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BodyMechanics Coaching : prise en charge globale de la gestuelle.



Introduction
 
La lésion du ligament croisé antérieur (LCA) pour un sportif de haut niveau ou un sportif amateur demeure une pathologie avec des conséquences néfastes importantes, tant au niveau de la pratique sportive en elle-même que du devenir à long terme du genou.
Des études datant de 2008 nous montrent qu’un genou ayant subi une rupture du LCA, présente un risque d’arthrose à 14 ans plus important qu’un genou sain, qu’il y ait eu intervention chirurgicale préalable ou non.
Ces données montrent l’importance des stratégies préventives primaires à mettre en œuvre, dans une optique de promotion de la santé chez le sportif.
Différentes structures, dans de nombreux sports, mettent en place des programmes de prévention à grande échelle (sport professionnel et amateur) visant à limiter l’incidence des blessures les plus couramment répertoriées.
Nous pouvons citer pour exemple le FIFA 11+ en football, développé par la F-MARC, mais aussi en handball le programme de prévention chez les joueuses de handball Norvégienne (www.Skadefri.no).
Pour conduire une stratégie préventive primaire efficace, il demeure important de comprendre et d’analyser les mécanismes lésionnels. Cela permettra par la suite de conduire des stratégies d’entraînement de la gestuelle ciblées et efficaces.
Nous avions précédemment parlé dans un article de cette logique d’intervention en répertoriant le travail de médecins pratiquant dans le milieu du football professionnel, qui après analyse vidéo de plus de quarante lésions du LCA en football, avaient déterminé des situations à risques lésionnelles. En effet, la décélération lors d’un sprint, la position en déséquilibre du centre de gravité, ainsi que la position en valgus du genou lors de la réception de saut, étaient des facteurs de risques importants de rupture du LCA lors de la pratique du football. Leur démarche avait même était plus loin en ciblant des postes à risques, le poste d’arrière latéral étant le plus sujet à la rupture du LCA. Cette démarche avait permis de mettre au point ce qui fait à ce jour de plus en plus consensus dans le milieu du football en terme de test prédictif du risque de lésion du LCA, c’est à dire l’analyse 3D de l’alignement pied/genou/épaule lors du demi-tour à vitesse rapide lors du test RSSA (RepeatedShuttle Sprint Ability).
Pour rappel, le RSSA consiste à la réalisation de six sprints de 2 fois 20 m avec un changement de direction à 180°.
Nous pouvons donc dire que la compréhension des mécanismes lésionnels, mais aussi la quantification d’attitudes segmentaires vicieuses, permettra d’affiner et de potentialiser la prise en charge de la gestuelle d’un sportif, dans une optique de prévention et de performance.
Dans ce contexte, nous savons que la lésion du LCA est 2 à 10 fois plus importante chez les athlètes féminines comparativement aux athlètes masculins pour un type de sport à risque similaire. Plusieurs facteurs, en autres morphologiques sont avancés : largeur du bassin plus importante entrainant une adduction de hanche plus prononcée, valgus du genou plus prononcé, rotation tibiale externe plus marquée.
 
