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Blessures aux sports d’hiver. Oups…Ça glisse !



Depuis les derniers rapports de blessures effectués dans les années 70, une baisse de 50% de l’ensemble des pathologies spécifiques aux sports d’hiver a été enregistrée avec un taux moyen de blessures de 2-4 blessures pour 1000 skieurs/ jour [1,2]. Cette diminution significative des atteintes traumatiques est en grande partie due à l’amélioration des équipements qui se sont fait plus légers, plus sûrs (maintien des chaussures de ski, fixations amovibles …). Le monopole du ski sur les pentes enneigées du monde entier a laissé place aujourd’hui à une multitude d’entités distinctes (snowboard, snowblades, télémark, snowscoot…) qui ont redéfinies le contour des atteintes traumatiques (type, localisation …).
Ainsi, des fractures au niveau des membres supérieurs et de l’axe du corps sont plus fréquemment retrouvées que par le passé.
L’étude présentée ci-dessous [3] est une étude prospective de cas-témoins relevant toutes les blessures répertoriées dans les trois plus grands domaines skiables d’Ecosse (Cairngorm, Glenshee et Nevis Range)  au cours de la saison hivernale 1999-2000. Les objectifs de l’étude était d’examiner l’incidence et les caractéristiques des blessures et d’identifier les facteurs de risques associés. Les données personnelles des sujets de l’étude et liées au sport de glisse pratiqué ont été enregistrées ainsi que le diagnostic de la blessure et le traitement associé. De même, les données du groupe contrôle ont été recueillies de façon aléatoire sur des pratiquants exempts de blessures dans les trois domaines skiables mentionnées plus haut.


Un total de 732 blessures a été enregistré chez 674 sujets. Les données contrôles ont, elles, été récoltées chez 336 personnes. Le taux de blessure dans l’étude était de 3.7/1000 skieurs/jour (total de 197 033 jours de ski) avec une répartition moyenne de 67% de skieurs, 26% de snowboardeurs, 4% de snowbladers et 2% de télémark skieurs. Les entorses et atteintes du membre inférieur étaient plus communes chez les skieurs et les snowbladers tandis que les snowboardeurs étaient plus touchés au niveau du membre supérieur et du tronc. Par ailleurs, les snowbladers et snowboardeurs avaient quant à eux un taux de fractures plus élevé.

Après ajustement des autres variables, trois facteurs ont été associés de façon indépendante aux  blessures: le snowboard (Odds ratio (OR) 4,07, intervalle de confiance de 95% (IC) de 1,65 à 10,08), le ski alpin (OR 3,82, IC 01/06 au 09/13), et l'âge <16 ans (OR 1,9, IC 1.14 à 3.17). Les auteurs ont également constaté qu’une durée de plus de 5 jours de pratique dans la saison et au moins une semaine d’expérience du sport de glisse pratiqué avaient un effet préventif.

Les hommes étaient majoritaires dans tous les groupes blessés mais il n’y avait cependant aucune différence avec le groupe contrôle. En d’autres termes, les hommes sont plus souvent blessés car ils sont plus nombreux. De même, les jeunes pratiquants de snowboard ou de snowblades étaient plus blessés que les jeunes skieurs. Là encore, si l’on examine les données contrôles, on se rend compte encore de la supériorité en nombre des jeunes dans ces deux sports ce qui n’est donc que le reflet de la distribution de la population sur les pistes de ski. Cependant, les pratiquants âgés de 16 ans ou moins, étaient surreprésentés à la fois dans la population ski et snowboard marquant là un réel facteur de risque. Des hypothèses comme l’inexpérience, des réglages de fixations mal faits ou l’utilisation de matériel non adapté, loué ou vieillissant ont été avancés [4, 5, 6]. Goulet [7] a constaté que les enfants âgés de 12 ans ou moins étaient surreprésentés parmi les skieurs blessés au Québec par rapport à une population témoin par un facteur de 1.86. Dans l’étude présentée ici, ce facteur était de 2.37 pour le ski et de 2.92 pour le snowboard pour les pratiquants de moins de 16 ans.


