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Chirurgie du Ligament Croisé Antérieur: actualités et up-grade



Rappels :

La rupture du ligament croisé antéro-externe (LCAE ou LCA) est une pathologie fréquente et onéreuse. La fréquence de cette dernière se situe à ce jour entre 0,5 et 1 pour 1000 habitants en Europe. En 2006 en France (chiffre toujours non mis à jour par l’HAS), 34500 reconstruction du LCA ont été réalisés. Aux Etats-Unis, on dénombre pas moins de 100 000 réalisation de chirurgie ayant pour objectif la réparation du LCA.  
En pratique sportive, et en football notamment, le nombre de rupture du LCA n’a pas diminué depuis 11 ans. Les conséquences d’une telle pathologie sur la carrière d’un sportif sont très souvent désastreuses, que ce soit d’un point de vue de la carrière sportive elle-même, mais aussi du point de vue du devenir du genou à long terme. 
L’ensemble des acteurs de santé (chirurgien, médecin, kinésithérapeute) ont donc une place prépondérante lors de l’apparition d’une rupture du LCA. 
L’objectif commun à l’ensemble de ces professions demeure bien évidemment d’apporter toutes leurs compétences pour que le patient/sportif puisse reprendre de façon normale l’ensemble de ses activités, sans conséquences délétères sur la structure du genou.
 
Dans ce cadre là, le travail du chirurgien, lorsque le patient décide de se faire opérer est donc primordial. La qualité de la chirurgie qui sera réalisée aura un impact sur le devenir fonctionnel du genou.
L’objet de cet article est de comprendre l’évolution au fil du temps des techniques chirurgicales intéressant la reconstruction du LCA. D’un point de vue de la rééducation, cela permettra au kinésithérapeute de mieux appréhender les objectifs de sa prise en charge, et de faire de façon plus logique le lien avec le travail du chirurgien.
La compréhension de la chirurgie et de ses objectifs par le kinésithérapeute, aura plusieurs conséquences, d’une part de donner du sens à sa rééducation, et d’autre part de globaliser la prise en charge du patient. 
 
 
Anatomie et Biomécanique du LCAE
 
Le LCA s’insère au niveau du fémur et au niveau du tibia. 
Son insertion fémorale se situe au niveau de la face axiale du condyle fémoral latéral, selon un axe quasiment vertical.
Son insertion tibiale se situe au niveau de la face pré-spinale, en avant des épines tibiales et en arrière de la corne antérieure du ménisque médial.
Il est à noter, que l’insertion tibiale est plus étendue que l’insertion fémorale. Le LCA s’élargit donc de fémoral en tibial et présente une torsion de ses fibres. 
Cette torsion possède une importance dans la cinématique du genou, car elle permet au LCA (rectiligne et concave vers le haut) d’échapper au bord antérieur de l’échancrure intercondylienne lorsque le genou est en extension totale. 
 

Le LCA est constitué de 2 faisceaux principaux, le faisceau antéro-médial (AM) et le faisceau postéro-latéral (PL). 
Le faisceau antéro-médial (AM) : insertion antérieure et médiale au niveau tibial et postérieure et haute au niveau fémoral.
Le faisceau postéro-latéral (PL) : insertion en arrière et en dehors du faisceau antéro-médial au niveau tibial et insertion plus basse au niveau fémoral.  
 

Le LCA à pour but d’aider à la stabilité du genou lors des mouvements de ce dernier. 
Les deux faisceaux sont tendus lorsque le genou est en extension totale, ces derniers sont parallèles dans cette position. 
Lorsque le genou est en flexion à 90°, le faisceau antéro-médial est tendu, tandis que le faisceau postéro-latéral est détendu, permettant les mouvements de rotation. En position de flexion du genou, les deux faisceaux se croisent. 
 

L’ensemble de ces éléments nous permet d’appréhender les objectifs de la chirurgie, et de comprendre par la suite les questionnements actuels relatifs aux techniques chirurgicales.
 
La chirurgie du LCA
 
Nous ne souhaitons pas ici décrire ou faire un listing de toutes les techniques qui ont vu le jour depuis la première suture du LCA en 1895. Notre objectif est de comprendre les nouveautés et les avancées en chirurgie du LCA.
 
Beaucoup de techniques se sont succédées au fil des années pour essayer de potentialiser la reconstruction du ligament croisé antérieur. 
Aujourd’hui, en France, plusieurs techniques sont utilisées. Cependant, l’utilisation des techniques du DIDT ou du KJ reste les plus répandues. 
Il est à noter que la technique du DT4 commence à se développer, en réponse aux conséquences post-opératoires du DIDT sur le devenir de la force musculaire des ischios jambiers. 
L’objectif de la chirurgie du LCA est de redonner au patient un genou fonctionnel (reprise des activités de la vie quotidienne et sportives), stable et d’éviter les complications (lésion méniscales, arthrose) sur l’articulation du genou. Tous ces éléments sont bien entendu plus que valable dans le cadre de la reconstruction du LCA intéressant un sportif de haut niveau. L’objectif pour ce type de population étant un retour au sport au moins au même niveau que précédemment, en évitant les conséquences néfastes sur le genou à long terme (arthrose, lésion d’autres structures, récidive).
A ce jour, dans le sport de haut niveau, les conséquences à long terme sur le genou (taux d’arthrose) sont effectivement présentes, et ceux malgré la chirurgie (taux d’arthrose similaire à 14 ans après rupture du LCA selon qu’il y ait eu ou non une reconstruction du LCA).
Shelbourne et al. ont émis l’hypothèse que la reprise du sport de façon totale et la faiblesse de la greffe sont responsable des ruptures précoces dans les greffes de LCA.
 
