elle soit myo-aponévrotique proximale, médiane ou distale, myo-tendineuse ou strictement aponévrotique (Hallen, Ekstrand). Cette affirmation et ce sujet ne sont néanmoins pas clos car d’autres auteur émettent un délai thérapeutique différent selon la localisation proximo-distale de l’atteinte (C. HASKLING). Cependant, et c’est là que c’est intéressant car les auteurs rejoignent leur point de vue, le pourcentage moyen de récidive n’est significativement pas le même selon la localisation de la blessure des ischio-jambiers. Respectivement 18 et 19% pour un stade I et II pour un biceps fémoral alors que les deux autres ischio-jambiers médiaux ont un pourcentage inférieur à 5% ! Cela donne encore du sens au phénomène d’inhibition de la longue portion du biceps fémoral et rend compte de la « complexité neuromusculaire » du biceps fémoral dû à ses deux chefs court et long. Il convient donc d’être prudent dans la réhabilitation du biceps fémoral et ne pas se précipiter sur la remise sur le terrain.


A. ENGEBRETSEN et T. PIZZARI par le biais de revues systématiques et de méta-analyses rappelle que, malgré le nombre important de recherches sur les facteurs de risques extrinsèques et intrinsèques de blessure aux ischio-jambiers, de faibles améliorations ont été faites en matière de thérapeutique et de diminution des récidives. Les facteurs de risque identifiés sont l’âge, une blessure antérieure aux genou, LCA ou ischio-jambiers, le couple de force du quadriceps, l’amplitude active d’extension du genou, l’extensibilité du quadriceps, la force excentrique et l’endurance des ischio-jambiers, le rapport de force différent entre les deux ischio-jambiers, l’ethnie, la fatigue.
Opar 2014 and Freckleton 2014 ont identifié une importante relation entre l’âge, un antécédent de blessure aux IJ et leur force mais soulignent néanmoins qu’un risque élevé de blessure dû à l’âge ou des antécédents peut être fortement diminué par des exercices excentriques soutenus. A. Engebretsen y associe la compliance du sportif qui serait une part active du succès dans la prévention des risques de lésions musculaires.
P. HOLMICH souligne qu’un test simple pourrait être trouvé avec le nordic hamstring. Le point d’angle où le joueur « lâcherait » lors du mouvement excentrique pourrait constituer une mesure d’évaluation facile du renforcement des IJ. Il en serait de même avec l’évaluation de l’amplitude active (et non passive !) qui donnerait de bonnes indications sur « l’extensibilité fonctionnelle » des ischio-jambiers.

D’autres facteurs de risques proposés dans la littérature comme le poids, l’IMC, la taille, l’extensibilité passive des ischio-jambiers, le ratio Q/IJ, le membre dominant n’ont pas été identifiés comme pouvant être associés à une blessure. Cependant E. WITVROUW nuance les propos sur le ratio Q/IJ. Ce dernier devient prédictif de lésion musculaire si les bons paramètres d’isocinétisme sont mis en place c’est-à-dire une vitesse rapide concentrique (300°/s) pour le quadriceps sur une vitesse lente concentrique ou excentrique (60°/s) pour les IJ. Un ratio avec des vitesses lent-lent  comme proposé dans la littérature ne sera en effet pas prédictif. Enfin, ce ratio se doit d’être comparé à un ratio moyen de l’équipe et à celui du joueur avant sa blessure.
B. HEIDERSCHEIT fait part d’une anecdote survenue dans un laboratoire d’étude du mouvement. Grâce à l’ « heureuse déconvenue » d’un sportif se claquant le biceps fémoral sur le tapis roulant lors d’une expérimentation, la relation entre amplitude articulaire et technique de course a pu être étudiée et supposé comme facteur de risque. Etrangement, aucun changement n’est retrouvé dans la cinématique de course avant et après la blessure (Schache et al. 2010).

J.A GUTTERIEZ rappelle que parmi tous les facteurs de risques énoncés ci-dessus, un  « facteur oublié » doit aussi être pris en considération. Il s’agit là du changement de coach. Cela peut paraitre hors sujet et prêter à en rire  mais en réalité, cela peut influer considérablement sur la charge de travail selon la périodisation de l’entrainement et les systèmes mis en jeu à l’entrainement. Des organismes habitués à un rythme de travail et des intensités de jeu peuvent mal supporter un changement radical de pratique.