Quelques études ont démontré que l’expérience pouvait avoir une influence sur le risque de blessure. Les skieurs et snowboardeurs débutants [1, 8] auraient un risque 2-4 fois plus élevés. Cependant, la définition du pratiquant « débutant, intermédiaire ou avancé » n’est pas clairement définie dans la majorité des études et reste quelque peu subjective. C’est pourquoi les auteurs de cette étude ont ici décidé de définir l’expérience comme la quantité de temps passée sur les pentes selon un sport particulier (ski, snowboard…). Et là encore, les pratiquants effectuant leur premier jour de sport de glisse étaient significativement majoritaires parmi la population blessée (facteur allant de 1.18 à 2.39). Et comme mentionné précédemment, plus de 5 jours de pratique dans la saison et au moins une semaine d’expérience du sport de glisse pratiqué avaient un effet protecteur des blessures. Les pratiquants essayant un sport de glisse pour la première fois sont clairement un sous-groupe qui a besoin d’attention et donc de prévention. Ces données sont cohérentes avec d’autres résultats d’études qui stipulaient que les skieurs blessés avaient en moyenne moins skié pendant la saison [9].

La localisation anatomique des lésions variait entres les trois sports de neige majoritaire (ski, snowboard et snowblades) reflétant ainsi les différences patho-biomécaniques inhérentes au sport, à sa technique et son matériel. Chez les skieurs, même si les fixations amovibles ont considérablement réduit les blessures graves du membre inférieur comme les fractures (restent néanmoins le 3ème type de blessure chez les skieurs alpins), le genou reste le site lésionnel le plus fréquent dû au potentiel de rotation des membres inférieurs sur des skis indépendants [1, 10-12]. 

Avec les deux membres inférieurs fixés ensemble réduisant les forces en rotation au niveau du genou, le snowboardeur connait moins de blessure au membre inférieur que le skieur à moins qu’un pied se détache ou qu’un traumatisme direct survienne [13]. L’atteinte du poignet est la localisation lésionnelle la plus fréquente du membre supérieur chez le snowboardeur dû au réflexe de poser la main au sol lors d’une chute. Moins de 10% des snowboardeurs portent un protège poignet même si les preuves de leur utilisation existent [14, 15, 16]. Ce sera donc une mesure préventive à renforcer dans les prochaines années.
L’incidence des blessures à la tête et au visage relevée dans cette étude reflète celle trouvée dans d’autres études [10, 13]. Ces dernières sont majoritairement mineures. Cependant d’autres études ont signalé une incidence croissante de traumatismes crâniens chez les enfants [4] ce qui devrait encourager à répandre de manière préventive le port du casque chez cette population [17]. Le risque de blessure sérieuse à la tête demeure néanmoins à ce jour faible en proportion et il n’existe pas d’études prouvant que les casques réduisent le risque de décès dans les sports de neige [18]. Enfin, même si elles sont relativement rares, les atteintes de la colonne vertébrale et de la moelle épinière représentent 4-10% des blessures « fatales » au ski. Les situations traumatiques les plus courantes sont la chute en arrière sur l’occiput avec une flexion forcée du rachis cervical au ski ou l’application d’une force de compression axiale conséquente sur la colonne vertébrale lors d’une mauvaise réception chez le snowboardeur [19, 20]. 


En conclusion, on peut dire que le calcul précis des taux de blessures des sports de neige est difficile. Dans un grand domaine skiable, un nombre inquantifiable de personnes blessées ne consulte pas sur place, ne reçoit pas de soins, se traite soi-même ou attend le retour chez soi pour se soigner. Néanmoins, dans cette étude, les services complets de patrouille à ski, ambulance et services médicaux sont fournis gratuitement aux citoyens anglo-saxons, des Etats-Unis et de l’union européenne ce qui réduit un potentiel obstacle majeur à l’exhaustivité des données récoltées.

Malgré un changement de pratiques dans le paysage alpin dû à l’arrivée des nouvelles modalités de glisse dans les années 90, le taux global de blessures est similaire à celui rapporté dans des études comparables. Plusieurs facteurs de risque comme le sport en lui-même (ski, snowboard), l’âge (< 16 ans) sont associés à un risque accru de blessure et devraient faire la cible dans le futur d’une action préventive. Celle-ci devra se concentrer sur un renforcement musculaire préalable (et continue) en relation avec la localisation préférentielle des blessures selon le sport pratiqué (ski, snowboard), sur la recherche de matériel adapté et sécuritaire à la pratique (matériel de glisse et protection) et sur une recherche du rapport optimal risque encouru/technique chez les jeunes pratiquants.


Bibliographie 

Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
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