Une étude de Myer et al. publié en Janvier 2015 dans le BJSM, s’intéresse à l’intensité du moment de force en abduction du genou chez des sportives féminines et son implication dans l’apparition d’un syndrome fémoro-patellaire (SFP), ainsi que du risque de rupture du LCA. Une des questions concomitante est de savoir si le syndrome fémoro-patellaire est un facteur prédictif en lui même de lésion ultérieur du LCA.
L’objectif est d’évaluer deux cohortes prospectives avec des populations et des méthodologies similaires, pour comparer le taux d’incidence et les facteurs de risque associés avec le SFP et la lésion du LCA.
La « cohorte » relative au SFP était constituée de 240 joueuses féminines de basketball de collèges et lycées. Sur ces 240 athlètes, 152 ont pu être suivi durant la saison, le reste ayant été exclus pour des causes différentes, 39 présentant déjà au préalable un SFP (douleur rétro-patellaire ou péri-patellaire comme défini par l’étude).
La « cohorte » relative à la lésion du LCA était constituée de 205 athlètes féminines de football, volleyball, basketball.
Une évaluation anthropométrique, ainsi qu’une évaluation de la force et de la réception lors d’un drop vertical jump (DVJ) ont été effectuées en pré-saison.
Les résultats nous montrent que les athlètes ayant un moment de force en abduction du genou supérieur à 15 N-m (Newton mètre), ont un risque plus important de contracter une SFP. En dessous du seuil de 15 N-m le risque n’est que de 2,9 % tandis qu’au-dessus il est de 6,8 %.
Le constat est identique pour ce qui est du LCA, où les athlètes possédant un moment de force en abduction supérieur à 25,3 N-m ont 6,8% plus de risque de rupture de LCA ultérieure comparativement avec les athlètes se trouvant en dessous du seuil, où le pourcentage de risque n’est que 0,4.
Deux informations attirent particulièrement notre attention. Premièrement, les participants qui ont développé un SFP, ont un angle d'abduction du genou au contact initial au sol lors du drop jump test significativement moins important que les participants ayant subit une rupture du LCA (SFP = 1,4°, LCA = 5,0°, p-value < 0,05).
Deuxièmement, le ratio aux tests isocinétique entre les ischios jambiers et le quadriceps est significativement moins important (p-value < 0,05) pour le groupe LCA (51%) comparativement au groupe SFP (68%).
Notons tout de même que le groupe LCA est significativement plus âgé que le groupe SFP : 15,8 ans contre 12,7 ans.
Les auteurs nous expliquent que l'augmentation de la prévalence des SFP, peut être liée avec le mécanisme chronique de charges répétitives non adaptées sur le genou. Durant les premières années de la puberté, l’intensité de la charge n’est pas assez importante pour atteindre celle de la lésion du LCA.
Cependant, l'augmentation de la taille des jeunes filles, en particulier la longueur du tibia et le poids, entraînent  une augmentation des charges en abduction sur le genou dans le plan frontal, qui pourrait excéder le seuil de lésion du LCA durant la fin de l'adolescence.
Outre le fait de quantifier les liens entre l’intensité du moment de force en abduction du genou et le risque d’apparition de SFP ou de rupture de LCA, cette étude nous montre que les jeunes filles ayant un SFP durant la puberté, peuvent présenter des facteurs de risque les prédisposant à une rupture du LCA future.
Plusieurs messages sont importants à entendre au travers de cet article. Ces messages qui nous permettront d’optimiser notre prise en charge de la gestuelle du sportif dans le temps.
Le premier, est que le mouvement en valgus du genou lors de la réception de saut est délétère pour la structure ostéo-articulaire du patient/sportif. Il est un facteur de risque commun dans l’apparition d’un SFP ou d’un risque de rupture du LCA.
Le second, est que l’apparition d’une pathologie ayant pour étiologie une chronicité prononcée sur une attitude vicieuse, peut prédisposer à une rupture ligamentaire future.  Cela doit nous faire prendre conscience que la prise en charge d’une pathologie ostéo-articulaire doit s’inscrire dans une démarche globale réelle, où la prise en charge de la gestuelle est essentielle.
Enfin, le dernier message à considérer, est que la prise en compte des éléments relatifs  à la croissance et au genre est primordiale dans la compréhension des mécanismes qui fondent la gestuelle individuelle.
 
Stratégie neuro-musculaire et conséquences sur la gestuelle 
 
Nous avons vu que l’athlète féminine a plus de risque de se faire une rupture du LCA que l’athlète masculin. Nous avons au préalable décrit quelques points, qui permettaient de comprendre de manière plus ou moins directe cette réalité. L’étude récente de Myer, permet de nous positionner de manière plus précise sur les risques de lésion du LCA, et ainsi de prendre toute la mesure des implications de l’évolution morphologique durant la puberté chez la femme.
Cependant, il nous paraît nécessaire d’essayer de comprendre quels sont les mécanismes et les stratégies neuromusculaires à la base de ces types gestuels et également comment les faire évoluer.
Deux études de R. Ford et D.Myer respectivement publiées en 2010 et 2011 dans l’American Journal of Sport Medicine et le Journal of Applied Biomechanics, nous renseignent sur les différences de stratégies neuromusculaires entre les filles et les garçons lors de la réception d’un saut.
Les athlètes féminines, présentent à la réception un moment de force d’extension du genou plus important que le moment de force d’extension de hanche. Au niveau neuromusculaire, on remarque une augmentation de l’activation du muscle quadriceps,  concomitante avec l’augmentation de l’intensité pliométrique. Cependant, aucune augmentation de l’activation des muscles ischios jambiers n’est relevée.
L’activation musculaire non adéquate des ischios jambiers chez la jeune athlète, ne permet pas de contrebalancer la contraction du quadriceps, et limite ainsi la compression de l’articulation du genou. Cette compression articulaire qui permet de limiter les charges  en abduction sur le genou lors de la réception d’un saut.
Chez les athlètes masculins durant la puberté, on remarque une augmentation du  couple de force d’extension de hanche comparativement au couple de force d’extension du genou.
Cette stratégie opposée explique en partie la différence au niveau du risque de lésion ligamentaire au niveau du genou entre les filles et les garçons.
 
