Le moyen fessier (MF) est un composant intégral de la chaîne cinétique chez l'athlète, et est maintenant décrit séparément comme ayant plusieurs subdivisions anatomiques. Certains auteurs [1] l'ont précédemment décrit avec trois segments séparés (antérieur, moyen et postérieur) en se basant sur une dissection anatomique et des études biomécaniques. Les segments antérieur et moyen du MF présentent des fibres verticales de la crête iliaque antérieure jusqu'au grand trochanter. Le segment postérieur quant à lui présente des fibres horizontales en ligne avec le col fémoral. Les fibres postérieures ont été décrites comme fonctionnant en tant que segment actif primaire pour la stabilisation de la tête fémorale dans l'acétabulum pendant le transfert du poids du corps, et contribuant à la rotation latérale du fémur par rapport à un bassin stable.
Neumann [2] a rapporté l'importance du segment postérieur du MF lors du penchement en avant et du saut, en montrant que le MF produisait moins de couple de force de rotation latérale de hanche à des angles de flexion de hanche supérieurs à 60°.
A travers une analyse EMG, O'Dwyer et al. [3] ont montré des différences d'activation des différents segments du MF pendant une contraction isométrique. O'Sullivan et al. [4] ont poursuivi l'analyse et suggéré la nécessité de variations dans les protocoles de réhabilitation en montrant des différences d'activation segmentaire avec des exercices de charges variées.
La majorité des protocoles actuels de réhabilitation du MF utilisent des exercices avec la hanche en légère flexion, en chaîne fermée par fentes latérales, et des abductions en position latérocubitus sans extension. Un raccourcissement du bras de levier avec extension de hanche change l'angle de traction du MF, entraînant ainsi les abducteurs à développer davantage de force et à recruter tous les segments pour contrebalancer les effets de la gravité. De plus, une étude [5] a montré une faiblesse significative du MF ainsi qu'une tendinopathie avéré de l'ilio-psoas chez des patients suivant des activités de réhabilitation en flexion.
Le propos du Drop Leg Test (DLT) est d'établir un test musculaire manuel plus spécifique pour les fibres postérieures du MF. Les auteurs proposent que le DLT isole la faiblesse des fibres postérieures du MF en raison de l'accent mis sur l'extension et l'abduction avec la jambe en position neutre. Comme le grand fessier (GF) est un rotateur latéral primaire du fémur avec la jambe en position neutre, l'abduction de hanche en extension réduit le rôle du GF en tant que rotateur latéral, ce qui met l'accent sur les fibres postérieures du MF.
L'étude présentée ici, parue dans la revue "Physical Therapy in Sports" début 2014 [6], propose un protocole en trois phases avec insistance sur les fibres postérieures du MF. Afin d'évaluer ces fibres, les auteurs ont proposé le DLT.
Matériel et méthodes
Le DLT (fig. 1) est réalisé en position latérocubitus. Le praticien réalise passivement une abduction de hanche jusqu'à l'amplitude maximale disponible et étend ensuite la hanche de 20°. Pendant qu'il maintient la jambe dans cette position d'abduction et d'extension, il est demandé au patient de maintenir cette position de la jambe pendant que le praticien lâche la jambe. L'auteur principal de cette étude a réalisé le DLT sur des centaines de patients présentant des déficits musculaires significatifs ayant pu être oubliés par les tests en position de flexion ou en position neutre. Avec une faiblesse du segment postérieur du muscle, le patient est incapable de tenir la jambe dans la position demandée et celle-ci va descendre de 2 à 12 pouces (rappel : 1 pouce = 2,54 cm) jusqu'à ce que le bras de levier du muscle soit allongé et que le muscle soit capable de développer suffisamment de force pour arrêter la chute du MI. Si le MI baisse de plusieurs centimètres et que le patient est capable de tenir la jambe en abduction et extension, un test musculaire manuel peut être effectué pour déterminer plus précisément les déficits musculaires.
