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Chirurgie lombaire : une fatalité ?



Comme vous l’avez tous constaté dans vos cabinets de ville ou dans vos centres de rééducation spécialisés, les douleurs lombaires chroniques non spécifiques (définies ici comme des « douleurs lombaires d’une durée > 12 semaines et sans cause spécifique ») [1, 2] sont parmi les localisations de douleurs les plus courantes dans la population [3]. A ces douleurs dites «  non spécifiques » s’ajoutent les pathologies lombaires identifiées comme les hernies discales, les processus dégénératifs discaux ou articulaires majeurs, les sténoses lombaires ou certaines pathologies traumatiques comme par exemple les spondylolisthésis. Cet ensemble de « dysfonctions » et/ou « atteintes structurelles » rachidiennes » s’entremêlent dans ce qu’on appelle vulgairement aujourd’hui le « mal du siècle ». Un mal moderne tellement courant que certaines études rapportent qu’au moins 80% des français ont déjà eu mal au dos au moins une fois dans leur vie et que cela impacte fortement leur qualité de vie (auto-questionnaire de Dallas). En effet, comme l’a démontré l’américain Tom Mayer en 1984 dans sa théorie du syndrome de déconditionnement rachidien, la lombalgie chronique est fréquemment associée à des facteurs physiques (handicap) et psychologiques (stress, états dépressifs…) et par conséquent à un taux d’absentéisme au travail plus important. Etant donné la prévalence importante de cette pathologie au sein de la population active et particulièrement celle du secteur tertiaire, les coûts de santé associés aux soins et aux arrêts de travail sont élevés [4]. Environ les 3/4 des patients lombalgiques chroniques ne se considèrent pas entièrement rétablis une année après le déclenchement des premiers symptômes avec des douleurs modérées persistantes et une incapacité dans certaines tâches quotidiennes [5,6].
Quand la gêne et la douleur deviennent alors trop importantes et que les traitements médicaux (médicaments, infiltrations) ou kinésithérapiques (ou autres) n’ont pas démontré d’améliorations cliniques significatives, un traitement chirurgical peut alors être envisagé avant que le pronostic fonctionnel s’aggrave. Un diagnostic précis posé par le biais d’imagerie (IRM, Scanner…) et/ou d’un électromyogramme fixe les modalités opératoires. Loin d’être sans risque, la chirurgie lombaire en devient « vitale » dans certains cas au risque de faire face à des pertes sensitives et motrices irréversibles. Parfois même, elle doit s’envisager en urgence comme dans le cas par exemple d’une hernie discale entrainant une paralysie des membres ou une atteinte de la fonction urinaire.
La chirurgie lombaire se réfère à tout acte chirurgical intervenant au niveau d’un ou plusieurs segments vertébraux situés entre L1 et S1. Il existe aujourd’hui deux grands types de traitement chirurgical : la décompression et la fusion lombaire.
Le but de la décompression lombaire est de supprimer la douleur causée par le pincement d’une racine nerveuse. Il existe deux étiologies majeures à ce pincement que sont la hernie discale et la sténose du canal lombaire. Ces dernières se réfèrent majoritairement aux termes de radiculopathie ou sciatalgie pour le segment lombaire. Le geste chirurgical de décompression lombaire implique de retirer une petite portion d’os (arthrose, ostéophyte…) et/ou de matériel discal autour de la racine nerveuse pour décomprimer cette dernière et lui laisser ainsi plus d’espace pour cicatriser. Les techniques chirurgicales de décompression les plus courantes sont la microdiscectomie et la laminectomie. Il existe également d’autres alternatives aux deux gestes chirurgicaux cités ci-dessus comme le X-STOP qui peut être une option à la laminectomie pour les sténoses lombaires. Sachant que la sténose lombaire est associée à une dégénérescence des disques intervertébraux et à une arthrose de la colonne liée à l’âge, on s’attend donc à ce que sa prévalence augmente avec le vieillissement de la population [7 ]. Le dispositif X-STOP est alors indiqué chez les patients de 50 ans qui n’ont pas répondu à un traitement d’au moins six mois par la kinésithérapie, les analgésiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les injections diverses [7 ]. Quelques essais contrôlés et randomisés ont mis en évidence une atténuation des symptômes et une amélioration de la fonction avec ce dispositif [8-10]. De même, lors d’une dégénérescence du disque importante, une arthroplastie avec prothèse discale peut être réalisée.
Au contraire de la décompression lombaire qui tient à préserver la mobilité autant que faire se peut, le but de la fusion lombaire est de bloquer le secteur de mobilité douloureux. De manière générale, ce type de chirurgie est pratiqué lors de douleur ou incapacité causées par un disque lombaire dégénératif  ou un spondylolisthésis. Une greffe osseuse (crête iliaque ou autre) associée à la pose de matériel chirurgical de fixation est alors mis en place pour stopper le segment vertébral douloureux et par voie de conséquences, tous les influx nociceptifs. Il existe aussi désormais d’autres techniques chirurgicales dites « mini-invasives » pour réaliser une arthrodèse lombaire comme la technique ALIF (voie antérieure), PLIF (voie postérieure), XLIF (voie latérale) ou TLIF (transforaminales). Ces techniques mini-invasives permettent de réduire l’intensité de la douleur post-opératoire, de préserver la musculature lombaire et d’éviter de majorer la présence de fibroses cicatricielles. La fusion lombaire dans le cadre d’atteinte majeure dégénérative discale est généralement effectuée à un niveau du rachis lombaire (L5-S1, L4-L5) mais peut parfois être réalisée à deux, voire trois segments vertébraux.
En conclusion, la chirurgie lombaire ne doit pas systématiquement être considérée comme un échec du traitement conservateur dans le traitement thérapeutique des pathologies lombaires spécifiques. Dans le but de décomprimer un segment vertébral ou au contraire de le fixer par une arthrodèse, elle est parfois la seule solution face à l’aggravation clinique rapide d’un patient. Néanmoins, elle se devra d’être la moins invasive possible afin de limiter les complications post-opératoires.
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, et al.Chapter 4: European guidelines for the management of chronic nonspecific low back pain. Eur Spine J. 2006; 15(suppl 2):S192–S300.
 
[2] Waddell G. The Back Pain Revolution. 2nd ed. London, United Kingdom: Churchill Livingstone; 2004.
 
[3] Hoy D, Bain C, Williams G, et al. A systematic review of the global prevalence of low back pain. Arthritis Rheum. 2012; 64: 2028–2037.
 
[4] Dagenais S, Caro J, Haldeman S. A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally.Spine J. 2008; 8:8 –20.
 
[5] Costa Lda C, Maher CG, McAuley JH, et al. Prognosis for patients with chronic low back pain: inception cohort study. BMJ. 2009; 339: b3829.
[6] Da C Menezes Costa L, Maher CG, Hancock MJ, et al. The prognosis of acute and persistent low back pain: a meta-analysis.CMAJ. 2012; 184:E613–E624.
[7] Interspinous process decompression to treat spinal stenosis. [Target database]. Plymouth Meeting (PA): ECRI; 2006.
[8] Zucherman JF, et al. Eur Spine J 2004; 13(1):22-31.
[9] Zucherman JF, et al. Spine 2005;30(12):1351-8.
[10] Kondrashov DG, et al. J Spinal Disord Tech 2006;19(5):323-7.