Comme vous l’aurez compris depuis déjà quelques speed meetings traitant du ballon rond, les blessures de tout type mais prédominant aux membres inférieurs sont légions dans le football professionnel de haut niveau, et ces dernières sont la raison la plus fréquemment retrouvée concernant l’indisponibilité d’un joueur à l’entrainement et/ou au match [1-3]. Par voie de conséquence, un taux de blessures trop élevé pendant une saison ou une compétition pourrait avoir un impact considérable sur la performance d’une équipe.
Plusieurs études se sont déjà penchées sur cette question. Dans une recherche portant sur l'équipe nationale masculine suédoise sur 6 ans, l'incidence des blessures était plus élevée au cours des matches nuls ou perdus par rapport aux matchs gagné [4]. Cependant, cette conclusion n'a pas été répétée dans une étude sur neuf sujets masculins (senior, - 21, -19 et -17 ans) et trois féminins (-19 ans) jouant les différents championnats d’Europe de leur catégorie respective entre 2006 et 2008, où aucune différence dans l'incidence des blessures n’a été observée en fonction du résultat du match [5].
Les résultats sont donc encore à nuancer. Ainsi, dans le championnat d'Europe féminin de 2005, les équipes qui ont été éliminés lors des phases de poule avaient une incidence des blessures en match plus élevée que les équipes qui ont atteint les demi-finales, alors qu'aucune association n'a été trouvée dans le tournoi masculin sénior de 2004 ou celui des -19 ans de 2005 [6]. De même, aucune différence dans l'incidence des blessures entre les équipes qui ont été éliminés dans la phase de groupe et ceux qui se sont qualifiés pour la phase finale du tournoi n’a été signalé dans l'étude mentionnée précédemment qui concernait 12 championnats d’Europe [5].
Au niveau des clubs de football, trois études ont corrélé les données chiffrées de blessures à la performance de l'équipe dans le championnat. Dans une de ces dernières, incluant 17 équipes évoluant dans les deux 1ères divisions masculines islandaises pendant une saison, une relation, bien que non significative (p = 0,092), entre le nombre de jours d’indisponibilité par équipe et le classement final du championnat a été trouvé, indiquant que les équipes ayant un nombre de jours de blessures inférieur ont une meilleure chance de succès [7]. Dans la 2ème étude portant sur une équipe professionnelle française suivie pendant 15 saisons, il n’y avait pas de corrélation entre le classement final et l’incidence des blessures sur la saison [8]. Enfin, la dernière étude sur la « Qatar stars league » a rapporté de fortes corrélations entre l'incidence des blessures et un classement plus élevé mais aussi avec plus de matchs gagnés, plus de buts marqués et une meilleur différence de buts et de nombre total de points à la fin de la saison [9].
Malgré certains résultats contradictoires présentés ci-dessus, on ne peut nier que certaines études indiquent que les blessures peuvent avoir un impact sur la performance d'une équipe. À la connaissance des auteurs, l'association entre les taux de blessures et la performance des équipes professionnelles engagées dans les coupes européennes administrés par l'Union des Associations Européennes de Football (UEFA) n'a pas été étudiée précédemment. Par conséquent, l'objectif de cette étude [10] était d'étudier l'association entre les taux de blessures et la performance dans le jeu des championnats nationaux et dans les coupes européennes masculines. Notre hypothèse était qu'il y aurait une association entre un « faible taux de blessures » et une « meilleure performance de l'équipe » dans les deux tableaux que sont le championnat national et les compétitions internationales.
L’étude sur les blessures survenant en UEFA Champions league (UCL injury study) est une étude prospective de surveillance menée dans le football professionnel masculin depuis 2001 [11]. L’échantillon total de l’étude incluait 27 équipes invitées par l’UEFA avec pour critère d’inclusion qu’elles aient joué au plus haut niveau en Europe durant la dernière décennie [12].
La présente étude est une sous-analyse de l’étude ci-dessus où seulement les équipes détenant des données sur au moins deux saisons consécutives entre 2001 et 2012 étaient incluses. On retrouvait alors 24 équipes de 9 pays européens avec un total de 155 saisons
La performance d’une équipe sur une saison était évaluée par le biais de 3 différentes mesures : le coefficient UEFA (reflet de la performance de l’équipe dans les coupes européennes), le classement final du championnat et le nombre de points par match dans ce dernier.
