Les blessures à la hanche et à l’aine sont un problème majeur des footballeurs, représentant près de 20% de l’ensemble des blessures répertoriées. Les blessures à l’aine liées aux adducteurs sont les secondes lésions musculaires les plus fréquentes au football [2] et représentent 63% de l’ensemble des blessures de cette région [3].
Une diminution de la force musculaire des adducteurs a été montrée comme étant un facteur de risque des blessures à l’aine, raison pour laquelle le renforcement musculaire des adducteurs de hanche semble pertinent lors du travail de prévention [4].
Le complexe tendineux des adducteurs de hanche est particulièrement sollicité durant les phases du shoot [5]. L’augmentation de la résistance musculo-tendineuse des adducteurs permettrait une plus grande protection des structures de la région de l’aine. Par ailleurs, l’augmentation de la force peut contribuer à augmenter l’énergie d’absorption tissulaire, pouvant ainsi diminuer les contraintes sur les structures tendineuses et leurs insertions et ainsi agir dans la prévention et le traitement des lésions musculaires du footballeur, comme abordé dans de nombreux articles [6].
Lors de la réhabilitation, l’entraînement de la force musculaire via des bandes élastiques est souvent utilisé, et, la simplicité d’utilisation de ce type de renforcement rend possible son utilisation directe sur le terrain, en lien avec les entraînements de football quotidiens. De plus, le renforcement musculaire par bandes élastiques semble être aussi efficace que les autres méthodes de renforcement [7-10]. Cependant, les effets de ce type de travail sur les gains de force des adducteurs de hanche n’ont pas encore été étudiés.
Le but de l’article présenté aujourd’hui, publiée dans le British Journal of Sports Medicine en février 2014 [1], est d’étudier les effets d’un entraînement musculaire par bandes élastiques des adducteurs de hanche chez des joueurs de football sains, sur une période de 8 semaines. Il a été supposé par les auteurs qu’une augmentation de la force excentrique et isométrique serait induite.
METHODE
PARTICIPANTS
La population de départ a été constituée de 34 joueurs de football en bonne santé. L’étude a été menée durant la trêve de mi-saison, entre janvier et avril 2011.
Les participants ont été recrutés parmi 5 équipes de football danois dont la fréquence hebdomadaire des entraînements était de 2 à 4 et de 1 à 2 matchs par semaine.
Ils devaient être âgés d’au moins 18 ans, sans antécédent de blessures (bas du dos, aine, hanche...) avec arrêt de plus de 6 semaines l’année antérieure à l’étude, ni présenter des douleurs à l’aine durant la pratique du football les 3 mois précédant l’étude.
Les participants qui ont effectué un entraînement musculaire spécifique des adducteurs plus d’une fois par semaine ont également été exclus. Ils ont été répartis entre le groupe contrôle et le groupe « renforcement » de façon aléatoire. Les pré-tests ont été effectués au sein de chaque club en se basant sur les dates de reprise des entraînements.
SEANCES D’ENTRAINEMENT
L’ensemble des sessions d’entraînement ont été supervisées par un physiothérapeute qui s’est assuré de la bonne réalisation des exercices et du suivi du protocole.
Les séances de renforcement ont été effectuées au sein de chaque club lors des séances d’entraînements habituelles. L’exercice demandé a été réalisé de façon bilatérale. Le travail consistait à réaliser une contraction isométrique et dynamique des adducteurs de hanche en position debout avec une bande élastique comme charge externe. La bande élastique (Théra-Band) est attachée sur un point de fixation et au niveau de la cheville du participant. Le bassin est dans un plan horizontal, la partie haute du corps droite et fixée en tenant un objet fixe avec les deux mains (Figure A).
Le programme de renforcement musculaire des adducteurs utilisé dans le cadre de cette étude s’est basé sur les paramètres suivants : intensité, nombre de répétitions, nombre de séries, repos entre les séries, nombre de séances par semaine, durée de la période d’entraînement, distribution et types de contractions, temps sous tension, amplitude articulaire, description anatomique de l’exercice [11].
L’exercice est réalisé dans toute son amplitude articulaire, de l’abduction à l’adduction de hanche. Il a été demandé aux participants une contraction concentrique sur une durée de 3 secondes afin que les pieds arrivent dans un même plan, légèrement en arrière du pied d’appui dans le plan sagittal (Figure B). Dans cette position, le sujet effectue un maintien isométrique de 2 secondes, suivi de 3 secondes de travail excentrique pour atteindre l’amplitude maximale d’abduction de hanche. Avant la répétition suivante, 2 secondes de maintien isométrique sont demandées.
