KINESPORT KINESPORT


   



Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

Johann Windt, Tim J Gabbett



Article présentant une revue des anciens modèles étiologiques de la blessure, le lien entre charge de travail et blessures, ainsi que le nouveau modèle étiologique mis à jour.

Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le modèle étiologique charge de travail - blessures
Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

INTRODUCTION
 
Les causes des blessures sont nombreuses, et mises en évidence par un certain nombre de modèles étiologiques multifactoriels. (8-10) Cependant, indépendamment de l'interaction des facteurs de risques ou des incidents biomécaniques, chaque blessure sportive survient alors que les athlètes sont exposés à des charges d'entraînement et de compétition. Les charges de match sont dues aux demandes compétitives du sport, tandis que les charges d’entrainement sont appliquées aux athlètes dans le but d'induire des changements physiologiques positifs et d'optimiser les performances.
Bien que des charges de travail adéquates soient nécessaires pour améliorer la condition physique et la performance grâce à l'adaptation et à l'acquisition de compétences, les charges de travail élevées et en particulier les pics de charge sont fortement associées aux blessures. (3, 11-14)
 
Peu d’études ont expliqué les mécanismes sous-jacents à travers lesquels les charges de travail sont liées aux blessures. De plus, les modèles étiologiques des blessures existants ne tiennent pas compte de la relation entre la charge de travail et le risque de blessure. Par conséquent, le but de cet article est de présenter un modèle étiologique mis à jour qui tient compte des effets de la charge de travail sur les blessures sportives.
 
POURQUOI LES ATHLETES SE BLESSENT-ILS ? MODELES ETIOLOGIQUES DES BLESSURES  

La nature multifactorielle des blessures sportives est bien connue (8, 10, 24). Les facteurs de risques uniques ne prédisent pas correctement les blessures, et les limites des analyses univariées des facteurs de risque ont été discutées (8). Des techniques multivariées sont recommandées pour permettre aux chercheurs d'examiner les risques multiples. Le premier de ces modèles multifactoriels a été proposé par Meeuwisse en 1994 (8). Meeuwisse s'est appuyé sur des modèles de maladies chroniques pour proposer une approche épidémiologique et multifactorielle de la compréhension de la causalité des blessures et de l'investigation des blessures sportives.
 
Dans deux articles ultérieurs publiés dans le BJSM, Bahr et ses collaborateurs (9,24) s'appuient sur ce premier modèle multifactoriel, mettant en évidence et focalisant certains aspects. En premier lieu, ils ont élargi la description des facteurs de risques internes et externes et les implications méthodologiques subséquentes (24). Deuxièmement, ils ont proposé une description plus détaillée des facteurs biomécaniques contribuant à l'événement provocateur (24), basé sur le modèle biomécanique complet de McIntosh (26),
 
Plus récemment, Meeuwisse et al (10) ont proposé une modification de ces modèles étiologiques sous la forme d'un «modèle étiologique de lésion réversif dynamique» (figure 3).
Cette évolution continue dans la compréhension de l'étiologie des blessures contribue à éclairer les efforts de prévention des blessures. Il rappelle aux chercheurs que
la participation prédispose non seulement au dommage, mais modifie le risque subséquent.
 
Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

On notera que les charges de travail ne sont pas incluses en tant que facteur de risque interne ni facteur de risque externe dans les modèles étiologiques existants. En fait, bien que les charges de travail soient fortement associées aux blessures, leur rôle dans l'étiologie des blessures sportives est incertain, étant donné qu'elles ne sont explicitement incluses nulle part dans les modèles précédents.

CHARGES DE TRAVAIL ET BLESSURE – QUE SAVONS NOUS ?
 
Définir et quantifier les charges de travail

Les charges de travail, telles que définies dans l'examen systématique de Gabbett et al (15) sur les charges de travail, la performance et les blessures, sont « la quantité cumulative de stress infligée à un individu à partir de plusieurs séances d'entraînement et de matchs sur une période de temps"
Idéalement, l'entraînement est prescrit de manière à perturber l'homéostasie des athlètes et à assurer une adaptation optimale pendant la récupération. Cet équilibre permet d'éviter, d'une part, des charges de travail insuffisantes qui n'incitent pas à l'adaptation ou résultent en désentrainement, et d'autre part des charges excessives induisant une inadaptation ou un surentraînement (28-31).
Les charges de travail peuvent être mesurées en tant que charges externes ou internes. Les charges externes quantifient la quantité de travail effectuée par l'athlète (ex : Distance parcourue, balles lancées, etc.), tandis que les charges internes mesurent le «stress physiologique et psychologique relatif imposé» à l'athlète (29).
De nombreuses mesures ont été développées et proposées pour les charges internes et externes à partir desquelles les praticiens peuvent décider (tableau 1). (29-32)
Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