L’étude des facteurs de risque  a un grand rôle à jouer dans la prévention des lésions musculaires et/ou de la récidive au même titre qu’un protocole de prévention adéquat et maintenu dans le temps au cours de la saison. M. BIZZINI rappelle que de nombreuses blessures musculaires surviennent à cause d’un défaut de contrôle neuromusculaire et qu’un échauffement comme le FIFA 11+ mêlant course, force, pliométrie et équilibre permet sur le long terme de réduire les blessures du membre inférieur tant en match qu’à l’entrainement (Soligard et al. BJSM 2008, Owoeye et al 2014). Cet échauffement permet de commencer chaque entrainement dans les meilleures dispositions physiques. Tout échauffement devrait incorporer ainsi les différentes composantes que sont la course, le gainage, l’agilité et la force afin d’améliorer le contrôle neuromusculaire des joueurs et de les préparer à l’effort.

Si  la prévention passe évidemment par un travail spécifique sur les muscles atteints ou à risque tout au long de la saison, il existe de nombreuses preuves scientifiques qui démontrent que des programmes de prévention multi-modaux peuvent diminuer le risque de blessures (Petersen 2011, Junge 2011, Walden 2012, Bizzini 2013, Owoeye 2014, Silvers 2014).
Le Fc Barcelona fonctionne avec 2 types de prévention : la prévention primaire et secondaire.

La prévention primaire se déroule avec tout le groupe sur le terrain et la salle de fitness. Elle se déroule avec toutes les catégories d’âge en dessous de la première équipe et consiste en des échauffements spécifiques selon le but recherché de la séance (amplitudes articulaires, vitesse…) et des circuits de force ou ateliers d’agilité, proprioception, coordination, gainage… avec ballon ou non. A côté, chaque joueur reçoit un programme individuel de renforcement musculaire.


La prévention secondaire est appliquée à la première équipe et consiste en des petits groupes de joueurs aux objectifs précis de prévention et également à des programmes individuels de renforcement. F. COS MOREIRA, préparateur physique au Fc Barcelona en charge de la première équipe, préconise un travail continu de renforcement musculaire excentrique des quadriceps et des ischio-jambiers tous les 10j au moyen de « tirante musculador » qui permet d’appliquer peu de contrainte sur la rotule pour l’exercice du quadriceps et de travailler spécifiquement sur la longue portion du biceps fémoral pour les ischio-jambiers. Lors d’une réhabilitation d’un joueur pour une lésion myo-aponévrotique du biceps fémoral, il propose toujours au moins deux exercices différents en fonction du matériel à disposition. En effet, chaque joueur a une « affinité » particulière avec le mode excentrique et l’exercice le mettant le plus en confiance est choisi car il aura plus de chance d’obtenir de la compliance et un suivi préventif  dans le temps. Ces exercices sont la position assise avec extension du genou par le physiothérapeute et la position chevalier servant avec une planche à roulette (ou tapis glissant, ou élastique, ou tapis de course) sous le pied du membre inférieur à travailler.  Ces exemples ne sont pas exhaustifs et d’autres exercices peuvent évidemment être trouvés tant que la longue portion du biceps fémoral est travaillée spécifiquement. On rappelle donc que le nordic hamstring est exclu au même titre que le biceps curl si la machine n’offre pas une position en flexion de hanche.

Parlons un peu du Nordic hamstring. Ce dernier a été popularisé par une étude d’Arnason et al. parue en 2008 dans le SJMSS et intitulée  « Prevention of hamstring strains in elite soccer : an intervention study ». Les joueurs avaient effectué un programme d’intensité progressive de nordic hamstring sur une durée de 10 semaines à hauteur de 1 séance/semaine et les résultats avaient démontré par rapport à un groupe contrôle, un effet préventif sur la survenue d’une lésion musculaire et sur la récidive. Cet exercice n’est pas totalement à proscrire car il est simple d’utilisation et ne nécessite pas de matériel. De même, il a le mérite d’exister et d’avoir été publié dans une étude qui ouvre la voie à d’autres. Mais comme nous avons pu le démontrer précédemment, cet exercice n’est pas fonctionnel et surtout n’est pas spécifique de la longue portion du biceps fémoral, majoritairement atteinte chez le footballeur et dont l’inhibition post-lésionnelle doit être levée au plus vite. Cet exercice sollicite, rappelons-le nous, majoritairement la courte portion du biceps et le semi-tendineux. Alors oui cet exercice est un bon exercice global de prévention d’autant plus pour un joueur n’ayant jamais eu de blessure musculaire aux IJ mais il doit être additionné néanmoins de temps en temps avec des exercices sollicitant la longue portion du biceps fémoral. Varier ses exercices a toujours été la clé du succès et là encore s’en est une belle occasion!


