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EVALUATION DE LA FORCE, DE LA SOUPLESSE ET DE LA CINEMATIQUE DE COURSE CHEZ DES HOMMES ATTEINTS DU SYNDROME DE LA BANDELETTE ILIO-TIBIALE

BRIAN NOEHREN, PT, ANNE SCHMITZ, ROSS HEMPEL, CAROLYN WESTLAKE, WILLIAM BLACK. Assessment of Strength, Flexibility, and Running Mechanics, in Men With Iliotibial Band Syndrome. journal of orthopaedic & sports physical therapy | volume 44 | number 3 | march 2014



INTRODUCTION
 
Le syndrome de la bandelette ilio-tibiale (SBIT) se produit chez 5% à 14%  des coureurs à pied et est la principale cause des douleurs latérales du genou, la 2ème cause de l’ensemble des douleurs au genou dans cette population [1]. 
Malgré cette prévalence élevée, on n’en sait peu sur l’étiologie de cette pathologie. Il est décrit des facteurs extrinsèques comme le volume d’entraînements, les chaussures, ainsi que des facteurs intrinsèques telles que la souplesse, la force ou encore la biomécanique de course [1-3]. 
Les programmes de thérapie se concentrent généralement sur la résolution des facteurs intrinsèques qui contribuent au SBIT. 
 
Peu d’études se sont intéressées au rôle isolé de ces facteurs intrinsèques. De plus, les études antérieures ont porté seulement sur une population mélangée d’hommes et de femmes ou de femmes seules. L’analyse d’une population distincte d’hommes présentant un SBIT pourrait être importante dans la mesure où des recherches précédentes ont montré d’importantes différences, entre les hommes et les femmes, au niveau de la force musculaire et dans la mécanique de course [4-6]. Par ailleurs, cette nécessité d’étudier une population d’hommes est renforcée par le fait qu’ils représentent 50% à 81% de l’ensemble de la population touchée par le SBIT [1].
 
La force des muscles de la hanche est habituellement évaluée dans le cadre des bilans des coureurs présentant un SBIT. Par exemple, il a été montré qu’une faiblesse des abducteurs de hanche pouvait être une piste à étudier chez les coureurs atteints de SBIT [7]. Cependant, cette piste de recherche est contrastée par de plus récentes études ne montrant aucune différence de force des abducteurs de hanche [8]. Les résultats contradictoires entre ces études pourraient être le résultat de différences dans les méthodes utilisées (évaluation de la force isométrique vs isocinétique), dans la population (athlètes de haut niveau vs coureurs amateurs) [7,8]. 
 
Parallèllement,  peu d’étude se sont intéressées à l’évaluation de la force musculaire des rotateurs latéraux de hanche dans ces populations. La force des rotateurs latéraux joue un rôle important dans le contrôle rotatoire de la hanche et une faiblesse de ces muscles peuvent contribuer à une majoration des contraintes sur la bandelette ilio-tibiale (BIT) [1-3]. Bien que le test d’Ober soit couramment utilisé comme indicateur de la longueur de la bandelette ilio-tibiale, ces dernières études n’ont pas mis en rapport un lien entre la présence du SBIT et d’une éventuelle diminution de longueur de la bandelette. Une cinématique de course anormale, particulièrement par des mouvements excessifs de la hanche et du genou dans le plan frontal et transversal, sont souvent cités comme facteurs contribuant à l’apparition du SBIT [1, 9, 10]. 
 

Les insertions de la bandelette rendent cette structure particulièrement vulnérable lors de la course. En proximal, la bandelette s’attache sur le tenseur du fascia lata et le grand glutéal. En distal, ses insertions se trouvent au niveau du condyle latéral du fémur et du tubercule de Gerdy. La conséquence est qu’une majoration du varus du genou et de la rotation médiale de hanche pourrait augmenter la contrainte de traction sur la BIT. 
Les précédentes études évaluant les variables de la cinématique de la course, pouvant contribuer au développement d’un SBIT, ont obtenu des résultats mitigés. 
 
Une étude portant sur des femmes atteintes du syndrome a trouvé un pic de force des adducteurs et des rotateurs médiaux majoré alors qu’une autre étude avec un échantillon mixte n’a trouvé aucune différence dans la cinématique de la hanche et du genou [11]. Bien que sans consensus, ces études suggèrent  que les hommes avec SBIT pourraient avoir un profil cinématique différent de celui des femmes. 
L’objectif de l’étude présentée aujourd’hui est d’évaluer les différences de la force musculaire des abducteurs et des rotateurs latéraux de le hanche, la longueur de la BIT par le test d’Ober, ainsi que la cinématique de la hanche et du genou dans le plan frontal et transversal chez des hommes avec et sans SBIT. 
Sur la base de la bibliographie existante, les auteurs ont émis l’hypothèse que les coureurs masculins avec SBIT auraient une force musculaire des abducteurs et des rotateurs latéraux plus faible, une diminution de la longueur de la bandelette, une majoration des amplitudes articulaires de l’adduction de hanche et du genou, de la rotation médiale de hanche et de la rotation  externe du genou par rapport à un groupe contrôle ne présentant aucune douleur. 

