Législatives à Louviers


Franck Martin

Les jeux sont faits à gauche pour le premier tour des législatives : sans coup férir, François Loncle a fait rentrer dans le rang son présomptueux rival. A droite, on ne voit encore rien venir, mais la candidature d'Hervé Morin à la présidentielle provoquera sans doute une primaire UMP-Nouveau Centre. Ce qui rappellera quelques souvenirs... Pour ma part, je ne me présenterai pas à cette élection législative. Pourquoi ?



Un scrutin bipolaire, écrasant les petits partis

On se souvient de la décision prise par Jacques Chirac et Lionel Jospin, alors cohabitants de l'Elysée-Matignon : instituer le quinquennat et fixer la date des élections législatives juste après l'élection présidentielle.  Cette réforme malheureuse a enterré profondément ce qui restait comme traces de régime parlementaire dans la Constitution de la 5ème république. Elle a consacré la prééminence du régime présidentiel aux dépens du Parlement. Elle a accentué la bipolarisation de la représentation nationale au profit de l'UMP-PS.

L'électorat ne ressent plus les élections législatives autrement que comme la troisième manche de l'élections présidentielle. Le débat législatif n'existe plus, invisible dans l'ombre de la joute présidentielle.

L'électeur est tenté, soit d'affirmer son refus du président fraîchement élu, soit de confirmer le résultat en donnant au Président une majorité solide à l'Assemblée Nationale. L'élection législative n'est donc plus qu'un plébiscite : on vote pour ou contre la vainqueur de la présidentielle.

Désormais, dans la campagne législative, seules comptent deux étiquettes : celles des partis capables de figurer au second tour de la présidentielle. Toute représentation sortant de ce cadre étroit est gommée au profit du duel des deux grands partis de gouvernement.

Ceux qui portent la casaque d'un petit parti sont éliminés du jeu, quelle que soit leur implantation locale, leur légitimité personnelle, la pertinence de leur discours. Les petits partis sont hors jeu, sauf à obtenir des circonscriptions lors de négociations préalables auprès des « grands ».

Vu de droite : la preuve par Leroy

Depuis la réforme de 1995, il est clair que sans étiquette UMP ou PS, point de salut aux législatives. Telle est la leçon, évidente, à tirer de l'observation des résultats de l'élection de 2007 dans la 4ème circonscription.

Ainsi, le sort réservé en 2007 à Bernard Leroy l'a désigné comme le principal perdant de cette élection. Bernard Leroy est connu de longue date, respecté par tous, implanté dans toute la circonscription grâce à un réseau très dense d'amis, de connaissances. Sa légitimité comme candidat est non seulement incontestable, mais démontrée par le fait qu'il est le seul à avoir défait François Loncle et avoir été député de la 4ème circonscription. Un poste qu'il a assumé avec compétence, sans démériter. Un candidat idéal pour la droite dans une circonscription modérée, dont les élus se recrutent dans le vivier du centre-droit ou du centre gauche.

Or, dès le premier tour, Bernard Leroy a été balayé par une candidate inconnue, sans attache ni réseau local, parachutée de Paris, candidate au comportement et à l'expression plutôt... fantasque.

Pourquoi ? Parce que Bernard Leroy portait la casaque Nouveau Centre et sa rivale la casaque UMP. Et que Françoise Miquel, aujourd'hui oubliée de tous, a fait campagne sous un slogan simple : Vous avez voté Sarkozy, votez pour la candidate UMP. Et l'affaire fut réglée au premier tour : la candidate du président a dominé le candidat implanté localement, victime de la bipolarisation


Vu de gauche : j'ai déjà donné...

En 2007, après avoir animé une campagne innovante et dynamique pour Ségolène Royal, campagne présidentielle localement portée par les radicaux de gauche alors que le PS local brillait par son absence du terrain, je me suis présenté à l'élection législative. Qu'on me fasse le crédit de croire qu'à aucun moment je n'ai pensé gagner ! Il s'agissait de semer des idées pour l'avenir, de démontrer la vitalité d'une troisième voie à gauche...

Mais je ne m'attendais pas à ce que les urnes m'infligent une aussi cuisante leçon - un score inférieur à 5% - alors que les observateurs de la vie politique locale me créditaient tous d'un score à deux chiffres et que mon entourage rêvait de 15% !

Pourtant, durant cette campagne courageuse, magnifiquement portée par le dévouement de mes amis, des signaux auraient du m'alerter : les rencontres avec les électeurs, le porte-à-porte, les marchés se passaient bien, voire trop bien : une écoute aimable, mais trop aimable, déférente et polie comme si les électeurs voulaient me dire que mes propos étaient certes intéressants, mais hors-sujet et que ma candidature PRG était, en présence d'un sortant PS, hors-jeu dès le départ. Pour l'électorat, de gauche comme de droite, l'enjeu des législatives était le duel PS-UMP, suite du duel Sarkozy-Royal et rien d'autre. Les petits partis n'avaient rien à y faire et leurs candidats traités avec une indifférence polie.

Comme Bernard Leroy, j'ai été victime de la bipolarisation du scrutin. Depuis 2007, rien n'a changé, François Loncle est candidat. Après avoir soutenu et voté pour Jean-Michel Baylet et François Hollande lors des primaires citoyennes, je soutiendrai François Hollande et François Loncle lors des prochaines échéances électorales.


Franck Martin