Parlons désormais de traitement !
Les traitements des lésions musculaires ont comme leurs classifications évoluaient au fil du temps. Du tout massage au début des années 90 (massage, soft tissue therapy, connective tissue techniques, myofascial release) à la physiothérapie instrumentale dans les années 2000 (ultra-sons, iontophorèses, TENS, laser, diathermie…), le traitement est aujourd’hui principalement axé sur la réhabilitation active contrôlée. De passif, il est devenu actif. Basé désormais sur les nouvelles connaissances anatomo-physio-pathologiques, la clinique et l’imagerie, le traitement est dorénavant une responsabilité partagée du joueur.
C. Askling propose un protocole d’auto-traitement composé de 3 exercices basé sur les notions de souplesse active, renforcement excentrique et stabilisation musculaire. Nommés  « the extender », « the glider » et « the diver », ils avaient déjà été présenté dans un speed meeting et se basait sur l’étude d’Askling et al. publiée dans le BJSM en mars 2013 et intitulée « Acute hamstring injuries in Swedish elite football: a prospective randomised controlled clinical trial comparing two rehabilitation protocole”. Ce protocole montrait sa supériorité en terme de délai thérapeutique par rapport à un protocole conventionnel de renforcement concentrique et d’étirements et ce, quelque soit la localisation de la lésion (biceps fémoral et semi-membraneux).

M. Sherry nous rappelle l’importance de travailler sur la posture et la stabilisation du tronc par des exercices de gainage statique et dynamique et d’agilité qui lieront le haut et le bas du corps. En effet, beaucoup de blessures aux ischio-jambiers sont dû à un déficit de contrôle neuromusculaire au niveau du bassin et par conséquent à une « rupture mécanique » dans une chaine musculaire lors de changements de direction. Les variations de trajectoire augmentant considérablement la tension du biceps fémoral à la fin de la phase oscillante. On peut ainsi citer les exemples fréquents de sprinters se blessant aux ischio-jambiers dans les virages du 200m ou lors du « cassé » final sur la ligne d’arrivée.

Plusieurs groupes de travail commencent à proposer aujourd’hui des algorithmes thérapeutiques afin de faciliter la prise de décisions des physiothérapeutes (F. TANCONE, J. MENDIGUCHIA…). Cette façon de faire très anglo-saxonne permet, par des critères cliniques précis, de passer d’une phase à l’autre au cours de la réhabilitation. 

F. TANCONET  propose une réhabilitation en 5 phases basée sur des buts atteints plus que sur le facteur temporel : 

 
 Phase 1 : réduire la douleur et l’œdème/saignement
Phase 2 : restaurer l’amplitude de mouvement et la souplesse
Phase 3 : restaurer la force et l’endurance
Phase 4 : restaurer la proprioception et la coordination
Phase 5 : restaurer les intensités spécifiques au sport
 

Chaque étape succédant la précédente quand les critères cliniques de transition sont validés : marche sans douleur, absence de douleur au test de force manuel ou d’extensibilité active (H-test), course aérobique sans douleur…etc.
 
Face à l’abondance d’exemples de traitement et d’exercices, une synthèse plus importante réalisant le « mix » des protocoles thérapeutiques proposés lors de ces deux jours pourra être réalisé ultérieurement. Y incorporer les éléments de traitement développés également par Kinesport et A. Bruchard ne serait pas inutile.
Une dernière remarque d’un intervenant mérite attention. Ce dernier tient à rappeler que toutes les réhabilitations ne se valent pas ! Des protocoles peuvent être très similaires quant aux  délais de reprise sur le terrain mais complétement différents dans les taux de récidive.


Conclusion 

La réhabilitation d’une lésion aux ischio-jambiers n’est pas si simple et explique le taux important de récidives sur les terrains de football. Aidée par l’imagerie (US et IRM) et la clinique, elle se doit d’être définie par un grade de sévérité (classification) qui posera les bases de la réhabilitation tant au niveau des délais pressentis de retour sur le terrain que des techniques thérapeutiques. Pouvant être intégré dans un « algorithme » thérapeutique avec des phases « à passer », elle devra sans discussion possible intégrer des exercices de renforcement excentrique, de gainage, de coordination et de proprioception si elle ne veut pas échouer.
Et ce sera là ma dernière remarque sur un point fondamental qu’il ne faut pas oublier : toutes les réhabilitations ne se valent pas ! Des protocoles peuvent être très similaires quant aux  délais de reprise sur le terrain mais complétement différents dans les taux de récidive.