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Délai de récupération fonctionnelle après chirurgie par arthroscopie pour un tennis elbow



L'épicondylalgie latérale, ou tennis elbow, est l'atteinte la plus commune au niveau du coude [6,7,10,19]. Malgré une prise en charge conservatrice, environ 10 % des patients pourront nécessiter une intervention chirurgicale [8]. Une variété de traitements chirurgicaux ont été décrits (ouvert, percutané et arthroscopie), et tous rapportent de bons résultats mais non définitifs [1,5,9,11,13,19,20,23,25,27]. Les techniques par arthroscopie ont gagné en popularité ces dernières années [3,4,12,25]. En plus d'un résultat opératoire satisfaisant, l'un des bénéfices de l'approche par arthroscopie réside dans une baisse de la morbidité et dans un retour précoce au travail et aux autres activités. De plus, la chirurgie arthroscopique permet une évaluation intra-articulaire.
 
Les délais avant reprise de l'activité professionnelle diffèrent entre les études. Deux études [4,21] rapportent que le délai moyen est de respectivement 6 jours et 2,2 semaines. Une autre [12] montre que ce temps sans travail en post-op est d'en moyenne 19 semaines. Plusieurs études sur le soulagement de la douleur et la récupération fonctionnelle après libération par arthroscopie pour épicondylalgie latérale présentent un minimum de suivi de 2 ans [4,12,25] tandis que l'étude de Baker et al. [3] a assuré un suivi jusqu'à 14 ans. Cependant, aucune de ces études n'a déterminé le délai nécessaire au soulagement de la douleur et à la récupération fonctionnelle après chirurgie.
 
L'objectif de l'étude proposée ici [28] était d'évaluer la douleur et la récupération fonctionnelle en utilisant une échelle visuelle analogique (EVA), la force de préhension, le score DASH (Disabilities of Arm, Shoulder and Surgery) et le score JOA (Japanese Orthopaedic Association), pour une période initiale de 3 mois après chirurgie et jusqu'à un suivi de 2 ans. L'hypothèse était que la libération arthroscopique pour épicondylalgie latérale nécessiterait au moins 3 mois après chirurgie pour le soulagement de la douleur et la récupération fonctionnelle.
 
Matériel et méthodes
 
Patients
 
Un seul chirurgien a réalisé des séries prospectives consécutives de 23 chirurgies arthroscopiques sur 23 patients avec épicondylalgie latérale récalcitrante entre février 2008 et avril 2010. Les auteurs ont entrepris une étude rétrospective cas-contrôle de ces patients. Les données prospectives incluses dans cette étude faisaient partie des enregistrements médicaux.
Un diagnostic clinique d'épicondylalgie latérale a été posé sur la base d'un historique de douleur latérale au niveau du coude qui était déclenchée ou exacerbée par l'extension du poignet, avec ou sans activité spécifique, et avec une palpation sensible à l'épicondyle latéral. Tous les patients ont eu une radiographie et un examen préopératoire par IRM.
Les indications chirurgicales incluaient un échec d'un minimum de 6 mois suite à un traitement conservateur tel que le repos, des modifications d'activité, une attelle, des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des injections de corticoïdes. L'étude a exclu les patients atteints bilatéralement, ceux ayant subi une reprise de chirurgie, ou ayant un antécédent de fracture ou d'autres atteintes du coude. Les patients étaient composés de 5 hommes et 18 femmes, avec une moyenne d'âge de 49 ans (entre 34 et 67). La durée moyenne des symptômes était de 32 mois (entre 6 et 338). Aucun patient ne présentait de restriction d'amplitudes articulaires (AA) du coude. Une IRM a montré une haute intensité de signal au niveau du tendon d'origine du Court Extenseur Radial du Carpe (CERC) chez tous les patients.
 
Technique opératoire
 
L'opération a été réalisée par bloc axillaire ou par anesthésie locale.
L'opération a consisté en une inspection arthroscopique, un débridement du tendon à l'origine du CERC et d'une résection de la plica synoviale entre la tête radiale et le capitulum si celle-ci était interposée dans l'articulation.
 
Soins post-opératoires
 
Les mobilisations actives ont été encouragées immédiatement après chirurgie. Les patients ont commencé des exercices d'AA passives et de renforcement de la force de préhension au bout de deux semaines mais ne pouvaient que réaliser des exercices avec charge légère sans douleur au coude pendant les 4 premières semaines post-op. Au-delà de ce délai, les activités et sports nécessitant une charge plus importante ont été autorisés.
 
Evaluation des résultats
 
Les auteurs non impliqués dans les soins ont réalisé les évaluations cliniques de tous les patients au sein de la même clinique. Les patients sont revenus à 1, 2, 3, 6, 12 et 24 mois post-op, et ont évalué à chaque fois leur douleur au coude au repos et pendant l'activité grâce à une EVA entre 0 et 100. La force de préhension a aussi été mesurée à 1, 2, 3, 6 et 12 mois post-op.

Les patients ont évalué leur condition physique ; la sensibilité au niveau de l'épicondyle latéral et la douleur à l'extension résistée du poignet ont été évaluées selon le score JOA du coude pour l'épicondylalgie latérale, qui consiste en une évaluation de la douleur (30 points), de la fonction (20 points) et de 2 critères physiques d'épicondylalgie latérale (50 points) [25].