La contraction volontaire isométrique maximale (CVIM) a été déterminée pour une grande variété d'exercices courants de rééducation de la hanche. Les auteurs ont proposé un protocole en trois phases, basées sur la CVIM du MF avec insistance sur le segment postérieur. La phase 1 produit 20 à 35 % de la CVIM du MF, la phase 2 40 à 45 % et la phase 3 45 à 74 %.
Le programme d'exercice par étapes ci-dessous est unique dans le fait que les exercices mettent l'accent sur la rotation latérale afin de renforcer les fibres postérieures du moyen fessier, les rotateurs profonds, et aussi le grand fessier, le tout sans mettre l'accent sur la flexion de hanche.
Fig. 1 Drop Leg Test, en latérocubitus. La jambe est passivement mise en abduction jusqu'à l'amplitude maximale, et ensuite mise en extension de 20°, avant d'être lâchée.
Phase 1 (fig. 2)
Les exercices sont initiés avec la phase 1 et incluent le pont fessier , la rotation latérale avec le genou sur un tabouret, la position en appui unipodal, et l'extension résistée de la hanche en position procubitus. Le pont fessier (tenu en isométrique) est réalisé 5 à 15 secondes et est répété 5 à 10 fois, une à deux fois par jour. Les autres exercices de la phase 1 sont réalisés avec une résistance appropriée permettant 6 à 8 répétitions de 2 séries, avec pour objectif de réaliser 15 répétitions en 3 fois. Une fois cet objectif atteint, du poids peut être ajouté et débuté avec 6 à 8 répétitions. La progression au delà de cette phase a lieu lorsque le patient est capable de tenir le pont fessier pendant 60 secondes sans douleur en ayant la hanche en extension.
Fig. 2 : pont fessier à deux jambes (A), rotation latérale avec le genou sur un tabouret (B), appui unipodal (C), extension résistée de la hanche en position procubitus (D).
Phase 2 (fig.3)
La phase 2 inclut un renforcement en position quadrupédique (en levant le bras et la jambe opposée), des montées de marche en latéral, des extensions de hanche avec l'autre pied sur une marche, et des extensions de hanche en position debout à l'aide de poulies. L'exercice en position quadrupédique est réalisé 5 à 15 secondes et répété 5 à 10 fois, une à deux fois par jour. Les autres exercices de la phase 2 sont réalisés avec une augmentation de la résistance pour atteindre 6 à 8 répétitions en deux séries, avec pour objectif 15 répétitions en trois fois. Une fois cet objectif atteint, du poids peut être ajouté et débuté avec 6 à 8 répétitions.
Fig. 3 : position quadrupédique (en levant le bras et la jambe opposée) (A) , montées de marche en latéral (B), extensions de hanche avec l'autre pied sur une marche (C), extension de hanche en position debout à l'aide de poulies (D).
Phase 3 (fig. 4)
La phase 3 inclut le pont fessier sur une jambe, des abductions en latérocubitus et du gainage latéral. Les principes sont les mêmes que pour les deux autres phases.
Fig. 4 : pont fessier sur une jambe (A), abductions en latérocubitus (B), gainage latéral (C).
Discussion
Chez l'athlète de course, la tendinopathie de la bandelette ilio-tibiale (BIT) peut être expliquée par un déséquilibre entre le MF et la BIT. Le MF agit d'abord en tant qu'abducteur et rotateur latéral alors que la BIT agit en tant qu'abducteur et rotateur médial. Avec une faiblesse du MF, la rotation médiale via la traction de la BIT augmente l'angle de valgus du fémur, plaçant davantage de tension sur la BIT et l'amenant à être plus sujette aux conflits à la partie distale du fémur [7].
