KINESPORT KINESPORT


   



Dorsalgie et perturbations du schéma moteur du tronc



Deux points prépondérants sont à prendre en considération dans le processus rééducatif, à savoir : la résolution des symptômes tels que la douleur, et la normalisation du contrôle moteur du patient/sportif. Comme nous le savons, le déficit de contrôle neuro-moteur après une lésion, ne se limite pas simplement au niveau de la lésion en elle-même. Nous savons depuis quelques années maintenant, que des remaniements s’effectuent au niveau du système nerveux central, pour compenser les modifications des entrées sensorielles, résultantes de lésions ou de blessures périphériques ostéo-articulaires. Une lésion ou une douleur dans une zone corporelle donnée aura donc des répercussions sur l’ensemble du schéma corporel et entrainera des adaptations plus ou moins néfastes pour le patient/sportif.
Nous savons par exemple que les douleurs chroniques, entrainent des perturbations dans la transmission des informations proprioceptives au niveau du cortex, modifiant ainsi par voie de conséquence les stratégies motrices mises en place. En effet, la mise en tension lors du mouvement des tissus endommagés entraine l’activation des nocicepteurs présents dans la zone, concluant à des perturbations sensorielles.  Ces perturbations sensorielles ont pour conséquence des perturbations au niveau de la représentation par le cortex du schéma corporel moteur. Pour exemple, il est acté à ce jour, que les patients ayant des douleurs du dos ont une modification de la représentation de leur dos au niveau du cortex sensoriel primaire S1.
La connaissance du lien entre le type pathologique et les perturbations de la représentation du schéma corporel moteur, permettra de focaliser la prise en charge sur les éléments importants.
C’est dans cette optique, que nous nous sommes intéressés à l’étude de Bray et Moseley parue en 2011 dans BJSM, qui avait pour objectif d’étudier si il existait une perturbation du schéma moteur du tronc chez les patients avec douleur de dos.
L’hypothèse de départ des auteurs est que les dorsalgies chroniques sont associées avec une réduction de la précision des mouvements du tronc vers la droite et vers la gauche.
L’étude portait sur un ensemble de 21 patients avec dorsalgies qui furent comparés avec 14 patients contrôle. L’ensemble des patients était classé soit dans le groupe dorsalgie bilatérale, dorsalgie unilatérale ou groupe contrôle.

Description du protocole
 
La tâche dite de « contrôle », avait pour but d’objectiver le comportement des patients sur leur jugement à reconnaître sur un écran devant eux, si il s’agit d’une main droite ou gauche dans une posture particulière. Les notions de vitesse de réponse (RT dans l’étude) et de précisions seraient par la suite étudiées. Les patients lors de l’apparition de l’image devaient appuyer sur le bouton correspondant à la droite ou la gauche, le plus vite possible.
Au préalable, il avait été réalisé un nombre de 15 photos d’une main droite dans diverses postures qui avaient été copiées numériquement en miroir pour produire des images d’une main gauche dans des postures identiques.
En deuxième lieu, le même protocole était utilisé mais pour analyser le jugement des patients sur les rotations du tronc.
Un nombre de 28 photos avaient été réalisées au préalable. Ces photos étaient celles d’un homme réalisant des postures variées incluant des rotations du tronc entre 5 et 90° vers la droite. Le même procédé que cité précédemment était utilisé pour créer les images du côté gauche.
 

Résultats
 
Les résultats nous montrent que le temps de réaction n’est pas affecté et ce peu importe le groupe en question. Ce résultat se retrouve tout aussi bien lors de la tâche contrôle, que lors de la tâche de jugement de rotation du tronc.
Cependant, les résultats nous montrent que la précision a été affectée que ce soit par le groupe ou par la tâche en question.
En effet, la figure ci-dessous nous montre qu’il existe une différence significative entre les patients avec dorsalgie bilatérale et les patients du groupe contrôle (p-value = 0,015), tandis qu’il n’existe pas de différence entre les patients avec dorsalgie bilatérale et ceux avec dorsalgie unilatérale (p-value = 0,987).

Ce qui nous intéresse le plus dans ces résultats est de voir que les sujets font significativement plus d’erreurs sur le jugement des rotations du tronc que sur le jugement relatif à la main. 
 
Dorsalgie et perturbations du schéma moteur du tronc

Discussion
L’hypothèse de départ des auteurs a donc été vérifiée, à savoir que les patients avec des dorsalgies faisaient plus d’erreurs que les patients du groupe contrôle lors du jugement des rotations du tronc.
En d’autres termes, l’étude confirme que le schéma moteur au niveau du tronc est perturbé chez les patients avec dorsalgie.
Cette dernière confirme également, que les patients avec des douleurs au niveau du dos, ne voient pas de modification au niveau du schéma moteur de leur bras, ni au niveau du temps de réponse.

 
Les auteurs nous expliquent également ce que nous avions décrit en préambule, à savoir que les perturbations du schéma moteur, chez les sujets avec dorsalgies, s’accompagnent d’une réorganisation du cortex somato-sensoriel primaire (S1). L’air d’activation de la réponse au niveau du cortex est décalé de 2 à 3 cm médialement. La conséquence de cette réorganisation est entre autre une augmentation du seuil de discrimination tactile. Cette modification au niveau discriminatoire serait corrélée avec une diminution du contrôle volontaire lombo-pelvien.
 
Conclusion
 
Comme toute étude scientifique, cette dernière possède des biais tant au niveau du choix du groupe contrôle que de la mise en place du protocole.
Cependant, l’intérêt de ce type d’étude est de rendre compte des répercussions d’une pathologie sur le schéma moteur du patient et donc par voie de conséquence sur l’établissement de sa motricité.
L’étude ici nous montre que la dorsalgie est corrélée avec une perturbation du schéma moteur du tronc.
Il sera donc intéressant de notre point de vue, dans le cadre de la prise en charge d’un patient/sportif présentant ce type de pathologie, de vérifier ses capacités motrices de contrôle du tronc, mais aussi ses capacités sur la stabilisation lombo-pelvienne, dans une logique de prise en charge globale.
Cette démarche nous amène sur le chemin de la prise en charge manuelle et gestuelle, où la prise en charge kinésithérapique par les soins et le travail concomitant du geste moteur d’une lésion, sont deux préceptes indissociables et complémentaires.
 
Germain Saniel
 

 
Bilbiographie
 
1 –H Bray, G L Moseley, Disruptedworking body schema of the trunk inpeople with back pain, Br J Sports Med 2011;45:168–173.
2 - Luomajoki H, Lorimer Moseley G. Tactile acuity and lumbopelvicmotor control
in patients with back pain and healthycontrols. Br J Sports Med. Published Online
First: 23 June 2009. doi:10.1136/bjsm.2009.060731.
3 - Lotze M, Moseley GL. Role of distorted body image in pain. CurrRheumatolRep
2007;9:488–96.
4 - Flor H, Nikolajsen L, Staehelin Jensen T. Phantomlimb pain: a case of
maladaptive CNS plasticity? Nat RevNeurosci 2006;7:873–81.
5 - Kaas JH. Functionalplasticity in adult cortex—introduction. SeminNeurosci
1997;9:1.
6 - H Luomajoki, G L Moseley, Tactile acuity and lumbopelvicmotor control in
patientswith back pain and healthycontrols, Br J Sports Med 2011;45:437–440.
7 - Claus AP, Hides JA, Moseley GL, et al. Differentways to balance the spine:
subtle changes in sagittal spinal curves affect regional muscle activity. Spine
2009; 34 : E208 – 14.