En 2014, plusieurs questions se posent donc aux chirurgiens au sujet de la reconstruction du LCA : 
- Comment augmenter la solidité de la greffe pour éviter la récidive ?
- Comment  restaurer la cinématique du LCA lors de sa reconstruction chirurgical ?
- Comment promouvoir la bonne santé du genou à long terme ?
 
Autant de question qui semble aujourd’hui orienter la chirurgie du LCA vers une reconstruction plus anatomique et biologique. 
 
Reconstruction du LCA par la technique du Double Faisceau Anatomique
 
La persistance d’instabilité aux tests fonctionnels, ainsi que les changements dégénératifs du genou, sont souvent décris par les auteurs après chirurgie du LCA utilisant la technique du simple faisceau.
L’objectif de cette technique chirurgicale à double faisceau est d’optimiser la chirurgie en la rendant la plus anatomiquement juste. 
 

Le chirurgien réalisera donc 4 tunnels (2 fémoraux et 2 tibiaux) qui ont pour objectif de reproduire l’anatomie de départ, pour au final redonner au patient une cinématique de mouvement plus normale. 

Le patient possédera donc comme avant la rupture, un LCA avec 2 faisceaux (AM + PL).
Le temps chirurgical est d’environ 90 minutes, le temps au bloc opératoire lui d’environ 120 minutes, l’équipe chirurgicale réalisant au préalable une examination précise du genou pour proposer au patient une greffe la plus individualisé possible.
 
Les équipes du Docteur Freddie Fu à Pittsburgh décrivent de meilleur résultat sur la laxité ligamentaire à 2 ans des genoux opérés selon la technique du double faisceau à comparer à une technique à un seul faisceau.
 
L’objectif ici, n’est pas de décrire la technique chirurgicale, mais de comprendre la démarche de ces chirurgiens qui souhaitent individualiser leur technique, pour être au final le plus proche possible de l’anatomie de départ. Cela dans un souci de résultat satisfaisant à long terme.
Dans cette même démarche, il est décrit depuis quelques années, l’intérêt de la conservation du reste de LCA rompu. Le potentiel de cicatrisation de ce dernier, mais aussi son intérêt par la préservation des mécanorécepteurs demeure des facteurs potentiellement bénéfiques pour améliorer la chirurgie de reconstruction du ligament croisé antérieur.  
 
Conclusion
 
Les études futures nous permettront de conclure de l’impact de ces avancées au niveau chirurgical.
Il semble important en tant que rééducateur d’avoir connaissances de ces avancées et réflexions sur le plan chirurgical, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, pour comprendre les objectifs et les demandes du chirurgien en terme de rééducation, et pour en informer le patient.
Deuxièmement, pour mener une réflexion plus profonde sur nos techniques de rééducation et sur l’impact éventuel que ces dernières ont sur la greffe.
Enfin, pour être un interlocuteur privilégié du chirurgien, et pour mener à bien l’objectif principal, qui est la prise en charge global du patient.   
 
 
 
 
 
 
 
Bibliographie
 
1 - Anatomic Single- and Double-Bundle Anterior Cruciate Ligament (ACL) Reconstruction, Patient Information Hand-out & Post-operative Instructions, Freddie H. Fu.
 
2 - Primary Anatomic Double-Bundle Anterior Cruciate Ligament Reconstruction: A Preliminary 2-Year Prospective Study, Freddie H. Fu, Wei Shen, James S. Starman, Nnamdi Okeke and James J. Irrgang, Am. J. Sports Med. 2008; 36.
 
3 - Loss of Normal Knee Motion After Anterior Cruciate Ligament Reconstruction Is Associated With Radiographic Arthritic Changes After Surgery, K. Donald Shelbourne, Scott E. Urch, Tinker Gray and Heather Freeman, Am J Sports Med 2012 40: 108 originally published online October 11, 2011.
 
4 - The association between radiographic knee osteoarthritis and knee symptoms, function and quality of life 10–15 years after anterior cruciate ligament reconstruction, B E Øiestad, I Holm, L Engebretsen, M A Risberg.
 
5 - Anterior cruciate ligament injury in elite football: a prospective three-cohort study Markus Walde´n , Martin Ha¨gglund, Henrik Magnusson, Jan Ekstrand, Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc (2011) 19:11–19
 
6 – Congrés Isokinetic, Football Medicine Strategies for joint and Ligament Injuries, Milan 2014.