Les auteurs ont observé un grand nombre de patients avec une faiblesse des fibres postérieures du MF en utilisant ce test. De plus, les auteurs ont observé que les patients avec des blessures aux MI et avec dysplasie de hanche ont d'excellents résultats après avoir suivi le programme d'exercices précédemment décrit, qui met l'accent sur la restauration de la force des fibres postérieures du MF. D'après leur expérience, des améliorations significatives de la force du segment postérieur ont été obtenues en utilisant les exercices avec poulies et ceux d'abduction / extension / rotation médiale en latérocubitus. Les exercices en rotation latérale sur le côté apportent les meilleurs résultats mais sont les plus difficiles à réaliser, les rendant optionnels. L'exercice debout avec poulies est efficace mais ce n'est pas un matériel forcément à disposition. La réadaptation par ce protocole ici décrit permet une augmentation par étapes de l'activation du MF, entraînant une augmentation de recrutement comme une augmentation de la force. Ce protocole de réadaptation permet ainsi théoriquement d'améliorer la force de tous les segments, tout en minimisant le risque de blessure.
Le DLT décrit ici offre un test musculaire manuel spécifique pour la faiblesse des fibres postérieures du MF. Comparé au test de Trédélenbourg communément utilisé, le DLT est un test plus spécifique pour les fibres postérieures du MF au sens où il peut montré une faiblesse ayant été masquée par les segments antérieur et moyen, plus grands. Cette focalisation sur le segment postérieur différencie le DLT et apporte des informations supplémentaires par rapport au test de Trédélenbourg en isolant une zone spécifique de faiblesse. Avec le DLT, une combinaison d'abduction et d'extension de hanche réduit le bras de levier du MF, changeant son angle de traction et recrutant les fibres postérieures.
Conclusion
Le renforcement du MF améliore la puissance du MI, réduit les risques chez l'athlète non blessé, et améliore la réadaptation chez celui blessé. La connaissance des différents segments du MF et de leur meilleure position d'activation, de même que de protocoles de réadaptation mettant l'accent sur l'action individuelle de ces segments, améliore les résultats et limite les séquelles. Bien qu'actuellement rarement ciblées dans les protocoles de réhabilitation, les fibres postérieures du MF sont uniques et contribuent à la performance globale du muscle. Le DLT offre un moyen permettant d'évaluer facilement ces fibres et complète le Trendelenburg test couramment utilisé.
[1] Gottschalk, F., Kourosh, S., & Leveau, B. (1989). The functional anatomy of tensor fasciae latae and gluteus medius and minimus. Journal of Anatomy, 166, 179e 189. Retrieved from SCOPUS database.
[2] Neumann, D. A. (2002). Kinesiology of the musculoskeletal system (2nd ed.). St. Louis MO: Mosby Inc.
[3] O’Dwyer, C., Sainsbury, D., & O’Sullivan, K. (2011). Gluteus medius muscle activation during isometric muscle contractions. Journal of Sport Rehabilitation, 2(20), 174e 186.
[4] O’Sullivan, K., Smith, S., & Sainsbury, D. (2010). Electromyographic analysis of the three subdivisions of gluteus medius during weight-bearing exercises. Sports Medicine, Arthroscopy, Rehabilitation, Therapy & Technology, 2(17).
[5] Philippon, M. J., Decker, M. J., Giphart, J. E., Torry, M. R., Wahoff, M. S., & LaPrade, R. F. (2011). Rehabilitation exercise progression for the gluteus medius muscle with consideration for iliopsoas tendinitis: an in vivo electromyography study. American Journal of Sports Medicine, 39(8), 1777e1785. Retrieved from SCOPUS database.
[6] Gowda AL, Mease SJ, Donatelli R, Zelicof S. Gluteus medius strengthening and the use of the Donatelli Drop Leg Test in the athlete. Phys Ther Sport. 2014 Feb;15(1):15-9. doi: 10.1016/j.ptsp.2013.02.005. Epub 2013 Jun 14.
[7] Fredericson, M., Cookingham, C. L., Chaudhari, A. M., Dowdell, B. C., Oestreicher, N., & Sahrmann, S. A. (2000). Hip abductor weakness in distance runners with iliotibial band syndrome. Clinical Journal of Sport Medicine, 10(3), 169e175. Retrieved from SCOPUS database.