C.M Powers nous explique que les athlètes féminines ont une tendance à privilégier une stratégie de genou avec une dépendance importante au quadriceps, tandis que les athlètes masculins privilégient une stratégie de hanche.
Cette différence motrice est à mettre en lien avec la notion de raideur articulaire active. En effet, plusieurs études nous apprennent que l’augmentation de la raideur articulaire active peut entraîner une amélioration de la performance et une réduction du risque de lésion du LCA.
Ford et al. en 2010 montrent qu’il n’y a pas de différence entre les filles et les garçons quant à l’augmentation de la raideur active du genou durant la puberté. Cependant, les garçons présentent une augmentation de la raideur active de la cheville et de la hanche après la puberté, ce qui n’est pas le cas chez les filles.
Il existe donc une différence de stratégie au niveau de la hanche et de la cheville entre les filles et les garçons lors de la réception de saut, qui permet à ces derniers de diminuer les charges qui s’appliquent sur le genou.
L’implication de la hanche dans la cinématique du genou est confirmée par de nombreuses études, qui mettent en exergue l’existence d’un lien important entre la force des abducteurs de hanche et le valgus dynamique du genou lors de la réception.
En effet, la diminution de la force en abduction de hanche serait corrélée avec un valgus du genou plus important lors du contact initial au sol.
Dans une étude longitudinale sur une population d’athlète de 11 à 22 ans, Brent et al. montrent que les athlètes masculins ont une augmentation de la force des abducteurs de hanche  significativement  plus importante que les athlètes féminines.
Une étude de Myers et al. en 2008, nous montre qu’un entrainement neuromusculaire de 10 semaines spécifiquement orienté sur la hanche et le tronc, améliore la force d’abduction de hanche chez des athlètes féminines adolescentes. 
Lorsque l’on sait que le valgus dynamique du genou est un facteur de risque de lésion du LCA, la prise en considération de ce lien entre les abducteurs de hanche et la dynamique du genou nous paraît importante à prendre en compte, dans une optique de prévention.
 
 
Synthèse 
 
De nombreuses études s’intéressant aux charges délétères qui s’appliquent sur le genou lors des gestes sportifs, en particulier lors de la réception de saut, s’accordent à ce jour sur l’intégration précoce d’un entrainement neuromusculaire ayant pour but le contrôle de la hanche et du tronc.
En effet, ce type d’entrainement revêt une importance toute particulière dans l’objectif de l’amélioration de la cinématique du genou et dans l’amélioration de l’alignement du membre inférieur.
D’après les auteurs, l’amélioration de la fonction de la hanche, en particulier l’amélioration de l’utilisation des extenseurs de hanche lors des tâches motrices pourrait permettre d’améliorer l’action préventive dans l’optique de diminuer les charges appliquées au genou.
 
Ouverture sur le BodyMechanics Coaching
 
L’optimisation de la gestuelle d’un sportif oblige à la connaissance des mécanismes lésionnels et des situations à risque s’y reportant.
L’analyse de la gestuelle spécifique du sportif devra s’accorder à objectiver les mouvements et attitudes vicieuses pouvant conduire à une lésion de sa structure corporelle, et ce  à plus ou moins long terme.
Les facteurs pouvant permettre l’amélioration de la gestuelle devront être pris en compte et incorporer dans les programmes d’entrainements, que ce soit à visée de prévention ou de performance.
Le rôle de la hanche et de la cheville dans la cinématique du genou, et particulièrement dans la diminution du valgus dynamique de ce dernier lors de la réception d’un saut n’est plus à prouver.
Le travail du contrôle de la hanche et du maintien de la raideur active de la cheville lors d’un geste sportif, devra être pris en considération et intégrer précocement dans les processus d’entraînement, pour lutter efficacement contre les attitudes vicieuses du genou.
Le contrôle neuromusculaire du tronc sera également une priorité pour qui veut améliorer ou tout du moins potentialiser la gestuelle d’un sportif.
Nous sommes ici à la lumière de ce que nous prônons comme le BodyMechanics Coaching, où la gestuelle doit être considérée comme un ensemble, où chaque élément est en interaction permanente avec l’autre.
Il sera donc fondamental de considérer la cheville, la hanche et le tronc, dans l’optique de lutter contre les pathologies ostéo-articulaires du genou.
 

Bibliographie
 
  1. Myer GD, Ford KR, Di Stasi SL, et al. High knee abduction moments are common risk factors for patellofemoral pain (PFP) and anterior cruciate ligament (ACL) injury in girls: Is PFP itself a predictor for subsequent ACL injury? Br J Sports Med 2015 ; 49:118–122.
 
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