La version du questionnaire DASH de la Société Japonaise de Chirurgie de la Main a également été utilisée avant l'opération et à 3, 6, 12 et 24 mois post-op.

La satisfaction des patients par rapport à l'opération a été évaluée lors du dernier suivi en leur posant la question suivante : "êtes-vous satisfait(e) de votre opération ?" Les résultats étaient classés de la manière suivante : très bons, bons, aucun changement, mauvais.

Les patients professionnellement actifs avant l'opération ont été classifiés lors du dernier suivi de la manière suivante : aucun changement de profession, changement de profession, retraité, cessation de l'activité professionnelle.

Le délai avant reprise de l'activité professionnelle a aussi été calculé. De plus, les patients ont également dû indiquer leur degré de participation à des activités sportives en pré-op, leur retour au sport après chirurgie, de même que leurs sensations par rapport aux différences relevées entre leur niveau pré-op et post-op.
 
La signification statistique a été élaborée à p < 0,01.
 
Résultats
 

Aucune complication post-op n'a été observée (dont atteinte nerveuse, infection, instabilité, etc.)

Voici les résultats principaux :

            - amélioration significative de la douleur au repos (26 ± 23 en pré-op contre 8 ± 14 en post-op avec p = 0,0026) au bout d'un mois post-op et plateau atteint ensuite,
            - douleur à l'activité : amélioration significative à 1 mois et 2 mois post-op (68 ± 16 en pré-op contre respectivement 35 ± 16 et 23 ± 12). Score stabilisé à 19 ± 13 à 3 mois post-op puis amélioration jusqu'à 24 mois post-op. Chute éventuelle sous les 10/100 entre 6 et 12 mois post-op,
            - amélioration significative de la force moyenne de préhension (66,1 % en pré-op contre 88,7 % à 2 mois post-op), restaurée ensuite à 98,5 % à 12 mois post-op comparée au côté controlatéral,
            - amélioration significative du score moyen JOA (38 points en pré-op contre 61 points à 1 mois et 72 points à 2 mois),
            - amélioration significative du score DASH (32 points en pré-op contre 15 points à 3 mois post-op).
 
Par rapport aux activités :

            - 16 des patients avaient une activité légère (ex. femme au foyer, travailleur devant un bureau) et 6 avaient une activité lourde ou répétitive (ex. infirmière),
            - ceux avec activité légère ont pu reprendre le travail après une période moyenne de 5,5 ± 2,8 semaines (entre 2 et 10), alors que les autres ont eu besoin d'une période moyenne de 8,2 ± 3,3 semaines (entre 3 et 12),
            - différence non significative du délai avant reprise de l'activité professionnelle entre les 2 groupes (p = 0,25)
            - les 8 patients faisant du sport (baseball, golf, volleyball, badminton) ont pu retrouver leur niveau de participation antérieur.
            - délai moyen de reprise de 8,6 semaines (entre 4 et 16)
            - 95,7 % des patients (22/23) ont évalué leur satisfaction comme très bonne ou bonne, avec seulement 1 patient n'indiquant aucun changement car il n'a pu reprendre sa précédente activité professionnelle (travaillait en entrepôt).
 
Discussion
 
Les analyses du délai requis pour le soulagement de la douleur et la récupération fonctionnelle après traitement par arthroscopie pour une épicondylalgie latérale montrent que la douleur moyenne à l'EVA, la force de préhension, le score JOA et le score DASH se sont déjà significativement améliorés au bout de 3 mois post-op.

Le délai moyen avant reprise du travail ou du sport était de 8,6 semaines, et 95 % des patients ont pu reprendre leur activité professionnelle / sportive antérieure.
Le score de douleur moyen à l'EVA à l'activité à 3 mois post-op est resté à 19, et il a fallu 6 à 12 mois pour qu'il passe sous la barre des 10. Les patients devraient être informés que le soulagement complet et la stabilisations des phénomènes douloureux lors de l'activité peut prendre davantage de temps par rapport à la douleur au repos.
 
La littérature indique des résultats favorables pour la chirurgie par arthroscopie pour l'épicondylalgie latérale, avec 94 à 100 % des patients qui disent être satisfaits des résultats de l'opération [3,4,17,21,25]. La rééducation accélérée, associée à un retour précoce au travail ou aux activité sportives après chirurgie par arthroscopie, a également été rapportée [3,12,17,21,22,24].
 
D'après les données présentées, les auteurs préconisent un encadrement prudent du retour au travail, même si le traitement par arthroscopie est très peu invasif.
 
Les limites de cette étude résident dans l'absence d'un groupe contrôle et dans l'absence d'investigations sur les processus de récupération après chirurgie. Malgré ces limitations, cette étude est la première à rapporter des éléments de récupération après traitement par arthroscopie pour une épicondylalgie latérale entre la période post-op immédiate et un suivi à long terme.
 
Ces informations peuvent guider les thérapeutes par rapport aux délais de reprise après traitement arthroscopique.
 
Conclusions
 
Des améliorations significatives de la douleur et de la récupération fonctionnelle sont observées dans les 3 mois après chirurgie par arthroscopie pour épicondylalgie latérale. Cependant, la douleur à l'activité demande plus de 6 mois avant de passer sous le seuil des 10/100.
Aussi faut-il porter une attention particulière sur les patients souhaitant reprendre des activités avec charges lourdes le plus tôt possible.
 
 
 
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