Le taux de blessures durant la saison était aussi évalué par 3 indicateurs : l’incidence des blessures (fréquence : nombre de blessures pour 1000 h d’entrainement et de match), le temps d’indisponibilité (sévérité : nombre de jours perdus pour 1000 h) et la disponibilité du joueur au match.
Les résultats de l’étude ont montré qu’il existait des associations significatives entre un faible taux de blessure sur la saison et des performances accrues tant dans le championnat national que dans les coupes européennes de football. Ce constat ne concernait que des équipes européennes de premier plan finissant aux trois premières places du championnat dans 75% des saisons et dans les 20 premiers du classement européen des clubs dans 52% des saisons. Ces conclusions soulignaient sans réelle surprise que « plus la blessure était importante et causait donc un nombre important de matchs ratés, plus l’impact sur la performance de l’équipe était négatif ».
L’association entre blessures et performance individuelle mais aussi collective, est donc probablement l’un des messages forts à transmettre au staff technique et médical et tous les acteurs pouvant jouer un rôle au sein de l’équipe. Tout ceci dans un but évidemment de prévention à court, moyen et long terme. Sachant alors que différentes pathologies comme les lésions myo-aponévrotiques et tendineuses des ischio-jambiers, la pubalgie, les entorses de la cheville ou du genou, se retrouvent de façon majoritaire chez le footballeur et causent de nombreux jours d’indisponibilité [12], une prévention ciblée et assidue se doit d’être mise en place afin d’augmenter les performances. Etant donné que des études ont montré qu’il était possible de diminuer l’incidence des lésions myo-aponévrotiques des ischio-jambiers [13, 14], des entorses récurrentes de la cheville [15-17] et du genou, particulièrement les atteintes du pivot central [18, 19] toute l’attention de l’ensemble du staff devrait être tournée vers la santé du joueur. C’est finalement le chemin le plus direct vers la performance !
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Dvorak J, Junge A, Derman W, et al. Injuries and illnesses of football players during the 2010 FIFA World Cup. Br J Sports Med 2011;45:626–30.
[2] Orhant E, Carling C, Cox A. A three-year prospective study of illness in professional soccer players. Res Sports Med 2010;18:199–204.
[3] Parry L, Drust B. Is injury the major cause of elite soccer players being unavailable to train and play during the competitive season? Phys Ther Sport 2006;7:58–64.
[4] Ekstrand J, Waldén M, Hägglund M. Risk for injury when playing in a national football team. Scand J Med Sci Sports 2004;14:34–8.
[5] Hägglund M, Waldén M, Ekstrand J. UEFA injury study—an injury audit at European Championships 2006 to 2008. Br J Sports Med 2009;43:483–9.
[6] Waldén M, Hägglund M, Ekstrand J. Football injuries during European Championships 2004–2005. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2007;15:1155–62.
[7] Árnason Á, Sigurdsson SB, Gudmundsson A, et al. Physical fitness, injuries, and team performance in soccer. Med Sci Sports Exerc 2004;36:278–85.
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[9] Eirale C, Tol JL, Farooq A, et al. Low injury rate strongly correlates with team success in Qatari professional football. Br J Sports Med 2013;47:807–8.
[10] Hägglund M, et al. Injuries affect team performance negatively in professional football: an 11-year follow-up of the UEFA Champions League injury study. Br J Sports Med 2013; 47:807–808. doi:10.1136/bjsports-2013-092215
[11] Ekstrand J, Hägglund M, Waldén M. Injury incidence and injury patterns in professional football: the UEFA Injury Study. Br J Sports Med 2011;45:553–8.
[12] Ekstrand J, Hägglund M, Kristenson K, et al. Fewer ligament injuries but no preventive effect on muscle injuries and severe injuries: an 11-year follow-up of the UEFA Champions League injury study. Br J Sports Med 2013;47:732–7.
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[17] Tropp H, Askling C, Gillquist J. Prevention of ankle sprains. Am J Sports Med 1985;13:259–62.
[18] Caraffa A, Cerulli G, Projetti M, et al. Prevention of anterior cruciate ligament injuries in soccer. A prospective controlled study of proprioceptive training. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 1996;4:19–21.
[19] Waldén M, Atroshi I, Magnusson H, et al. Prevention of acute knee injuries in adolescent female football players: cluster randomised controlled trial. BMJ 2012;344:e3042.