Le temps sous tension a été supervisé par un physiothérapeute.
2 séances d’entraînement ont été effectuées les 2 premières semaines avec une charge relative de 15±2 RM, puis 3 séances/semaine (semaines 3-6) avec une charge relative de 10±2 RM et enfin 3 séances/semaine (semaines 7-8) avec une charge relative de 8±2RM.
1 journée minimum de repos séparait 2 séances de renforcement.
Le physiothérapeute a déterminé lors de la première séance la charge optimale en l’ajustant à chaque session d’entraînement. Ces ajustements ont été faits en jouant sur la résistance des bandes (en fonction des couleurs) et sur la distance entre le point de fixation de la bande et la jambe d’appui.
Le groupe témoin a été invité à ne pas effectuer de renforcement musculaire spécifique des adducteurs durant l’étude et de continuer les entraînements habituels.
MESURES
Les mesures de force maximale excentrique et isométrique des adducteurs et isométrique des abducteurs de hanche ont été enregistrées. Cela a permis d’obtenir le ratio FMI add / FMI Abd. Les mesures ont été faites lors d’un examen standardisé avec dynanomètre à main. Pour chaque mesure isométrique, 4 contractions maximales, séparées par 30s de pause, ont été demandées afin de réduire un possible effet d’apprentissage [12]. La valeur la plus élevée a été retenue. En cas de meilleur score sur le dernier essai, un essai supplémentaire était réalisé. Pour le test en excentrique, les contractions maximales demandées au participant étaient séparées de 60s et ont été réalisées jusqu’à atteinte d’un plateau de force <5% entre 2 mesures consécutives. Une moyenne de ces valeurs a été utilisé pour la comparaison pré et post-test.
Ces mesures ont été effectuées 1 semaine avant le début du renforcement (pré-test) et 3 à 6 jours après (post-test) afin d’éviter la présence de DOMS durant les tests.
Outre ces mesures, le physiothérapeute a évalué les DOMS par une échelle numérique et quantifié la charge perçue par l’échelle de Borg [7] à toutes les séances de renforcement ainsi que le nombre d’entraînements et de matchs réalisés par les athlètes.
Seule la jambe dominante a été analysée afin de réduire le nombre d’analyses statistiques.
RESULTATS
Huit participants ont signalé des DOMS lors de la première séance de renforcement, probablement en raison du pré-test. Par la suite, aucune différence significative n’a été retrouvée entre la jambe dominante et non dominante. La perception de la charge d’entraînement n’a également montré aucune différence significative entre les jambes.
La force maximale excentrique des adducteurs a augmenté de 30% pour le groupe « renforcement » et de 17% pour le groupe témoin. La différence d’augmentation entre les deux groupes (13%) est statistiquement significative. Aucune autre différence n’a été relevée entre les groupes, ni dans les forces maximales isométriques des adducteurs et abducteurs, ni dans le ratio FMI add / FMI abd.
CONCLUSION
La principale conclusion de cette étude est que l’entraînement en force par des bandes élastiques des adducteurs de hanche, permet, de manière significative, l’augmentation de la force maximale excentrique des adducteurs après 8 semaines d’entraînement spécifique.
L’augmentation de force de 13% est comparable à ce qui a pu être trouvé après entraînement des ischio-jambiers par le Nordic Hamstring Exercise par Mjolsnes et al (augmentation de 11% après 10 semaines d’entraînement) [13].
De la même façon que pour les ischio-jambiers, un programme de renforcement excentrique des adducteurs peut être proposé pour avoir un effet similaire sur la prévention des blessures de la région de l’aine.
Une étude antérieure a montré que le suivi d’un programme complet de renforcement, supervisé par des physiothérapeutes, incluant un renforcement ciblé des adducteurs, a été très efficace dans le traitement des douleurs de longue date de la région de l’aine liées aux adducteurs [14].
D’un point de vue pratique, les auteurs recommandent que ces séances soient intégrés aux séances football et/ou aux échauffements et de poursuivre le renforcement tout au long de la saison avec un minimum de 1 fois par semaine pour maintenir les gains obtenus.
Texte écrit par Erwann Le Corre
BIBLIOGRAPHIE
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[14] Hölmich P, Uhrskou P, Ulnits L, et al. Effectiveness of active physical training as treatment for long-standing adductor-related groin pain in athletes: randomized trial. Lancet 1999;353:439–43.