Charges de travail totales et blessures

À chaque séance d'entraînement et de compétition, les athlètes sont exposés au risque de subir une blessure, il peut donc sembler intuitif de penser que des charges accrues devraient augmenter l'incidence des blessures.
Cette relation peut donner l'impression que les charges de travail doivent rester faibles pour minimiser les risques de blessures. Bien qu'une réduction de la charge d'entraînement puisse être appropriée dans certains cas (51), deux points importants doivent être indiqués. Premièrement, des charges de travail adéquates sont nécessaires pour induire des adaptations physiologiques bénéfiques telles qu'une capacité aérobie élevée, une composition corporelle optimale, une force et une capacité de sprint répété (56-58) qui sont requises pour une performance élevée, et dont beaucoup sont associées à un risque réduit de blessure. (53, 59, 60)
Deuxièmement, il ne s'agit pas uniquement de la charge de travail totale qui contribue au risque de blessure, mais de la façon dont elle est appliquée. En effet, certaines études montrent que les charges de travail totales ne sont pas toujours associées à un risque accru de blessures, tandis que le taux de variation de ces charges de travail au fil du temps est un prédicteur plus fort. (12,13,61)

Ratio de charge de travail aigu/chronique et blessures

Plus précisément, les enquêtes sur les blessures et les charges de travail ont récemment examiné la relation entre les charges de travail aiguës (1 semaine) et chroniques (4 semaines), nommé « acute/chronic workload ratio » avec le risque de blessures. (3,12,13)

Des rapports de ratios aigus/chroniques, simplement décrits comme des « pics » d'entraînement, augmentent également le risque de blessures chez les joueurs de rugby (13) et de football professionnel, (63) (figure 4) ainsi que les blessures subséquentes lors du return de play des athlètes (64) (figure 5).
Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

Le paradoxe de la charge de travail et des blessures

Contrairement à l'idée que des charges de travail plus élevées contribuent à une incidence plus élevée des blessures, des charges de travail élevées peuvent contribuer à des qualités physiques bien développées, réduisant ainsi le risque de blessures. (61, 65, 66). Le paradoxe entraînement-prévention des blessures a récemment défini et passé en revue par Gabbett (61) décrivant cet effet de charge chronique. Ce « paradoxe » des charges chroniques élevées démontre leur effet préventif potentiel, tant que les changements de charge d'une semaine à l'autre sont maintenus à ~10% et que le rapport de charge de travail aigue / chronique est maintenu dans une fourchette modérée, les pics étant à éviter.
 
MODÈLE ÉTIOLOGIQUE DES BLESSURES MIS À JOUR - INCORPORANT LES EFFETS DES CHARGES DE TRAVAIL
 
Les charges d'entraînement et de compétition contribuent au risque de blessures par l’exposition des athlètes à des situations potentiellement préjudiciables, ainsi que par leurs effets positifs et négatifs sur de nombreux facteurs de risque internes modifiables. Par conséquent, nous proposons un modèle actualisé d'étiologie des blessures qui incorpore explicitement les charges de travail au sein de la chaîne causale, et décrit ses effets connus (voir figure 6).
Comment les charges de travail relatives à l'entraînement et à la compétition sont-elles liées aux blessures ? Le nouveau modèle étiologique de la charge de travail et des blessures comme explication.

Le triple rôle des charges de travail, « exposition », « condition physique », et « fatigue »

Cette modification du risque se produit par des adaptations positives et négatives, dictées par la charge de travail totale et relative appliquée. Par conséquent, les charges de travail affectent l'étiologie des blessures de trois façons.
1. Exposition - les charges d'entraînement et de compétition sont la manière dont les athlètes sont exposés à des facteurs de risque externes et à travers lesquels ils sont exposés à des événements potentiels.
2. Condition physique - Les adaptations positives associées à l’entrainement, qui améliorent les facteurs de risque internes modifiables, tels que la capacité aérobie, le niveau de compétence ou la composition corporelle.
3. Fatigue - Les conséquences négatives associées à l'entraînement, entraînant temporairement une diminution de la capacité de facteurs de risque internes modifiables, tels que la résilience tissulaire ou le contrôle neuromusculaire.


Limitations du modèle

Comme pour tout modèle, notre modèle d'étiologie des blessures est incomplet. Une charge de travail donnée peut induire différents niveaux d'adaptations positives et négatives basées sur des facteurs de stress supplémentaires pour les athlètes (par exemple, les voyages, le manque de sommeil), qui ne sont pas explicitement incorporés dans le modèle. Certains facteurs de risque connus ne sont pas explicitement répertoriés (par ex., Génotype, état psychologique, type de fibre musculaire, etc.) et certains facteurs de risques doivent encore être identifiés.

De plus, les charges de travail peuvent contribuer de façon moins importante aux blessures par contact que les blessures sans contact. Inversement, une blessure sans contact telle que la rupture du LCA d'un joueur de football en changeant de direction est probablement attribuable à un plus grand nombre de facteurs de risques internes (résilience tissulaire, contrôle neuromusculaire, etc.)
 
Quelles sont les principales conclusions ?

