Le duel des frères Milliband amuse la Grande Bretagne


Franck Martin

Deux frères pour un siège... Qui, de David ou Ed Milliband, succèdera à Gordon Brown à la tête du parti travailliste britannique ?




Aujourd'hui samedi, après un vrai, un passionnant débat d'idées, remarquablement organisé  et réellement démocratique, le parti travailliste va élire son leader.

Cinq candidats sont en lice, mais ce sont deux frères, les Milliband, qui font la course en tête et s'opposent dans un duel qui n'a rien de fratricide. Au dernier pointage, Ed aurait l'avantage sur son frère, plus marqué à gauche.

En cas de victoire aux élections législatives du Labour Party, son leader devient automatiquement premier ministre de Grande Bretagne. C'est dire l'enjeu de ce débat, dont, en France personne, à gauche, ne parle...

Depuis que j'ai l'âge de lire les journaux et de m'intéresser à la politique, j'ai été atterré par l'attitude de l'immense majorité des leaders de la gauche française vis à vis des gauches anglaise, allemande, suédoise ou américaine.

Entre l'ignorance crasse et le mépris condescendant, bien peu perçoivent à quel point ils passent à côté de débats pertinents, d'idées brillantes, d'expériences intéressantes qu'ils ignorent... royalement.

Depuis 1789, la gauche française croit dur comme fer que la France apporte les idées politiques au reste du monde et  que l'inverse est inconcevable.

Cette condescendance est particulièrement arrogante vis-à-vis de la sphère politique anglo-saxonne. Pour paraître savant, on se contente de répéter les slogans du parti communiste français des années 60 : bonnet blanc, blanc bonnet, aucune différence entre le parti démocrate et le parti républicain aux USA. Pour qui connait l'extraordinaire vitalité, la créativité et la variété de la vie politique américaine, cette arrogance française est confondante.

Certes, avec son faux pas sur l'Irak, Tony Blair est devenu une cible facile pour l'arrogance franchouillarde, si prompte à diaboliser tout ce qui ne sort pas du Quartier Latin, alors que nous perdons chaque année du terrain dans la performance intellectuelle au niveau mondial.

Le vrai bilan du New Labour

Arrêtons-nous sur le fait suivant, incontournable : alors que depuis l'ère Mitterrand et la première cohabitation, la gauche française court d'échec en désastre, incapable de se renouveler, incapable de penser le monde moderne de façon crédible, la gauche britannique, nantie d'un formidable bagage d'innovations par l'équipe Blair, a été réélue constamment à la tête du pays.

La confiance renouvelée de l'électorat lui a permis de reconstruire, non pas à l'identique, mais sur des bases modernes, un système de santé, un système éducatif, un système de protection sociale, des services publics détruits sous l'ère Thatcher.

Certes, il ne s'agit pas de copier le New Labour, mais d'étudier son vrai bilan, et d'en tirer de vrais enseignements plutôt que de jouer les éternels donneurs de leçons idéologiques.

Ce bilan du New Labour - qui est la toile de fond de l'élection de ce jour - mérite mieux que les gloses monotones  sur la rivalité entre Martine, Ségolène et Dominique, dont le fond politique est d'un vide sidéral...

Je lis avec passion - et je vous conseille de le faire - les Mémoires de Tony Blair.


Franck Martin