Le Pen, ça vous démange ? Soyez radical !


Franck Martin

Contre les démangeaisons du prurit populiste, soyez radical ( de gauche ) Les pieds sur terre, mais la tête dans les étoiles... En marge de l'université d'été du PRG, j'ai répondu à une interview du journal Radical. A lire ci-dessous.


Franck Martin, quel bilan faites-vous après bientôt 20 ans de mandats municipaux ?

Depuis vingt ans, j'assume plusieurs mandats... mais je reste solidement ancré dans la certitude que le métier de maire est le plus beau. Il vous offre une rugueuse réalité à étreindre, à modeler, à féconder.
 Quel autre mandat, à l’exception de l’inaccessible présidence de la République, place l’élu devant pareil défi : traduire un idéal en action concrète ? Donner chair à un progrès tangible pour les citoyens,  broder sur le fameux tissu social, faire croître dans l’harmonie le premier ensemble de vie collective qu’est la commune…
A l’instar de Michel Crépeau, qui nous a montré le chemin à La Rochelle, je crois en la voie municipale, voie royale pour réaliser un idéal de progrès républicain, pour vivre « les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. » J’aimerais en convaincre nos jeunes militants.
Notre idéal radical est celui de l’épanouissement de l’individu en citoyen autonome, responsable et solidaire. La commune est un champ d’action privilégié pour favoriser cet épanouissement, en inventant le service public du 21ème siècle. La gestion communale est un choix quotidien entre progrès et conservatisme, intérêt général et injustice sociale.
L’exercice peut paraître terne, éloigné des plaisirs tribuniciens. La distance entre l’idéal et le réel se mesure en années-lumière lorsqu’il s’agit, comme je le fais aujourd’hui, de signer des marchés publics pour faire passer des tuyaux sous la route de Louviers !
Mais si les tuyaux forment un réseau de chaleur qui fait baisser les factures de chauffage dans les logements sociaux ? Et utilise le bois comme source d’énergie renouvelable ? Un tel dossier met en balance de vrais enjeux sociaux, environnementaux et finalement politiques.
J’ai eu la chance d’être élu lors du lever de rideau de l’acte 2 de la décentralisation. Construire un projet territorial partagé, construire une agglomération puissante au service de la population de quatre cantons, s’inscrire dans un pôle métropolitain avec notre puissant voisin rouennais reste le plus grand bonheur de ces vingt ans de mandat.

En dépit de la crise de confiance que rencontre le gouvernement et plus largement la gauche, envisagez-vous de vous représenter ?

Plus que jamais ! Ce n’est pas au moment où « la terre tremble », comme dit le président Baylet, que j’irais déserter… Et parce qu’elle se joue dans le contact direct avec les citoyens, l’élection municipale est la mère de toutes les batailles électorales. Les communes sont le terreau où s’enracine durablement une force politique.
 
Vrai, le climat  politique est devenu plus rude qu’en 1995 … A en croire les conversations de bistrot, sous chaque écharpe de maire se cache un Cahuzac… Sous l’averse, j’avoue résister à la tentation de Venise… Il faut avoir le cuir épais pour résister au politico-bashing de la presse, relayée par des projets de lois visant à affaiblir les élus du peuple face à l’administration,  face aux appareils de parti.
 
Mais le mal dont souffre la France est plus profond  qu’un prurit populiste ou une crise de foi envers la gauche ! Les sondages attestent la progression d’une épidémie de peste émotionnelle. C’est une maladie de longue durée, intellectuelle et morale, dont les premiers symptômes datent de trente ans, voire, selon le philosophe Marcel Gauchet, depuis juin 1940.
Notre pays souffre d’un pessimisme halluciné… tant la France reste un pays fort où, objectivement, il fait bon vivre. Mais la peur, peur de perdre nos acquis, peur du déclassement, de la chute sociale est devenu la toile de fond subliminale de notre inconscient collectif.
Cette perte d’estime de soi conduit à la peur de l’autre – à commencer par l’étranger ou le délinquant, réel ou fantasmé - mais aussi à la détestation de la réussite, au ressentiment rancunier envers les élites incapables de guérir ce cancer social qu’est le chômage, ni de forger un consensus sur les voies du redressement.
Faute de croire à un projet collectif, à son avenir européen, la France se fragmente en revendications catégorielles et contradictoires. Jadis structurée par les intérêts de classe, l’opinion publique est atomisée, versatile, pratique l’alternance par le rejet. Nous ne sommes plus très loin du cauchemar nihiliste : la guerre de tous contre tous, la balkanisation des esprits, l’ethnicisation du débat politique.

Quelle est la plus value radicale dans le contexte économique et social actuel ?

Vu en pharmacie - et à la télé - une campagne de pub qui reprend les couleurs (jaune et bleu) du PRG. Rigolo, non ?
La plus-value radicale ? Elle saute aux yeux. Les radicaux sont l’avant-garde de la République… et le mot République n’est pas un drapeau claquant dans le vide conceptuel. C’est la clé de l’avenir. La modernité du monde de demain.
Nous vivons une époque charnière. Un vieux monde se meurt. Le nouveau ne pourra naître sans prendre pour socle la République moderne. Or la République n’est pas un programme, mais une méthode universelle ; pas un dogme figé, mais une praxis où la laïcité n’est pas seulement la neutralité de l’espace public, mais la liberté de penser vis-à-vis du messianisme politique, religion cachée, à droite comme de gauche.
Malgré l’échec des léninismes et des fascismes, le messianisme imprègne encore largement un champ politique où les radicaux incarnent la liberté de l’esprit.  Libres de tout dogme, pragmatiques, les radicaux sont les meilleurs explorateurs des sentiers de l’avenir. Alors, mes amis, à cheval ! La République n’est pas morte !


Franck Martin