▸ Les modèles d'étiologie des blessures existants n'ont pas tenu compte des effets des charges d'entraînement et de compétition sur la nature dynamique du risque de blessures.
▸ Les charges de travail totales, et plus particulièrement les pics de charge de travail, sont fortement associés aux blessures sportives, bien que peu de mécanismes aient été proposés pour que la charge de travail contribue à la causalité des blessures.
▸ Dans notre modèle mis à jour, les charges de travail contribuent au risque de blessures dynamique d'un athlète à travers trois mécanismes :
 (1) elles constituent une exposition à des événements d'incitation potentiels
ainsi que des facteurs de risques externes, de sorte que des charges accrues augmentent le potentiel pour un athlète de subir une blessure,
(2) ils induisent une «fatigue», ce qui représente des effets physiologiques négatifs qui modifient les facteurs de risque internes et augmentent le risque de blessure.
(3) ils induisent une «adaptation», ou des adaptations physiologiques positives qui modifient positivement les facteurs de risque internes et réduisent ainsi le risque de blessure subséquente.
 
Article original : Windt J,
Gabbett TJ. Br J Sports Med Published Online First: [please include Day Month Year] doi:10.1136/bjsports- 2016-096040

 
Références :
 
3 Cross MJ, Williams S, Trewartha G, et al. The Influence of In-Season Training Loads on Injury Risk in Professional Rugby Union. Int J Sports Physiol Perform 2016;11:350–5.
8 Meeuwisse WH. Assessing causation in sport injury: a multifactorial model. Clin J Sport Med 1994;4:166–70.
9 Bahr R, Krosshaug T. Understanding injury mechanisms: a key component of preventing injuries in sport. Br J Sports Med 2005;39:324–9.
10 Meeuwisse WH, Tyreman H, Hagel B, et al. A dynamic model of etiology in sport injury: the recursive nature of risk and causation. Clin J Sport Med 2007;17:215–19.
11 Gabbett TJ. The development and application of an injury prediction model for noncontact, soft-tissue injuries in elite collision sport athletes. J Strength Cond Res 2010;24:2593–603.
12 Hulin BT, Gabbett TJ, Blanch P, et al. Spikes in acute workload are associated with increased injury risk in elite cricket fast bowlers. Br J Sports Med 2014;48:708–12.
13 Hulin BT, Gabbett TJ, Lawson DW, et al. The acute:chronic workload ratio predicts injury: high chronic workload May decrease injury risk in elite rugby league players. Br J Sports Med 2016;50:231–6.
14 Andrew N, Gabbe BJ, Cook J, et al. Could targeted exercise programmes prevent lower limb injury in community Australian football? Sports Med 2013;43:751–63.
15 Gabbett TJ, Whyte DG, Hartwig TB, et al. The relationship between workloads, physical performance, injury and illness in adolescent male football players. Sports Med 2014;44:989–1003.
24 Bahr R, Holme I. Risk factors for sports injuries—a methodological approach. Br J Sports Med 2003;37:384–92.
25 Meeuwisse WHMD. Athletic injury etiology: distinguishing between interaction and confounding. [Editorial]. J Sport Med 1994;4:171–5.
26 McIntosh AS. Risk compensation, motivation, injuries, and biomechanics in competitive sport. Br J Sports Med 2005;39:2–3.
28  Smith DJ. A framework for understanding the training process leading to elite performance. Sports Med 2003;33:1103–26. 

29  Halson SL. Monitoring training load to understand fatigue in athletes. Sports Med 2014;44:139–47. 

30  Halson SL, Jeukendrup AE. Does overtraining exist? An analysis of overreaching and overtraining research. Sports Med 2004;34:967–81. 

31  Impellizzeri FM, Rampinini E, Marcora SM. Physiological assessment of aerobic training in soccer. J Sports Sci 2005;23:583–92. 

32  Borresen J, Lambert MI. The quantification of training load, the training response and the effect on performance. Sports Med 2009;39:779–95. 

61 Gabbett TJ. The training-injury prevention paradox: should athletes be training smarter and harder? Br J Sports Med 2016;50:273–80.

62 Hulin BT, Gabbett TJ, Caputi P, et al. Low chronic workload ratio are more predictive of injury than between-match recovery time: a two-season prospective cohort study in elite rugby league players. Br J Sports Med Published Online First: 5 Feb 2016 doi:10.1136/bjsports-2015-095364
63 Ehrmann FE, Duncan CS, Sindhusake D, et al. GPS and injury prevention in professional soccer. J Strength Cond Res 2016;30:360–7.
64 Blanch P, Gabbett TJ. Has the athlete trained enough to return to play safely? The acute:chronic workload ratio permits clinicians to quantify a player’s risk of subsequent injury. Br J Sports Med 2016;50:471–5.
65 Emery CA. Injury prevention in paediatric sport-related injuries: a scientific approach. Br J Sports Med 2010;44:64–9.
66 Gastin PB, Meyer D, Huntsman E, et al. Increase in injury risk with low body mass and aerobic-running fitness in elite Australian football. Int J Sports Physiol Perform 2015;10:458–63