Quelle réponse à la pénurie de médecins ?


Franck Martin

Je m'apprête à signer, au nom de la CASE, un contrat local de santé avec l'Agence Régionale de Santé. La démographie médicale n'est pas l'objet principal de ce contrat, mais le diagnostic réalisé à cette occasion est aussi clair qu'inquiétant : l'agglomération manque de médecins.

Et tout indique que, loin de se résorber, cette désertification va empirer dans les années à venir. Or, la carence de médecins de campagne est l'une des raisons du sentiment d'abandon ressenti dans l'espace périurbain, avec les conséquences électorales que l'on sait...

Pour attirer les généralistes, notre territoire doit rivaliser avec une rude concurrence. D'une part, le Sud de la France et son ensoleillement, d'autre part les grandes villes, la densité de leurs services et de leur réseau médical, à commencer par la présence de spécialistes et des grands hôpitaux, têtes du réseau hospitalier public. La crainte de l'isolement, tant personnel et familial que professionnel est la raison majeure du choix des jeunes médecins pour les villes universitaire.

Que faire ? J'ai une proposition à soumettre à nos futurs parlementaires...




Démarche globale, réponses sectorielles : renforcer l'attractivité de l'agglomération

Qu'il s'agisse d'attirer de nouveaux habitants, des entreprises ou des médecins, tout nos efforts doivent aller dans le même sens : améliorer la qualité de vie et donc l'attractivité de l'agglomération exige une politique globale.

La préservation de l'environnement, du cadre de vie, un réseau de transport efficace, des équipements culturels, sportifs, de loisirs, les communications à haut débit, le développement du commerce participent au maintien d'un solde démographique positif et peuvent nous aider à inverser la courbe démographique négative des acteurs de santé.

Pour réussir, nous avons aussi besoin de l'Etat : le maillage territorial des services publics est un atout essentiel et l'on sait que la proximité d'établissements d'enseignement de qualité est un critère essentiel dans le choix d'implantation des jeunes médecins.

Directement ou indirectement, l'exercice de toutes les compétences de l'agglomération concourt à l'attractivité de notre territoire. Cela n'empêche pas d'élaborer des réponses spécifiques, pour les ajouter à cet effort global.

Contrat local de santé et maisons médicales

L'agglomération Seine-Eure est à la pointe de l'innovation, sur tous les terrains de l'action locale. Ainsi, le contral local de santé avec l'Agence régionale de santé sera conclu à titre expérimental en Haute-Normandie. Il permet la mobilisation du réseau des acteurs locaux dans le domaine de la santé, sur des objectifs et des actions précises. Toutefois, ce n'est qu'indirectement qu'il répond au problème de la démographie médicale.
La commune d'Heudebouville a pris la question à bras-le-corps en créant une maison médicale et la CASE lui a apporté un soutien décisif. Les sollicitations pour la création de maisons médicales sont nombreuses dans l'Eure et dans la sous-région haut-normande. Malheureusement, je pense que l'investissement ( y compris financier ) des collectivités dans la création des maisons médicales n'est pas la panacée. Le risque est grand de créer des maisons médicales... qui se videront ou resteront vides de médecins généralistes.

Les généralistes ont peur de l'isolement professionnel

L'obstacle principal à l'installation de médecins de campagne est la crainte de l'isolement. Sortant du CHU où, jeunes internes, ils ont complété leur formation, les généralistes répugnent à s'éloigner du secteur hospitalier et du réseau de spécialistes, public ou privé, qui gravite autour des têtes de réseau hospitalier. Ils apprécient de pouvoir exercer le suivi de leurs patients à proximité, y compris en cas d'hospitalisation.
La prise en charge, seul(e), d'une population leur semble difficile, à commencer par la disponibilité qu'elle exige : tours de garde, urgences. Ajoutons que la féminisation accélérée de la profession incite à une organisation collective du temps de travail moins dévoreuse que dans un passé aujourd'hui révolu, les jeunes médecins souhaitant préserver une part de leur temps pour construire une famille.

Une solution : les médecins de campagne... hospitaliers.

L'hôpital, qu'il soit local, de référence ou universitaire doit être l'acteur de l'aménagement du territoire de la santé. Il faut créer un corps de médecins généralistes pour organiser un réseau de maisons de santé rurales dont les médecins seraient salariés par l'hôpital le plus proche et la construction et l'aménagement assurés par les collectivités territoriales.

Médecins généralistes hospitaliers, ils resteraient en contact étroit avec l'hôpital, assurant leur formation professionnelle continue, l'élaboration collective des bonnes pratiques médicales, le suivi des patients hospitalisés, la future généralisation de la télé-médecine hospitalière, le contact permanent avec les réseaux d'aide sociale.

Desserrant l'étau du paiement à l'acte, libérés d'une partie importante de la gestion administrative ces médecins généralistes du service public trouveraient plus facilement le temps à consacrer à la médecine préventive, dont l'absence en milieu rural est aussi criante que coûteuse pour la Sécurité sociale.

Rien n'empêche que ces médecins publics organisent la maison de santé avec des praticiens libéraux et toute la gamme nécessaire des métiers de santé : infirmières, kinésithérapeutes etc.

La création de ce corps de généralistes hospitaliers me semble être la seule façon d'éviter de construire des maisons de santé vite transformées en coquilles vides. Pour que l'hôpital public devienne l'organisateur des territoires de santé, des lois nouvelles sont nécessaires. La balle est dans le camp de nos futurs parlementaires.


Franck Martin