"Nous sommes le relais des syndics de copropriété sur le terrain"


Rédigé le Lundi 5 Décembre 2016 à 09:00 | Lu 461 commentaire(s)


Sylvain Ollagnon, huissier de justice associé à Creil (Oise)


Sylvain Ollagnon est huissier de justice. Il s’est installé en 2005 à Creil (Oise). Il est l’un des membres fondateurs du Groupement des huissiers de justice administrateurs d’immeubles (GHJAI), qui a vu le jour en 2012. Il répond aux questions de Flash Immo sur le rôle des huissiers de justice au service des syndics de copropriété. 
 
Sur quelles expertises les syndics et les professionnels de l'immobilier peuvent-ils s'appuyer en faisant appel à un huissier de justice ?  
 
L’huissier de justice est avant tout un juriste de terrain.  Grace à notre maillage territorial, nous intervenons sur tout le territoire. Avec une solide formation juridique initiale et une spécialisation en procédures civile et d’exécution doublés d’un sens des relations humaines, l’Huissier de justice est à même de conseiller utilement les Syndic et professionnels de l’immobilier pour dénouer les situations conflictuelles.  Chaque année, les huissiers de justice continuent de se former et de mettre à jour leur savoir faire dans le cadre de notre plan de formation continue afin de maîtriser parfaitement les évolutions législatives et jurisprudentielles nombreuses que nous avons connues ces dernières années. 
 
Quel rôle peut jouer l'huissier de justice auprès des syndics ? 
 
L’huissier de justice est le relai du syndic de copropriété sur le terrain. Nous intervenons régulièrement à ses côtés pour dresser de nombreux procès-verbaux de constats afin de sauvegarder les droits du syndicat des copropriétaires.  L’huissier de Justice est également « le » spécialiste du recouvrement amiable et judiciaire. Comme en toute matière, lorsque le dialogue est rompu avec un copropriétaire, il est parfois utile de changer d’interlocuteur et de confier le recouvrement à l’huissier de justice. 
 
Quels genres de constats peuvent proposer les huissiers de justice aux syndics de copropriété ? 
 
Le procès-verbal de constat d’huissier de justice est un véritable cliché d’une situation juridique ou de fait. Il vise à protéger les droits du requérant, afin de se prémunir de tout litige ou d’attester d’un préjudice qui s’est malheureusement déjà produit. De nombreuses situations peuvent conduire à dresser un procès-verbal de constat. Je pense notamment aux travaux. En amont, avant le démarrage du chantier, pour constater l’état actuel de l’immeuble ou des lots avoisinant. En aval, lors de la réception de travaux pour inventorier les réserves éventuelles ou lorsque des malfaçons ont été décelées. Nous pouvons également constater un retard, un abandon de chantier ou un dysfonctionnement technique comme celui du système de chauffage par exemple.
 
Je pense également à toutes les nuisances qui peuvent causer du tort à la copropriété et aux copropriétaires. Empiètement d’une haie voisine ou construction illicite par un tiers sur l’emprise de la copropriété, nuisances sonores ou olfactives d’un commerce voisin, comportement anormal d’un occupant de l’immeuble (insalubrité, travaux non autorisés, dégradations des parties communes, sous-location non autorisée, utilisation à titre professionnel d’un lot affecté à l’habitation…)
 
Enfin, l’Huissier de Justice peut être désigné par le Tribunal de Grande Instance pour assister à l’Assemblée Générale des Copropriétaires et constater sa tenue et les éventuelles entraves à son bon déroulement.  
 
 En matière de recouvrement de charges, pourquoi le recours à l'huissier de justice est-il recommandé ?  
 
Le contentieux des charges de copropriété impayées est, chaque année, en constante augmentation. C’est un fléau qu’il faut combattre car l’avenir de la copropriété en dépend. Il appartient au syndic de copropriété de prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir au recouvrement des charges. Il n’a pas besoin, pour cela, d’y être autorisé préalablement par l’assemblée générale, sauf pour engager la saisie immobilière et poursuivre la vente judiciaire du lot. 
 
Depuis le décret 2015-282 du 11 mars 2015, il est désormais nécessaire en cas de procès, de justifier de démarches amiables préalables en vue de la résolution des litiges. Cette obligation est renforcée depuis la publication de la loi « Justice 21e siècle ». Dans cet esprit, il a été instauré depuis le 1er Juin 2016 une procédure de « recouvrement simplifié des petites créances » d'un montant inférieur à 4000 € particulièrement adaptée au recouvrement des charges de copropriété. Chaque huissier de justice peut mettre en œuvre cette procédure. Une plateforme a été mise en ligne pour un traitement rapide et dématérialisé de la procédure (www.petitescreances.fr).
 
Mais bien souvent, le recouvrement amiable semble ne pas suffire, que peut alors entreprendre l’huissier de justice ?
 
Conscient de l’importance du recouvrement des charges, le législateur ne s’y est pas trompé. La Loi du 10 Juillet 1965 confère au syndicat des copropriétaires de nombreux privilèges et tout un panel de procédures aussi efficaces qu’imparables. Il existe tout d’abord plusieurs mesures conservatoires qui peuvent être diligentées. Je pense notamment à la mise en demeure de l’article 19-2 qui permet de saisir le Tribunal de Grande Instance statuant comme en matière de référé afin de condamner le copropriétaire aux appels impayés mais également à tous les appels votés et non encore appelés de l’exercice en cours. L’Huissier de Justice interviendra pour signifier cette assignation au débiteur.
 
Je pense également à la sommation ou au commandement de payer qui permettent d’inscrire ensuite une hypothèque légale sur le lot du copropriétaire. Là encore, l’Huissier de Justice signifiera ces actes et procédera à cette inscription. Je pense aussi à toutes les mesures conservatoires qui peuvent être diligentées sur les meubles garnissant le lot ou sur les loyers si celui-ci est occupé par un locataire. Si ces démarches amiables et ces mesures conservatoires n’ont pas permis de faire entendre raison au copropriétaire, l’Huissier de Justice pourra déposer une requête en injonction de payer devant le Juge de Proximité (ou le juge d’instance, à partir du 1er janvier 2017, puisque les les juridictions de proximité vont être supprimées) si la dette est inférieure à 4000€, devant le Tribunal d’Instance si la dette est inférieure à 10.000€ ou devant le Tribunal de Grande Instance au delà
 
A défaut d’opposition du débiteur, un titre exécutoire sera rendu par le Tribunal permettant alors à l’Huissier de Justice de poursuivre, cette fois-ci, le recouvrement forcé et les voies d’exécution de droit commun, comme la saisie-vente mobilière, la saisie attribution sur les comptes bancaires ou les loyers, la saisie des rémunérations, la saisie des véhicules…
 
Enfin, en cas de vente amiable ou judiciaire du lot, le privilège immobilier spécial et l’opposition prévue à l’article 20 confèrent, de plein droit, un statut de créancier privilégié à la copropriété à l’égard du copropriétaire débiteur. L’huissier de justice signifiera au notaire chargé de la vente dans les 15 jours de la réception de l’avis de mutation, une opposition pour les charges impayées alors exigibles. 

Propos recueillis par Marc EZRATI
 
 



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