 
METHODES 
 
 34 coureurs masculins âgés de 18 à 45 ans ont participé à cette étude, 17 avec SBIT (groupe SBIT) et 17 sans douleur (groupe contrôle). Ces deux groupes présentaient des caractéristiques communes. 
Pour participer, les coureurs devaient s’entraîner au moins 16 km par semaine et n’avoir aucunes autres blessures des membres inférieurs durant les 6 derniers mois. Au sein du groupe SBIT, les coureurs devaient rapporter une douleur d’au mois 3/10 sur une échelle numérique. 
 
La force musculaire de la hanche a été mesurée avec un dynanomètre manuel suivant des procédures précédemment validées. La mesure de la force des abducteurs a été faite en décubitus latéral, dynanomètre placé 5cm au dessus de l’interligne articulaire fémoro-tibiale. Celle des rotateurs latéraux de hanche a été mesurée en position assise, dynanomètre placé 5 cm au dessus de l’articulation de la cheville. Les participants ont été invités à forcer progressivement pendant 3 secondes et de tenir la force maximale durant 2 secondes. 2 essais et 3 enregistrements des performances de force ont été réalisés. Les meilleures scores des 3 essais ont été moyennés et multipliés par la longueur du fémur pour obtenir un couple de force, normalisé par la masse du sujet puis multiplié par 100. 
 

La longueur de la bandelette a été évaluée par le test d’Ober : 

De plus un inclinomètre a été placé à 5 cm du condyle fémoral latéral donnant une mesure à partir d’une ligne horizontale. 
 
Suite à ces tests, les participants ont complété leur évaluation par une analyse de la course à l’aide de marqueurs placés sur la peau au niveau de différents repères anatomiques (L4-L5, crêtes iliaques, EIAS, grands trochanters, condyles fémoraux médiaux et latéraux, plateaux tibiaux, des 1ers et 5èmes métatarsiens). Des marqueurs supplémentaires ont été placés sur la face postérieure de la chaussure. Après un échauffement de 5mn de marche, les sujets ont couru à 3,3m/s sur tapis roulant conformément à des études antérieures permettant une analyse fiable des trajectoires des marqueurs. Le logiciel Visual 3D a été utilisé pour l’analyse des données.
 

RESULTATS
 
En comparaison au groupe contrôle, le groupe SBIT présente une plus grande rotation médiale de hanche et un varus du genou plus significatif durant la phase d’appui, de plus faibles rotateurs latéraux de la hanche et une diminution de la longueur de la bandelette ilio-tibiale.
Aucunes différences sur la force des abducteurs de hanche et de l’angle d’adduction de la hanche n’ont été retrouvées. 
 

CONCLUSION
 
Le SBIT est une des principales sources des douleurs au genou chez le coureur. Dans les études antérieures s’intéressant à des coureurs masculins, les facteurs favorisants ont seulement été examinés de façon isolée. 
 
Dans la présente étude, les auteurs ont comparé la force musculaire, la cinématique et la longueur de la bandelette chez une population d’hommes atteints de SBIT avec comme objectif d’établir un profil plus complet de cette population. En moyenne, les coureurs masculins avec SBIT avaient une longueur de la bandelette diminuée, une modification de la cinématique de la hanche et du genou et une diminution de force. Plus précisément, les hommes avec SBIT sont significativement exposés à un varus du genou et une rotation médiale de hanche et de plus faibles rotateurs latéraux de hanche par rapport au groupe contrôle. L’observation de l’augmentation de la rotation médiale de hanche pourrait être le résultat d’une BIT plus courte, de la faiblesse des rotateurs latéraux de hanche et/ou d’une modification du contrôle neuromusculaire. 
L’ensemble de ces données suggèrent que des stratégies visant le contrôle neuromusculaire de la hanche pourraient être indiquées chez des hommes atteints de SBIT.
 
PAR ERWANN LE CORRE
 
BIBLIOGRAPHIE
 
[1] Van der Worp MP, van der Horst N, de Wijer A, Backx FJ, Nijhuis-van der Sanden MW. Iliotibial band syndrome in runners: a systematic review. Sports Med. 2012;42:969-992.
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[3] Strauss EJ, Kim S, Calcei JG, Park D. Iliotibial band syndrome: evaluation and management. J Am Acad Orthop Surg. 2011;19:728-736.
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[8] Grau S, Krauss I, Maiwald C, Best R, Horst¬mann T. Hip abductor weakness is not the cause for iliotibial band syndrome. Int J Sports Med. 2008;29:579-583.
[9] Ferber R, Noehren B, Hamill J, Davis IS. Com¬petitive female runners with a history of iliotibial band syndrome demonstrate atypical hip and knee kinematics. J Orthop Sports Phys Ther. 2010;40:52-58
[10] Grau S, Krauss I, Maiwald C, Axmann D, Horst¬mann T, Best R. Kinematic classification of iliotibial band syndrome in runners. Scand J Med Sci Sports. 2011
[11] 
Noehren B, Davis I, Hamill J. ASB Clinical Biomechanics Award winner 2006: prospective study of the biomechanical factors associated with iliotibial band syndrome. Clin Biomech (Bristol, Avon). 2007;22:951-956